Le «Canis lupus» fait perdre son latin à l’Etat du Valais
Les Valaisans devront se prononcer sur l’initiative «Pour un canton du Valais sans grands prédateurs». Le hic, c’est que les communiqués de presse présentant le texte de l’article qui doit être introduit dans la Constitution cantonale (si le peuple donne son aval) ne disaient pas tout à fait la même chose en français et en allemand.
Une erreur de traduction concernant l’initiative «Pour un canton du Valais sans grands prédateurs», lui donnant des significations différentes en français et en allemand, se révèle en fait être une erreur de transmission de documents. Récit d’une histoire cocasse
Les Haut-Valaisans et les Bas-Valaisans se prononceront-ils sur un texte différent lors de la même votation cantonale? La semaine dernière, le Conseil d’Etat a invité le parlement à soumettre au vote populaire l’initiative «Pour un canton du Valais sans grands prédateurs», tout en recommandant l’acceptation de ce texte. Le hic, c’est que dans ses communiqués de presse, l’article qui doit être introduit dans la Constitution cantonale, si le peuple donne son aval, diffère qu’il soit en français ou en allemand.
Comme le révélait Le Nouvelliste, dans la langue de Goethe, la modification du texte fondateur du canton stipule que «l’Etat élabore des prescriptions relatives à la protection contre les grands prédateurs…», alors que dans celle de Molière, il est proposé d’ajouter que «l’Etat élabore des prescriptions contre les grands prédateurs…». «En caricaturant au maximum, en allemand, on se dit que l’Etat va pouvoir proposer des chiens pour garder les troupeaux alors qu’en français, on imagine le canton en train de lustrer les fusils», écrit le quotidien valaisan.
Aucune différence au Bulletin officiel
Ce sont donc ces deux versions différentes de l’initiative que le Conseil d’Etat avait entre les mains au moment de se prononcer sur cet objet, comme Jacques Melly, le chef du Département cantonal de la mobilité, du territoire et de l’environnement (DMTE), l’a expliqué à nos confrères du Nouvelliste. Pourtant, ces dissemblances n’existent pas dans le texte publié le 11 octobre dernier au Bulletin officiel. En français, il y est bel et bien écrit que «l’Etat édicte des prescriptions relatives à la protection contre les grands prédateurs…»
Alors comment se fait-il que le gouvernement valaisan n’ait pas eu entre les mains la bonne version de l’initiative? En septembre 2019, lors de l’examen préalable par le Grand Conseil, pour juger de la recevabilité de l’objet, des modifications ont été apportées au texte. «Après ces travaux, les documents sont revenus au DMTE. Nous utilisons une plateforme électronique pour réaliser ces échanges. Il y a eu une erreur lors de la transmission. L’ancien texte a été transféré et l’administration cantonale tout comme le Conseil d’Etat ont travaillé sur ce texte, en français, qui est faux», détaille Philipp Spoerri, le chancelier d’Etat.
La communication erronée réalisée la semaine dernière découle donc de cette erreur de transmission. «Nous avons repris les documents que nous utilisions à l’interne pour réaliser les communiqués de presse, ce qui explique les erreurs», résume Philipp Spoerri. Le chancelier d’Etat précise toutefois que le texte qui sera soumis au peuple est celui qui a été publié dans le Bulletin officiel et donc qu’aucune différence d’interprétation ne sera possible. «Pour les gens qui voteront, le texte est clair. Il n’y aura eu des conséquences que dans la communication du Conseil d’Etat. Juridiquement, il n’y en a aucune», appuie Philipp Spoerri.
«C’est de l’amateurisme»
Cette mésaventure ne fait pas sourire Barbara Lanthemann, députée et présidente du Parti socialiste du Valais romand. «C’est de l’amateurisme, tonne-t-elle. J’espère sincèrement que c’était une simple erreur. Car, si on est méchant, on peut se demander si ce n’est pas fait de manière volontaire pour rallier plus de gens derrière cette initiative.»
Le Conseil d’Etat rappelle qu’une acceptation du texte «ne changera pas fondamentalement la situation actuelle et future dans le canton pour les grands prédateurs». La législation en vigueur et celle qui pourrait l’être en cas d’acceptation de la révision de la loi fédérale sur la chasse «remplissent déjà largement les exigences de l’initiative». Mais soumettre ce texte à votation permettra de connaître l’avis de la population valaisanne sur les grands prédateurs. Un sujet qui ne cesse de faire débat dans le canton.
Une controverse relancée
Un message, posté ce lundi sur les réseaux sociaux par le Groupe Loup Suisse, a d’ailleurs relancé la controverse. L’organisation avertit qu’elle a été informée «que des tirs de braconnage dirigés contre des loups étaient en préparation» dans le val d’Entremont et demande de «rapporter toute présence ou faits suspects».
Cette publication a fait sortir de ses gonds le député UDC Grégory Logean. Sur les ondes de Rhône FM, le coprésident du groupe chasse du parlement valaisan déclare qu’il «n’y a aucun élément factuel qui va dans le sens des éléments soulevés par le Groupe Loup Suisse». «C’est un appel à la haine gratuit contre le Valais, contre les populations de montagne et le monde de la chasse. On ne peut plus laisser passer de telles attaques», appuie-t-il, y voyant un artifice électoral en vue de la votation du mois de septembre sur la révision de la loi fédérale sur la chasse.
Chargé d’affaires de Pro Natura Valais, Jérémy Savioz a pris la balle au bond sur les réseaux sociaux, soulignant qu’il n’y a également «aucun élément factuel sur des loups prétendument hybrides et relâchés… Sauf que pour le braconnage, il y a des preuves.» Le débat sur le loup est loin d’être terminé en Valais. La votation cantonale, dont la date doit encore être précisée, permettra peutêtre de l’apaiser.
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