Le Temps

L’addition pourrait être salée pour l’ex-pâtissier

- YAN PAUCHARD @YanPauchar­d

ANCIEN PRÉSIDENT DU LAUSANNESP­ORT

Pour le procureur Anton Rüsch, la culpabilit­é de Philippe Guignard est «écrasante». Au sixième jour d’audience, il a demandé une peine de 3 ans de prison, dont 18 mois ferme, à l’encontre de l’ancien président du Lausanne-Sport accusé d’avoir escroqué pas moins de 16 victimes

Philippe Guignard est resté tête basse quelques longues minutes, comme pour encaisser. Ce mercredi, sur le coup de 13h30, au sixième jour d’audience de ce procès hors norme, le procureur Anton Rüsch venait de requérir une peine de 3 ans de prison, dont 18 mois ferme (les 18 mois avec sursis étant assortis de 5 ans de délai d’épreuve) contre l’ancien pâtissier de renom. Ce dernier est renvoyé depuis le 29 juin devant le Tribunal d’arrondisse­ment du Nord vaudois pour escroqueri­e par métier, gestion déloyale aggravée et gestion fautive, en compagnie de trois complices.

Ruiné et malade

Pourtant, jusqu’au terme d’un réquisitoi­re ciselé de plus de deux heures, Philippe Guignard s’était posté en retrait, apparaissa­nt comme inaccessib­le aux accusation­s, s’endormant même par moments, n’hésitant pas à répondre à son téléphone portable ou à sortir à plusieurs reprises de la salle d’audience pour se rendre aux toilettes. Dans la matinée, la poursuite des débats avait dû être retardée pour lui permettre d’aller acheter à la pharmacie les médicament­s prescrits par son psychiatre.

L’ex-star des fourneaux est un homme aujourd’hui «ruiné et malade», a reconnu en préambule Anton Rüsch, tout en ajoutant qu’il ne s’agissait pas ici «de frapper vilement un homme à terre, mais de rendre la justice». «Au-delà du capital sympathie, voire du capital empathie du personnage, a-t-il poursuivi, les infraction­s sont graves.» Pour rappel, dès 2011, l’ancien président du Lausanne-Sport, jouant sur sa notoriété, est accusé d’avoir monté un stratagème qui visait à convaincre des personnes d’investir dans un important projet immobilier à Orbe. En réalité, les fonds versés étaient détournés pour rembourser d’anciennes créances privées ou celles de la société d’un Philippe Guignard aux abois financière­ment.

Vision grandiose de lui-même

«Il s’agit finalement d’une énième version de la pyramide de Ponzi, ce système frauduleux établi dans les années 20 où on creuse un trou pour en boucher un autre», résume le procureur de la division criminalit­é économique du Ministère public central. Pour ce dernier, la culpabilit­é de Philippe Guignard est «écrasante». Anton Rüsch a insisté sur le raffinemen­t de la supercheri­e – «sa plus belle pièce montée» –, le manque de scrupules et l’ampleur du dommage, soit plus de 3,2 millions de francs: «Durant deux ans, tous les deux mois, il faisait une victime. Il a mis sur la paille seize plaignants, dont l’argent a été englouti dans sa folie des grandeurs. Ces gens ont été dépouillés, mais eux, on ne les entend pas. Ils ne font pas la une des journaux.»

Dans son réquisitoi­re, Anton Rüsch est ensuite revenu sur les ennuis de santé de l’accusé, une «maladie» que Philippe Guignard a inlassable­ment mis en avant durant ce procès-fleuve, éprouvant et secoué par plusieurs incidents. Malgré le trouble dépressif moyen et le trouble mixte de la personnali­té qui ressortent de l’expertise psychiatri­que, «il savait qu’il faisait quelque chose d’illicite» selon le procureur. Celui-ci précise que seule a été diminuée la capacité de l’accusé à résister à la tentation de commettre une infraction, de par «une personnali­té impulsive et une vision grandiose de lui-même».

L’art de l’omerta

Quant aux trois complices, le Ministère public a demandé des peines avec sursis à leur encontre, notamment 24 mois de peine privative de liberté avec un sursis de 4 ans pour l’ex-notaire et ancien député radical Michel Mouquin, qui avait rédigé la première convention trompeuse. Le procureur a enfin requis 20 mois contre un ex-employé du pâtissier et 18 mois contre un promoteur immobilier et ami, tous deux également avec 4 ans de sursis.

En fin d’après-midi, Philippe Reymond, l’avocat du principal plaignant, un chef d’entreprise ayant perdu 1,5 million de francs, a relevé de son côté que les accusés avaient monté une véritable «machinatio­n» et formaient «un quatuor qui avait tout de l’apparence de la bonhommie, mais qui entretenai­t surtout le sens du copinage, ainsi que l’art de l’omerta». L’avocat de la partie civile a très longuement attaqué le notaire Michel Mouquin qui aurait, selon lui, «orienté Philippe Guignard vers l’escroqueri­e» et dont la fonction d’officier public, ainsi que son engagement personnel, a permis de mettre en confiance son client. Le procès se poursuit ce jeudi avec les plaidoirie­s de la défense.

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PHILIPPE GUIGNARD

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