Balle au centre entre les cantons et la Confédération
Si elle soulève certains bémols et fait naître quelques interrogations, la décision du Conseil fédéral de lever l’interdiction des manifestations de plus de 1000 personnes dès le 1er octobre est globalement bien accueillie par les cantons
Tous les cantons n’étaient pas d’accord sur le sort à réserver à l’interdiction des manifestations de plus de 1000 personnes. Genève souhaitait la prolonger, par exemple, alors que Vaud et Berne militaient pour sa levée. Des avis divergents donc, mais qui se satisfont tous de la décision du Conseil fédéral d’autoriser à nouveau, dès le 1er octobre et sous conditions, les grandes manifestations dans le pays.
Pour avoir lieu, les événements de plus de 1000 personnes devront obtenir une autorisation cantonale, qui se basera sur des critères précis établis, d’ici au 2 septembre, de concert entre la Confédération et les cantons. Comme pour l’obligation des masques dans les transports publics, Berne prend la main dans ce domaine, afin d’harmoniser les mesures à mettre en place. Mais pas de quoi déranger les cantons souverains. Au contraire. «Les gens peineraient à comprendre qu’il y ait des grandes différences d’une région à l’autre, alors que les réalités sont quasi similaires», souligne Philippe Leuba, le chef du Département vaudois de l’économie, de l’innovation et du sport.
Conseiller exécutif bernois chargé de la Santé, des Affaires sociales et de l’Intégration, Pierre Alain Schnegg aurait même souhaité que la Confédération aille plus loin et édicte elle-même, sans concertation avec les cantons, les règles concernant les événements d’ampleur nationale, comme les Championnats suisses de football ou de hockey sur glace. Il faut dire que son canton est particulièrement concerné avec les Young Boys et le CP Berne, qui drainent des milliers de spectateurs. Cela aurait permis, selon lui, de gagner du temps. Mais il reconnaît qu’il vaut mieux «une base solide qui permette de tenir le coup, plutôt qu’une levée de l’interdiction en septembre et un retour à la case départ quelques semaines plus tard» en raison d’une détérioration de la situation sanitaire.
La peur du dumping culturel et sportif
Si les critères à respecter seront validés par la Confédération, cette dernière a délégué aux cantons leur application, via les autorisations à délivrer aux organisateurs des événements. «Y aura-t-il un contrôle concernant l’octroi de ces autorisations?» s’interroge Mauro Poggia. Les cantons n’étant pas tous logés à la même enseigne – l’octroi des autorisations dépendant des capacités de traçage et de la situation épidémiologique –, le conseiller d’Etat genevois, chargé de la Sécurité, de l’Emploi et de la Santé, s’inquiète d’un possible dumping de la part des régions qui se retrouveraient dans une situation plus favorable afin d’attirer des grandes manifestations culturelles ou sportives sur leur territoire. «Il faudra porter une grande attention à ce sujet», prévient-il.
La solution arrêtée par le Conseil fédéral dissipe les zones d’ombre qui planaient sur la future saison des championnats nationaux de football et de hockey sur glace. Pour Philippe Leuba, il s’agit de la seule décision «qui permettait à ces compétitions de se dérouler et aux clubs professionnels d’espérer survivre à cette crise sanitaire». «C’est salutaire pour ces entités sportives», insiste le Vaudois.
Salutaire pour le monde du sport mais pas seulement. Cette décision est également une bouffée d’oxygène pour les branches de la culture et de l’événementiel. «L’importance économique de ces domaines a toujours été sous-estimée. La crise du coronavirus, et le confinement qu’elle a engendré, nous a fait nous en rendre compte», indique Christophe Darbellay, le conseiller d’Etat valaisan chargé de l’Economie et de la Formation.
«Vivre différemment jusqu’à la fin de 2021»
Mais le démocrate-chrétien prévient: «Lever l’interdiction dès le 1er octobre ne signifie pas que l’on pourra faire n’importe quoi.» Et pour cause. «Il faut à tout prix éviter une deuxième vague, car économiquement et socialement on ne peut tout simplement pas se le permettre. La Confédération et les cantons n’auront pas les moyens de délier leurs bourses une deuxième fois pour attribuer de nouvelles indemnisations», appuie Christophe Darbellay. Pour atteindre cet objectif, le Valaisan estime qu’il faudra «vivre avec le virus» et donc «vivre différemment durant une année, voire une année et demie, jusqu’à la fin de 2021».
La solution arrêtée par le Conseil fédéral dissipe les zones d’ombre qui planaient sur la future saison des championnats nationaux