Le Temps

L’industrie du sport va se battre pour son public

- LIONEL PITTET @lionel_pittet

Les stades et les patinoires devraient pouvoir accueillir plus de 1000 spectateur­s dès le 1er octobre. Il faudra pour cela produire des concepts de sécurité qui convaincro­nt les cantons, mais cela constitue déjà une victoire en soi

L’annonce de la fin de l’interdicti­on des manifestat­ions de plus de 1000 personnes au 1er octobre n’a pas fait que des heureux. Une heure précisémen­t après le début de la conférence de presse du Conseil fédéral, les organisate­urs des Championna­ts du monde de cyclisme, prévus du 20 au 27 septembre à Aigle et à Martigny, communiqua­ient l’annulation de leur manifestat­ion. Impossible de l’imaginer au régime actuel, fût-il dans ses derniers jours d’applicatio­n…

«Nous espérions que l’assoupliss­ement des mesures interviend­rait juste à temps pour nous, regrette le coprésiden­t Grégory Devaud. Là, c’est le coup de grâce.» Alors que l’Union cycliste internatio­nale cherche une solution de rechange permettant d’accueillir «tout ou partie» des épreuves, si possible en Europe, il n’y a pas grand-chose pour contraster «la tristesse et la déception» du comité valdo-valaisan, sinon l’espoir que les deux ans et demi de travail sur le projet puissent être recyclés lors d’une prochaine édition des Mondiaux.

Au-delà de ce regrettabl­e cas particulie­r, l’industrie du sport respire un peu mieux, à défaut d’être complèteme­nt soulagée. Sans perspectiv­e d’accueillir davantage de spectateur­s, elle menaçait de s’effondrer. Elle a gagné le droit de se battre pour son public.

«J’entends déjà beaucoup de gens dire qu’on n’y voit pas clair, que les annonces sont décevantes, lance Vincent Steinmann, directeur de la communicat­ion du Lausanne-Sport. J’aimerais juste rappeler qu’il y a dix jours, on parlait du maintien de la jauge à 1000 spectateur­s jusqu’en mars 2021, voire de son abaissemen­t à 100 personnes. La situation aurait été autrement plus grave!» Coprésiden­te du HC Bienne, Stéphanie Mérillat valide: «L’existence de nombreux clubs était menacée. Là, nous avons une base de travail pour retrouver une viabilité économique.»

Les questions demeurent néanmoins nombreuses, et très ouvertes. Car le Conseil fédéral assujettit la possibilit­é de grands rassemblem­ents sportifs à des concepts stricts à établir et à faire valider, ainsi qu’à des autorisati­ons que devront accorder les cantons, au cas par cas, en fonction de leurs situations épidémiolo­giques particuliè­res et de leurs capacités de traçage. Les stades et les patinoires pourront-ils accueillir un nombre arrêté de fans ou un pourcentag­e de leur capacité totale? Ce n’est pas défini. Et cela pourrait bien sûr évoluer avec le développem­ent de la pandémie.

Négociatio­ns en vue

Tandis que la Bundesliga allemande a opté pour le huis clos jusqu’à la fin octobre et que le championna­t autrichien autorisera jusqu’à 10000 spectateur­s dès sa reprise, la Suisse se dirige vers une gestion à son image, basée sur la négociatio­n et la prise en compte des réalités locales. «Une solution claire aurait été de maintenir la limite de 1000 personnes jusqu’à la fin de l’année», a ironisé Alain Berset, avant de plaider pour ce «chemin étroit vers la normalité qu’on peut emprunter sans se priver de pans entiers de la société».

«Là, nous avons une base de travail pour retrouver une viabilité économique» STÉPHANIE MÉRILLAT, COPRÉSIDEN­TE DU HC BIENNE

Les instances du sport sont assez unanimes pour saluer ce qui est considéré comme un signe d’ouverture. Cela «donne aux clubs et aux organisate­urs une marge de manoeuvre plus grande et absolument nécessaire pour mettre sur pied leurs événements», loue Swiss Olympic. «A nous de développer des concepts sur mesure qui convaincro­nt les autorités cantonales», déclare Didier Fischer, président de la Fondation 1890, qui chapeaute le Servette FC et le Genève-Servette HC. Un grand chantier s’annonce, avec la nécessité de satisfaire aux «mesures de protection sévères» qu’attend le Conseil fédéral.

Au stade, masqué (ohé, ohé)

Dans un communiqué, la Swiss Football League révèle déjà quelques points centraux de la «fan experience» de l’ère Covid-19: le port du masque, des billets nominatifs, l’absence de supporters visiteurs et de places debout. Les mêmes idées reviennent en hockey également. «En soi, le port du masque nous permet déjà de passer deux heures à côté d’un inconnu dans un train, souligne Stéphanie Mérillat. On se dit donc que cela pourrait permettre un bon taux de remplissag­e de nos gradins…»

Elle évoque un chiffre de 5000 spectateur­s, dans une Tissot Arena qui peut en accueillir 6500. A Genève, Didier Fischer est moins optimiste: il parle de 10000 personnes à la Praille (30000 places) et de 2000 ou 3000 aux Vernets (7000). «Tout le monde parle d’un taux de 50%, mais j’ai le sentiment qu’on n’y arrivera pas; 30%, ce serait déjà une victoire», avance Vincent Steinmann, du LS, qui doit préparer deux concepts différents pour sa vieille Pontaise et pour son nouveau stade de la Tuilière, à livrer en novembre.

La date du début des championna­ts profession­nels de football et de hockey sur glace reste en suspens. Respective­ment prévue le 11 et le 18 septembre, elle impliquera­it une première phase sous le régime de la limite à 1000 spectateur­s, puis une ouverture plus large dès le 1er octobre. Tant qu’à faire, ne faudrait-il pas attendre ce moment? La Swiss Football League va bel et bien «reconsidér­er la programmat­ion des premiers matchs», tandis que la Ligue nationale de hockey tiendra une assemblée en fin de semaine au cours de laquelle elle se prononcera sur le sujet.

Mais les clubs n’en sont plus vraiment à une semaine près. Vincent Steinmann dit que le LS pourrait «vivre avec deux matchs sans public». Stéphanie Mérillat préférerai­t à titre personnel une entame de saison «avec du monde, car sans supporters les rencontres n’ont pas la même saveur». Mais surtout, tous les dirigeants de clubs mesurent parfaiteme­nt que, ce mercredi, ils l’ont échappé belle.

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