Le Temps

OÙ SONT PASSÉES MES BD?

David Clignez, Bulle (FR)

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Je viens d’une famille de lecteurs de bandes dessinées. Comme beaucoup, j’ai pu commencer à rire en lisant les aventures du Petit Spirou, puis j’ai continué avec Kid Paddle ou Calvin & Hobbes. Dans les années 2000, grâce peut-être au succès des films fantastiqu­es, l’environnem­ent était propice à la bande dessinée. Ainsi, j’ai continué à m’intéresser à celle-ci, mais avec d’autres héros et d’autres univers. En atteignant la trentaine, je me suis rendu compte d’un phénomène «rampant»: le roman graphique. Importé des Etats-Unis, ce format plus long s’impose dans nos librairies. Il se veut plus «libre» que la bande dessinée de 46 pages, probableme­nt libéré des contrainte­s imposées par les groupes d’éditeurs historique­s. Cependant, et comme le dit l’adage, «le mieux est l’ennemi du bien». Il est clair que le format 46 pages nous laissait parfois sur notre faim, en attente du tome suivant! Cependant, après presque trois décennies, je m’aperçois que ce nouveau format qui veut faire la part belle aux longues histoires sans coupure se trouve être la bière de Noël au gingembre, le chocolat à l’ail, la pâte à tartiner locale: beaucoup de promesses pour finalement pas grand-chose. Si le scénario ou le dessin ne sont pas à la hauteur, la couverture, elle, permettra d’appâter le chaland. Attiré par celle-ci, le lecteur acceptera de mettre un prix exorbitant pour un contenu souvent vide ou trop peu intéressan­t. Un article du site Actuabd.com parlait récemment d’une gentrifica­tion de la bande dessinée.

Contrairem­ent à ce que l’on aurait pu penser il y a dix ans, ce ne fut pas internet qui tua la BD, mais elle-même. En passant à un format cher et long pour des enfants, comment, dès lors, leur donner le goût de la BD? Il en est de même pour les lecteurs adultes. Comment faire pour les garder quand le contenu de ces romans graphiques est souvent décevant? J’en suis arrivé au constat que l’on ne peut pas continuer à regretter nos bonnes vieilles bandes dessinées, car chaque enfance mérite d’avoir ses objets chéris que les nouvelles génération­s ne comprennen­t pas.

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