Echec du sommet européen sur le Kosovo
L’Union européenne espérait reprendre la main dans le dialogue entre le Kosovo et la Serbie, mais la rencontre virtuelle organisée ce vendredi s’est soldée par un simple constat de désaccords
Ce sommet virtuel devait marquer le «retour de l’Europe» et la relance du processus de dialogue entre le Kosovo et la Serbie. Réunis vendredi en visioconférence sous la houlette d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel, le premier ministre du Kosovo, Avdullah Hoti, et le président serbe, Aleksandar Vucic, se sont contentés de faire état de leurs divergences. La rencontre prévue dimanche à Bruxelles a même été «repoussée»: elle aura peut-être lieu jeudi prochain par visioconférence. Aleksandar Vucic, qui avait dîné jeudi soir au Palais de l’Elysée avec Emmanuel Macron a repris un avion pour Belgrade, alors qu’il devait rencontrer samedi à Bruxelles le président du Conseil européen, Charles Michel.
«Un accord de paix global entre la République du Kosovo et la République de Serbie doit aboutir à une reconnaissance mutuelle des deux pays. Sinon, aucun accord n’est possible», a déclaré Avdullah Hoti. En retour, Aleksandar Vučić a dénoncé les «ultimatums» de Pristina. «La partie albanaise exige la préservation de l’intégrité territoriale du Kosovo, le respect de la Constitution du Kosovo, la reconnaissance mutuelle, l’adhésion à l’ONU et la reconnaissance du Kosovo par les pays européens qui ne l’ont pas encore fait. Ce n’est qu’alors que Pristina s’occupera de la question des disparus…», a-t-il expliqué à une équipe de télévision serbe qui le suivait à Paris.
Les Européens, mis sur la touche depuis plusieurs mois par une très dynamique offensive diplomatique américaine, avaient pourtant bon espoir de reprendre la main sur le processus de négociation entre les deux pays. La mise en accusation pour crimes de guerre du président kosovar, Hashim Thaçi, avait en effet entraîné l’annulation du sommet prévu le 27 juin à la Maison-Blanche, tandis que Richard Grenell, l’émissaire spécial de Donald Trump pour le dialogue entre le Kosovo et la Serbie, avait tout misé sur un «deal» direct entre les deux chefs d’Etat, le président serbe Vucic et son homologue kosovar Thaçi. Même si ce dernier a annoncé qu’il ne démissionnerait pas de sa charge tant que son inculpation ne serait pas définitivement confirmée par la justice, il doit se rendre dès lundi à La Haye pour être interrogé par les enquêteurs des Chambres spécialisées pour les crimes de guerre et il est devenu infréquentable.
Marge de manoeuvre limitée
C’est donc le premier ministre Hoti qui mène les discussions pour le Kosovo mais sa marge de manoeuvre est limitée. Il dispose d’une majorité étriquée au parlement. Surtout, l’opinion publique considère son gouvernement comme «illégitime» et réclame de nouvelles élections. A la fin du mois de mars, les Etats-Unis avaient pesé de tout leur poids pour faire tomber le précédent gouvernement de gauche souverainiste, dirigé par Albin Kurti, considéré comme «trop intransigeant» à l’égard de la Serbie. Personne n’imaginait alors que c’est Hashim Thaçi qui allait finalement se retrouver hors jeu. Dans ces conditions, Avdullah Hoti n’est guère en mesure d’accepter des compromis et ne peut que s’en tenir à des affirmations de principe, écartant notamment toute hypothèse d’une modification des frontières.
C’est pourtant cela qu’attendait Aleksandar Vucic, espérant bien faire main basse sur la région, majoritairement serbe, du nord du Kosovo. Puisque cette hypothèse n’est plus sur la table, la disposition du président serbe à des compromis se trouve également réduite. En théorie, la reconnaissance de l’indépendance proclamée par le Kosovo en février 2008 est «une condition non écrite» à l’intégration européenne de la Serbie, mais cette dernière perspective demeure lointaine. Défié chez lui par des manifestants qui dénoncent sa gestion incohérente et calamiteuse de l’épidémie de Covid-19, le président serbe n’a donc aucune raison de «brader» le Kosovo. Le dossier constitue pour lui une rente de situation: depuis des années, les Européens passent l’éponge sur le caractère autoritaire de son régime, car on le suppose prêt à faire des «compromis» sur ce sujet sensible.
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