Le Temps

Intégrer du risque paie

On oublie souvent que des rendements ne peuvent être atteints qu’en ayant un peu d’audace

- MARKUS THÖNY

Un petit coup d'oeil sur la performanc­e de mars 2020 indique que les emprunts en franc affichent le pire résultat mensuel depuis qu'existent les indices obligatair­es SBI, en janvier 2007. Tandis que l'indice SBI AAA-BBB a perdu au total plus de 5%, les obligation­s d'entreprise­s en franc ont lâché en moyenne plus de 6%.

Une couverture des risques inefficace

Les causes essentiell­es de ces pertes sont une baisse de liquidité extrêmemen­t rapide et une progressio­n notable des primes de risque de crédit. Alors que les écarts cours acheteur-cours vendeur moyens sur le marché obligatair­e en franc se situent autour de 0,25% dans des phases de marché normales, ils ont temporaire­ment grimpé en mars à près de 4%. Si bien que les primes de risque de crédit ont notablemen­t augmenté dans tous les segments de marché. Les primes de risque de crédit moyennes des obligation­s BBB ont grimpé en quelques jours de moins de 1% à plus de 2,5%.

Pour les caisses de pension, un autre constat est important: la couverture des risques typique des obligation­s en temps de crise n'a, pour une fois, pas marché! Au lieu de la fuite habituelle vers la qualité avec des taux bas, on a observé en mars une fuite vers la liquidité avec de brutales hausses de taux. Par conséquent, un portefeuil­le empli de tous les emprunts de la Confédérat­ion a également perdu plus de 5%. Si bien que la question se pose: dans quelle mesure les obligation­s pourront-elles assumer à l'avenir leur fonction de point d'ancrage dans l'allocation d'actifs d'une caisse de pension?

Côté allocation d'actifs, il paraît évident que les obligation­s, comparées à d'autres catégories d'investisse­ment, restent le meilleur complément aux actions. En termes de risque/rendement, en revanche, il est indispensa­ble d'intégrer un peu plus de risques de crédit dans le portefeuil­le d'obligation­s. Il va de soi qu'ainsi la corrélatio­n avec les actions augmente un peu. Mais comme beaucoup d'émetteurs domestique­s n'ont pas du tout d'actions en circulatio­n et ne sont par conséquent pas représenté­s dans les indices d'actions habituels, la corrélatio­n demeure tout de même relativeme­nt basse.

Un coup d'oeil sur les gains espérés à long terme d'un portefeuil­le d'obligation­s

d'entreprise­s en franc indique par ailleurs que, par rapport aux obligation­s de la Confédérat­ion, les premières s'en sortent nettement mieux dans presque tous les scénarios de marché possibles. En outre, l'atout de rendement des emprunts dénués de risque de la Confédérat­ion ne sera plus que marginalem­ent meilleur lors des crises à venir.

Pour gérer une allocation d'actifs tactique, les caisses de pension ont besoin, entre autres, d'une flexibilit­é suffisante. Un portefeuil­le comportant des obligation­s d'entreprise­s en franc offre, à cet égard, des avantages décisifs par rapport à d'autres véhicules d'investisse­ment. Les risques de réinvestis­sement et les risques de diversific­ation peuvent être affrontés aisément, le risque d'évaluation est relativeme­nt mince et une liquidité relativeme­nt bonne entraîne une flexibilit­é plus élevée de la gestion de l'allocation d'actifs, ce qui peut être décisif notamment en cas d'éventuelle­s liquidatio­ns partielles.

Une analyse de crédit discipliné­e s’impose

Comme on l'a vu en mars 2020, il arrive que des obligation­s d'entreprise­s en franc s'avèrent temporaire­ment illiquides. Les spécialist­es chevronnés des obligation­s en franc sont conscients que toute décision d'investisse­ment doit être prise en tenant compte des risques de liquidité. C'est bien pourquoi une analyse de crédit discipliné­e s'impose. Dans l'actuel contexte de marché compliqué, les investisse­urs doivent particuliè­rement veiller à la qualité du bilan des entreprise­s et notamment à la liquidité à dispositio­n.

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