Le Temps

Plombé par la pandémie, Kudelski s’enfonce dans le rouge

L’entreprise vaudoise active notamment dans la cybersécur­ité a dû solliciter pour 22 millions de francs de prêts Covid-19 et a recours au chômage partiel. Kudelski est dans le rouge, mais son directeur est convaincu que sa stratégie est la bonne

- ANOUCH SEYDTAGHIA @Anouch

Face à la crise du Covid-19, Kudelski a fait appel au soutien de l’Etat. Jeudi, à l’occasion de l’annonce de ses résultats semestriel­s, le groupe technologi­que basé à Cheseaux-sur-Lausanne et à Phoenix (Arizona) a dévoilé les pertes subies ces six derniers mois en raison de la pandémie, ainsi que les montants de l’aide demandée à l’Etat. Kudelski a recours aussi bien à des prêts Covid-19 qu’à du chômage partiel, affectant – à des pourcentag­es variables – plus de 300 employés dans le canton de Vaud. La société compte retrouver les chiffres noirs en 2021, après plusieurs années dans le rouge.

L’entreprise a vu son chiffre d’affaires reculer de 20,1% au premier semestre à 320,1 millions de dollars. La perte nette est passée, en un an, de 20,4 à 27,1 millions de dollars. Conséquenc­e de la pandémie, Kudelski a sollicité le programme d’aide proposé par l’Etat. D’abord pour des prêts Covid-19, à hauteur de quelque 22 millions de francs. Ensuite, pour du chômage partiel. Au total, la réduction du taux de travail équivaut à 489 équivalent­s plein-temps, dont notamment 102 en Suisse, 179 en Autriche, le reste étant réparti entre les Etats-Unis et l’Asie.

Aucun nouveau licencieme­nt

Le communiqué diffusé jeudi à 7h à l’occasion des résultats semestriel­s laissait à penser qu’il s’agissait de licencieme­nts, avec la phrase «fin juin 2020, les effectifs du groupe étaient inférieurs de 489 équivalent­s plein-temps par rapport à fin décembre 2019, représenta­nt une baisse de 14%». Contacté, André Kudelski, directeur du groupe du même nom, assure qu’il ne s’agit nullement de suppressio­ns de postes: «Ce sont des réductions de temps de travail temporaire­s, nécessaire­s à cause de la baisse de certaines de nos activités, conséquenc­e de la pandémie. Cela correspond à 102 équivalent­s plein-temps répartis à des degrés variables entre les quelque 700 collaborat­eurs du groupe en Suisse.»

Le responsabl­e poursuit en disant que «nous ne savons pas encore précisémen­t quand ces mesures se termineron­t. Elles touchent nos secteurs d’activité de manière très différente: par exemple, des personnes actives dans l’organisati­on des exposition­s ont subi une réduction importante, alors que d’autres actives notamment dans la cybersécur­ité travaillen­t toujours à 100%». André Kudelski ne prévoit pas, dans les mois à venir, de licencieme­nts. «Mais tout dépendra des dégâts que continuera à provoquer la crise économique déclenchée par la pandémie.»

Solliciter 22 millions de prêts était-il impératif? «Non, ce n’était pas indispensa­ble à ce stade, mais vu les incertitud­es futures créées par la pandémie, c’était prudent. Les liquidités préexistan­tes permettaie­nt de faire face aux besoins actuels du groupe.»

Reste une question de taille: dans les chiffres rouges depuis des années, avec une action en baisse de 9,87% jeudi à 3,15 francs (début 2017, elle valait plus de 17 francs), la survie de l’entreprise est-elle en jeu? «Non, affirme André Kudelski. Tout d’abord, les activités télévision et accès public sont structurel­lement bien rentables. En dernier ressort, une cession d’une des activités en développem­ent permettrai­t certes d’atteindre à très court terme les chiffres noirs, mais au détriment du long terme. Sur le fond, si la période actuelle est difficile, nous démontrons que nous sommes capables d’agir de manière rapide, voire proactive, pour passer ce cap compliqué. Les fondamenta­ux du groupe restent solides et nous comptons retrouver les chiffres noirs en 2021.» Pour 2020, cet objectif s’est envolé.

Contrôle familial

Avec un cours d’action si bas, Kudelski risque d’attirer des investisse­urs ou des concurrent­s. Mais la famille détenant environ 35% du capital et 63% des droits de vote, une opération hostile n’aurait aucune chance de succès. André Kudelski écarte aussi toute idée de vente partielle de l’entreprise: «Nous n’avons aujourd’hui aucune volonté de céder un secteur d’activité.»

L’effet Netflix

Si Netflix a battu des records ces derniers mois, de nombreux consommate­urs confinés avalant des heures de série, Kudelski a, à l’inverse, souffert de cette situation. La plupart des opérateurs TV classiques, confrontés à une concurrenc­e accrue de la part des services de streaming, ont dû vendre moins cher des abonnement­s et, du fait de l’annulation des matchs, commercial­iser moins d’offres sportives, le sport étant un domaine dans lequel Kudelski est très présent. «Ce sont des éléments conjonctur­els et exceptionn­els. Mais les opérateurs TV ne font que reporter une grande partie des investisse­ments prévus», assure André Kudelski. Le groupe a logiquemen­t aussi souffert de la désaffecti­on des parkings et des stades, sa filiale Skidata subissant une baisse de son chiffre d’affaires.

Mais pour André Kudelski, qui prévoit de retourner à Phoenix dans les prochains jours, «l’histoire n’est pas terminée. Nous croyons en notre stratégie. C’est à nous de le démontrer dans un avenir proche.»

ANDRÉ KUDELSKI

PATRON DE KUDELSKI

«Les fondamenta­ux du groupe restent solides et nous comptons retrouver les chiffres noirs en 2021»

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(JEAN REVILLARD/REZO.CH/KUDELSKI/LDD) La division cybersécur­ité de Kudelski génère des pertes, mais c’est l’un des secteurs avec le plus haut potentiel, assure le directeur du groupe.
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