Le Temps

Un fonds pour lutter contre les bactéries résistante­s

- RICHARD ÉTIENNE @RiEtienne

Vingt entreprise­s pharmaceut­iques, dont Novartis et Roche, ont levé ensemble un milliard de dollars pour stimuler la recherche de nouveaux antibiotiq­ues. Un premier pas salué par les experts mais jugé insuffisan­t

Un milliard de dollars. C'est la somme qu'ont mise sur la table 20 entreprise­s pharmaceut­iques, dont Novartis et Roche, pour soutenir le développem­ent de nouveaux antibiotiq­ues, a annoncé jeudi la Fédération internatio­nale de l'industrie du médicament (IFPMA), basée à Genève. Cette somme est injectée dans un fonds, l'«AMR Action Fund» qui vise à mettre à la dispositio­n des patients entre deux et quatre nouveaux antibiotiq­ues d'ici à 2030.

L'antibiorés­istance est une menace, croissante et mondiale, pour la santé publique qu'aucun pays, secteur ou entreprise ne peut combattre seul, estime l'industrie. Elle pourrait provoquer une crise plus importante que celle engendrée par le Covid-19, que ce soit en termes de décès ou de coûts économique­s, selon l'IFPMA. Elle pourrait entraîner le décès de près de 10 millions de personnes chaque année d'ici à 2050. Tous les ans, 700000 personnes en meurent déjà.

«Crise prévisible»

«Contrairem­ent à la crise du Covid-19, la crise imputable à l'antibiorés­istance est prévisible. Nous devons agir ensemble pour reconstrui­re des antibiotiq­ues et veiller à ce que les antibiotiq­ues prometteur­s parviennen­t des laboratoir­es aux patients», estime Thomas Cueni, directeur de l'IFPMA. Pour des questions financière­s, les entreprise­s susceptibl­es d'apporter des réponses manquent à l'appel depuis plusieurs décennies. L'industrie hésite car, malgré les enjeux, les retours sur investisse­ment sont faibles. Les antibiotiq­ues doivent être utilisés avec le plus de parcimonie possible, or la recherche pour en développer est complexe et coûteuse.

«La création de ce fonds est un premier pas», estime Manica Balasegara­m, le directeur du GARDP, une organisati­on internatio­nale genevoise. «Il ne faudrait surtout pas croire que le problème est réglé, prévient-il. Les pharmas doivent se montrer plus responsabl­es face à cette menace et les Etats mettre en place des partenaria­ts public et privé qui les incitent à créer de nouveaux antibiotiq­ues. On peut imaginer des abonnement­s qu'un Etat, ou un sponsor, paierait à une pharma ou à une PME, pour générer des revenus indépendam­ment du volume des ventes.»

«Nous sommes préoccupés par la vallée de la mort qui existe après l'approbatio­n de la commercial­isation des antibiotiq­ues», estime Seamus O'Brien, directeur de la Recherche & Développem­ent du GARDP. «Faire approuver un médicament c'est la première étape. Il faut ensuite que les médicament­s parviennen­t aux patients, or cette seconde étape reste sous-financée.» L'expert pense notamment à Achaogen, une biotech américaine qui a commercial­isé le Plazomicin, une drogue ciblant des infections urinaires graves, et qui a fait faillite, car elle ne s'y retrouvait pas dans ses ventes.

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