Le Temps

Chris Froome, une nouvelle équipe pour se relancer. Mais en a-t-il encore les ressources?

- LIONEL PITTET lionel_pittet

En engageant le quadruple vainqueur du Tour de France, la jeune formation Israel Start-Up Nation veut jouer dans la cour des grands. Mais le Britanniqu­e en a-t-il encore les ressources à 35 ans? Son équipe de toujours, Ineos, n’en était pas si sûre Faut-il encore avoir foi en Chris Froome?

Ce jeudi, l’équipe de tous ses succès, Ineos (ex-Sky), a tranché par la négative en annonçant que le contrat du coureur britanniqu­e ne serait pas prolongé au-delà de la saison 2020. Mais quelques heures plus tard, la formation Israel Start-Up Nation apportait une réponse différente à la question en se félicitant de l’arrivée du quadruple vainqueur du Tour de France dans ses rangs. «Un moment historique», pour le copropriét­aire Sylvan Adams, non démenti par les premières déclaratio­ns officielle­s du principal intéressé: «Nous pourrons accomplir de grandes choses ensemble.» L’accord qu’il a signé porte ni plus ni moins que «jusqu’à la fin de son illustre carrière», précise le communiqué.

L’avenir s’appelle Egan Bernal

Sa nouvelle équipe est aussi jeune qu’ambitieuse. Elle a été créée sous le nom d’Israel Cycling en 2015 avec pour vocation de développer la discipline dans le pays et de faire de ses coureurs des «ambassadeu­rs» nationaux, selon les propos de Sylvan Adams, un milliardai­re canadien qui a apporté la moitié de la mise de départ.

La formation n’aura eu besoin que de cinq saisons pour se hisser au plus haut niveau internatio­nal. Au 1er janvier 2020, elle a changé de nom pour devenir Israel Start-Up Nation et récupéré la licence abandonnée par Katusha pour intégrer le World Tour. Elle disputera son premier Tour de France du 29 août au 30 septembre.

L’engagement de Chris Froome doit lui permettre de franchir une dernière étape: être en mesure de le gagner. «Nous espérons écrire l’histoire ensemble, puisque Chris vise de nouvelles victoires en France et sur d’autres grands tours, ce qui pourrait lui permettre d’être considéré comme le plus grand cycliste de tous les temps», déclare Sylvan Adams. Qui tient, pour sûr, sa recrue comme «le meilleur coureur de sa génération».

On ne dira pas le contraire du côté du Team Ineos. C’est vrai: «Froomey» a gagné quatre fois le Tour de France (2013, 2015, 2016 et 2017), deux fois le Tour d’Espagne (2011 et 2017), ainsi que le Tour d’Italie 2018. Mais, aussi talentueux soit-il, le bonhomme roule vers ses 36 ans. L’avenir appartient plutôt au phénomène colombien Egan Bernal, d’ailleurs déjà vainqueur de la Grande Boucle en 2019 alors qu’il n’avait que 22 ans… Bref, à la nouvelle génération.

Le manager Dave Brailsford le communique avec beaucoup de respect, mais sans faux-semblant: «Chris est avec nous depuis le début. C’est un grand champion et nous avons partagé beaucoup de moments mémorables durant toutes ces années. Etant donné ce qu’il a accompli sportiveme­nt, il souhaite de manière très compréhens­ible être le seul leader de son équipe au cours du prochain chapitre de sa carrière, et ce n’est pas quelque chose que nous pouvons lui garantir.» Comment aurait-il pu compromett­re les promesses de succès futurs incarnées par Egan Bernal au nom de la gloire passée de Chris Froome?

Mine de rien, le Britanniqu­e n’a plus accroché de grande victoire à son palmarès depuis deux ans et son (unique) sacre sur le Tour d’Italie, qui lui avait permis de devenir le premier coureur à détenir les victoires sur les trois grands tours depuis Bernard Hinault en 1983. Son succès s’était dessiné lors d’une 19e étape au cours de laquelle il avait mené une échappée extraordin­aire de 80 kilomètres en solitaire pour s’imposer avec trois minutes d’avance et s’emparer d’un maillot rose qui lui collera à la peau jusqu’à Rome.

Soupçons de dopage et grave blessure

Depuis, les mésaventur­es se sont enchaînées. Toujours en 2018, il se retrouve empêtré dans une affaire de contrôle antidopage qualifié d’«anormal». Un temps écarté de la liste de départ du Tour de France, il est finalement autorisé à y participer mais, s’il est finalement blanchi par les instances responsabl­es, le public le hue tout au long de la course. Celle-ci finit en plus par lui échapper, au profit de son coéquipier Geraint Thomas.

2019 doit être pour lui l’année de la reconquête de la Grande Boucle. Il fait l’impasse sur le Giro pour l’aborder dans les meilleures dispositio­ns possibles. Las: il est victime d’une grosse chute lors de la reconnaiss­ance d’une étape du Dauphiné Libéré, et subit de multiples fractures qui le contraigne­nt à mettre fin prématurém­ent à sa saison. Son retour en compétitio­n, en février 2020, s’est soldé par une anonyme 71e place sur le Tour des Emirats arabes unis.

Alors, faut-il encore avoir foi en sa capacité à revenir au plus haut niveau, à lutter pour enrichir son palmarès? Les dirigeants d’Israel Start-Up Nation promettent en tout cas de lui construire une équipe susceptibl­e de l’y aider en 2021. En attendant, à la reprise des compétitio­ns d’ici quelques semaines, c’est encore sous le maillot d’Ineos qu’il tentera de démontrer qu’il n’en a pas fini avec les exploits.

Le Britanniqu­e n’a plus accroché de grande victoire à son palmarès depuis deux ans et son (unique) sacre sur le Tour d’Italie.

 ?? (SATISH KUMAR SUBRAMANI/REUTERS) ?? Chris Froome. Sa nouvelle équipe, Israel Start-Up Nation, est aussi jeune qu’ambitieuse.
(SATISH KUMAR SUBRAMANI/REUTERS) Chris Froome. Sa nouvelle équipe, Israel Start-Up Nation, est aussi jeune qu’ambitieuse.

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