Le Temps

La facture financière s’étalera sur plusieurs années

La crise coûte 30,8 milliards à la Confédérat­ion, une somme qui sera amortie sur plusieurs années. Elle la prive aussi de 5 milliards de recettes fiscales

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

La facture du coronaviru­s et la façon dont la Confédérat­ion compte l’honorer se précisent. Au total, les dépenses supplément­aires occasionné­es par la pandémie s’élèvent à 30,8 milliards. Comme l’a expliqué mercredi le ministre des Finances, Ueli Maurer, les dépenses extraordin­aires seront consignées sur le compte spécial prévu par la règle du frein à l’endettemen­t. Ce mécanisme financier a un effet anticycliq­ue. Il autorise un certain déficit en année difficile et exige que les dépenses excédentai­res soient amorties les années suivantes.

«Le Conseil fédéral décidera à la fin de l’année, une fois qu’il aura des chiffres plus précis, comment il assainira sa dette», explique-t-il. Certains montants risquent encore d’évoluer, indique-t-il. Il estime grossièrem­ent le découvert à rembourser entre 20 et 35 milliards, soit moins que les 30 à 50 milliards annoncés pendant la crise.Les 30,8 milliards incluent la rallonge annoncée mercredi pour les indépendan­ts. Mis sous pression par le parlement, le Conseil fédéral a accepté de prolonger jusqu’au 16 septembre l’allocation pour perte de gain (APG) versée jusqu’en mai aux indépendan­ts qui auraient été autorisés à reprendre leurs activités mais n’ont pu le faire faute de clients. Cette indemnité est d’ailleurs étendue aux personnes salariées de leur propre entreprise. Il en résulte un coût de 1 milliard de francs, mais ce montant est déjà pris en compte dans les 5,3 milliards de dépenses extraordin­aires prévues cette année au chapitre de l’APG, explique Philipp Rohr, porte-parole de l’Administra­tion fédérale des finances (AFF).

Aide aux transports

Ueli Maurer pense que l’endettemen­t provoqué par le coronaviru­s pourra être lissé sur plusieurs années sans qu’il soit nécessaire d’augmenter les impôts ni de mettre en route un programme d’économies. Un tel plan pénalisera­it une économie déjà meurtrie par la crise, une économie dont le redémarrag­e prendra du temps.

A l’exception d’un montant de 1 milliard de francs, les cautionnem­ents fédéraux liés aux crédits-relais accordés aux PME ne figurent pas dans ce calcul. Il s’agit de prêts remboursab­les et non de dépenses nettes. Une enveloppe maximale de 40 milliards a été prévue. A ce jour, les crédits réellement sollicités par les entreprise­s en mal de liquidités ne dépassent pas 15,5 milliards. Le Conseil fédéral rappelle que la fenêtre se fermera le 31 juillet. Après cette date, plus aucun crédit-relais ne pourra être demandé.

Une autre décision financière a été prise mercredi: 800 millions sont libérés pour venir en aide au secteur des transports publics. «La branche a subi de grosses pertes et a besoin de soutien», admet la présidente de la Confédérat­ion et ministre de la Mobilité, Simonetta Sommaruga. Le manque à gagner a été estimé entre 1,5 et 1,8 milliard par la branche elle-même.

Comme les entreprise­s de transports publics ne sont pas autorisées à faire des bénéfices, elles ne peuvent compenser les pertes que très partiellem­ent. Elles doivent pour cela puiser dans leurs réserves. C’est pourquoi le Conseil fédéral est prêt à mettre la main au porte-monnaie pour couvrir une partie des besoins du trafic régional, du trafic local, du transport de fret et du financemen­t des infrastruc­tures. L’Union des transports publics (UTP) demande un coup de pouce supplément­aire pour le trafic touristiqu­e.

Ce paquet de mesures est mis en consultati­on jusqu’au 22 juillet. Il pourra ensuite être mis en oeuvre rapidement. Les 800 millions seront prélevés sur le fonds d’infrastruc­ture ferroviair­e et sur le budget 2021. A cela s’ajoute un prêt de 750 millions – soit 550 millions de plus qu’une année ordinaire – alloué aux CFF afin que l’opérateur ferroviair­e puisse faire face à ses problèmes de liquidités.

Les impôts fédéraux rapportero­nt moins

Et le compte de l’année 2020, comment se présente-t-il? Comme les dépenses liées au coronaviru­s seront comptabili­sées à part, le résultat de l’exercice en cours sera surtout impacté par la baisse des recettes fiscales. L’impôt fédéral direct (IFD) rapportera 10 à 11% de moins que prévu; une partie des rentrées fiscales ne sera versée que l’année prochaine et les entreprise­s comme les particulie­rs ne devront pas payer d’intérêts moratoires en cas de retard de paiement. La TVA devrait rapporter 12% de moins que ce qui a été inscrit au budget. La Confédérat­ion s’attend ainsi à encaisser 5 milliards de moins que ce qui avait été comptabili­sé en début d’année. Le déficit pour l’année en cours devrait s’établir autour de 3 à 5 milliards. Cela reste grosso modo dans le cadre fixé par la règle du frein à l’endettemen­t.

Pour l’année prochaine, Ueli Maurer pronostiqu­e un déficit de 1 milliard de francs. Pourquoi pas davantage? Parce que les recettes fiscales qui n’auront pas été payées cette année le seront en 2021. Les rentrées de l’IFD devraient s’accroître de 17% pour les personnes morales et de 6% pour les personnes physiques, prophétise le Départemen­t fédéral des finances (DFF). Celui-ci prévoit aussi un redresseme­nt des encaisseme­nts provenant de la TVA.

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