Le Temps

Une bourse pour les actifs tokénisés se dessine

FINANCE NUMÉRIQUE Plusieurs banques suisses ont mené un test grandeur nature visant de nouvelles formes de financemen­ts d’entreprise­s, de l’émission d’actions de PME sous forme de jetons numériques à leur échange sur une plateforme de négoce

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Toutes les pièces du puzzle de la finance numérique sont dorénavant en place. Plusieurs banques suisses ont récemment échangé des actions d’une société anonyme genevoise émises sous forme de jetons numériques (également appelés «tokens»). Les participan­ts à ce test grandeur nature ont utilisé un prototype de plateforme d’échange pour actifs tokénisés, développé par Swissquote. De l’émission à la négociatio­n sur une bourse dédiée, l’ensemble du processus de levée de fonds peut maintenant s’effectuer sous forme numérique.

Pour le moment, une PME qui souhaite émettre des actions sous forme numérique doit les détenir dans un portefeuil­le électroniq­ue puis les transférer à un acquéreur. Ce dernier, s’il souhaite les vendre, doit à son tour trouver un acheteur, par exemple via un système de petites annonces ou en se faisant connaître sur des sites spécialisé­s. La transactio­n, enfin, suppose que les deux parties se mettent d’accord sur un prix. Ce fonctionne­ment encore artisanal pourrait laisser place d’ici à quelques mois à un processus beaucoup plus sophistiqu­é et institutio­nnel, utilisant les technologi­es

ARIEL BEN HATTAR, SECRÉTAIRE DU COMITÉ EXÉCUTIF DE LA CMTA ET AVOCAT CHEZ LENZ & STAEHELIN de registre distribué comme la blockchain.

Mi-juillet, un test organisé par l’associatio­n CMTA (qui définit des standards en matière d’actifs tokénisés) a permis aux banques SEBA, Sygnum, Arab Bank, Vontobel et Hypothekar­bank Lenzburg d’échanger des actions d’une PME émises sous forme numérique. Un marché secondaire pour ce genre d’actifs était jusque-là le chaînon manquant dans le développem­ent de la finance numérique.

Concrèteme­nt, «des jetons représenta­nt les actions de cette société non cotée ont été créés en quelques minutes, pour un coût de quelques francs lié à la blockchain et leur transfert a pris quelques dizaines de secondes», résume Ariel Ben Hattar, secrétaire du comité exécutif de la CMTA et avocat chez Lenz & Staehelin, qui a conseillé l’entreprise en question. Pour le moment, un investisse­ment dans une PME passe encore souvent par l’échange bilatéral de certificat­s papier. Une bourse permettra de trouver des contrepart­ies et d’améliorer la liquidité.

La loi sur l’infrastruc­ture des marchés financiers (LIMF) permet la création de plateforme­s boursières moins lourdes que les marchés comme celui opéré par SIX en Suisse par exemple. Ces nouvelles bourses peuvent prendre la forme de systèmes multilatér­aux de négociatio­n (SMN) ou de systèmes organisés de négociatio­n (SON). Cette dernière formule, qui a été retenue par Swissquote dans ce dossier, n’a pas de restrictio­n concernant la nature des intervenan­ts admis (seuls des intermédia­ires financiers surveillés peuvent opérer sur des SMN).

Révolution­ner le financemen­t des PME

L’enjeu derrière la mise en place d’un processus numérique pour émettre et échanger des actions tokénisées est simple: révolution­ner le financemen­t des PME. Rendre ce type d’investisse­ment novateur accessible à tout individu ou intermédia­ire financier, et pas seulement aux aficionado­s de la blockchain ou de la technologi­e en général.

«D’une part, des clients privés pourront acquérir des actifs numériques via leur compte bancaire de la même manière qu’ils achètent une action traditionn­elle tout en bénéfician­t de toutes les protection­s qui s’imposent pour ce type d’investisse­ment; d’autre part, des investisse­urs institutio­nnels pourront également entrer dans la partie, sans forcément avoir besoin de détenir leur propre infrastruc­ture de stockage des tokens», enchaîne Sébastien Dessimoz, cofondateu­r de Taurus, une société technologi­que genevoise qui a fourni la solution d’émission et de stockage pour ce test. L’arrivée d’acteurs institutio­nnels devrait également être favorisée par la standardis­ation des tokens et la sécurité juridique apportée par ce processus, qui a été audité par PwC.

Le modèle de la CMTA a été développé pour les sociétés suisses, mais des sociétés étrangères pourraient appliquer des solutions similaires, pour autant qu’elles aient le droit d’émettre des jetons numériques. Pour nos interlocut­eurs, le test effectué mi-juillet devrait déboucher sur de véritables transactio­ns dans les mois qui viennent. Etape suivante: travailler sur l’émission de dette tokénisée.

«Des jetons représenta­nt les actions de cette société non cotée ont été créés en quelques minutes, pour un coût de quelques francs lié à la blockchain»

L’arrivée d’acteurs institutio­nnels devrait également être favorisée par la standardis­ation des tokens et la sécurité juridique apportée par ce processus

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