Accalmie inattendue mais temporaire sur le marché de l’emploi
En juin, le taux de chômage a diminué en Suisse, contrairement aux prévisions. Assouplissement du confinement et mesures de soutien ont aidé, même s’il augmentera encore dans la deuxième partie de l’année
Un bol d’air avant la grande plongée? De façon inattendue, le taux de chômage a reflué en Suisse au mois de juin, d’après les chiffres publiés mercredi par le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). Il est passé de 3,4% en mai 2020 à 3,2% au mois dernier, alors que la plupart des analystes s’attendaient à une poursuite de la hausse engagée depuis le début de la crise du coronavirus. En chiffres absolus, le tableau reste spectaculaire: le nombre de chômeurs inscrits s’élève à 150289 personnes, soit moins que le mois précédent, mais 50% de plus qu’en juin l’an dernier.
Les analystes de Swiss Life préfèrent se concentrer sur les statistiques désaisonnalisées (qui ne tiennent pas compte des effets saisonniers dans certaines professions), qui, elles, indiquent que le taux de chômage a légèrement augmenté, passant de 3,2 à 3,3%. «Mais c’est satisfaisant pour le moment», estime Marc Brütsch, chef économiste de l’assureur. D’une part, les mesures de la Confédération (réductions d’horaire de travail (RHT) et prêts-relais) fonctionnent et ont évité une flambée des inscriptions. D’autre part, ajoute l’expert, l’assouplissement rapide des mesures de confinement à partir de mai a également aidé. «L’emploi dans le secteur de la construction est robuste, c’est réjouissant. Tout comme dans l’hôtellerie, où le nombre de chômeurs a diminué en juin par rapport à mai.»
Dans une étude publiée mi-juin, Credit Suisse avait d’ailleurs calculé que «si le 1,9 million de salariés pour lesquels une réduction de l’horaire de travail a été demandée en mai avaient perdu leur emploi, le taux de chômage aurait bondi à un effrayant niveau de 46%». Mais ils nuancent: «L’expérience a montré qu’il existe une nette différence entre demandes de réduction de l’horaire de travail et mise en oeuvre effective.» Ainsi, estiment-ils, «le taux en Suisse s’établirait actuellement à environ 14%». Soit le niveau atteint aux Etats-Unis.
C’est ce que confirment les chiffres des indemnités de chômage partiel reçues par les entreprises: elles ont obtenu 2,4 milliards de francs en avril, contre 5 à 7 milliards attendus. Un peu plus d’un million d’employés ont connu des baisses de temps de travail, au sein de plus de 130000 entreprises, ce qui correspond à une mise en place effective de 58% (55% en mars) des demandes. Pour les deux mois suivants, les autorités ont reçu des demandes de près de 200000 entreprises, impliquant 2 millions d’employés. Le recours aux RHT sera possible pendant dix-huit mois au lieu de douze mois, ainsi qu’en a décidé le Conseil fédéral au début du mois de juillet.
Faillites à venir
Marc Brütsch met néanmoins en garde pour la suite: les faillites, et donc les pertes d’emploi, devraient augmenter au second semestre. Le chômage, révisé depuis la publication des chiffres de juin, devrait selon lui atteindre 4% à la fin de l’année. Le Seco estimait lors de ses dernières prévisions en juin que ce taux serait de 3,8% (contre 3,9% selon les prévisions d’avril).
Le KOF, l’institut de recherche conjoncturel de l’EPFZ, a de son côté comparé les évolutions sur les marchés du travail de plusieurs pays, concluant que la Suisse se trouve dans la moyenne. Les divergences entre pays s’expliquent par l’importance des secteurs – l’Autriche est plus touchée parce qu’elle dépend plus du tourisme par exemple –, l’ampleur de la pandémie dans le pays et les mesures prises par les autorités. Mais pas forcément comme on l’imagine: «L’exemple de la Suède montre que la crise provoquée par le coronavirus a de graves répercussions sur le marché du travail, même si les autorités n’ont pas ordonné la fermeture complète des usines», analyse le KOF. Dans ce pays, qui a aussi recours aux réductions de temps de travail, le marché du travail subit une trajectoire similaire à la Suisse.
▅