Le recyclage du plastique
La majorité du million de tonnes de polymères utilisé chaque année en Suisse finit dans des usines d’incinération. La part des matières réinsérées dans le circuit reste marginale, mais des filières s’organisent
Avec un taux qui dépasse les 80%, les Suisses sont les champions du recyclage du PET. Mais cette réussite ne s’applique pas aux autres matières plastiques qui envahissent notre vie quotidienne. PVC, PEHD, PP, PELD, etc., difficile pour le consommateur de s’y retrouver dans cette jungle des polymères et d’effectuer le bon tri. Eclairage.
Glisser sa bouteille en PET dans un container dédié. Un geste simple entré dans les habitudes des Suisses: la filière affiche un taux record de recyclage de plus de 80%. Ainsi, pas moins de 44894 tonnes de PET ont été récoltées l’an dernier pour aboutir à 35668 tonnes recyclées. Une réussite qui ne s’applique de loin pas aux autres matières plastiques, qui sont pourtant présentes dans tous les domaines de la vie quotidienne. PET, PVC, PP, PS, PEHD, PELD, etc. Autant d’acronymes et autres sigles derrière lesquels se cachent les plus connus des polymères. Leur point commun: ces matières sont produites presque exclusivement à partir d’hydrocarbures, à savoir le pétrole.
Si les bouteilles en PET ou en PEHD (bouteilles de lait ou de shampoing, par exemple) sont facilement reconnaissables par les consommateurs, il en va différemment des autres polymères. «Le tri du plastique est relativement compliqué à gérer, indique Christian Kilchoer, responsable de la déchetterie des Neigles, en ville de Fribourg. Il y a plein de matières différentes, ce qui rend le processus de tri ardu pour la population.»
Difficile, en effet, de s’y retrouver au moment de jeter films alimentaires, emballages ou produits en plastique usagé. A Fribourg, des containers par catégorie de plastique sont mis à disposition à la déchetterie mais sous la supervision des employés de la Voirie. Une procédure impossible à généraliser aux points de collecte non surveillés, «certains n’hésiteraient pas à y déposer toutes sortes de plastique non recyclable, peut-être parfois dans le but d’éviter de remplir leur sac d’ordures ménagères payant». Exit, donc, la cohorte des containers de récolte en ville. Autre problème, les nombreux emballages composites, notamment utilisés dans le domaine alimentaire, qui rendent vain tout tri. «Il faudrait convaincre les industriels d’éviter ces emballages», signale Christian Kilchoer.
Le tri est d’autant plus inintelligible lorsque le consommateur se retrouve face aux pictogrammes affichés sur les produits en plastique. Avec ces flèches formant un triangle dans lequel apparaissent des numéros allant de 1 (le fameux PET) à 7 (autres plastiques), il est aisé de croire que la matière sous nos yeux peut être recyclée. Toutefois, si un tel symbole figure bien sur les produits, ce n’est en rien une assurance qu’un système de collecte et de recyclage existe. Le consommateur épris de recyclage se voit ainsi contraint de jeter ses plastiques dans son sac d’ordures ménagères.
«Ces pictogrammes ne sont pas les mieux adaptés», indique Xavier Prudhomme, dirigeant de Cand-Landi à Grandson (VD), société qui valorise entre autres plus de 12000 tonnes de PET chaque année. Selon lui, pour un recyclage efficace, la simplicité doit prévaloir: «Il faut avant tout que le type de plastique soit visuellement identifiable par le consommateur.» Une nécessité, car en 2020, l’heure est à la lutte contre le réchauffement climatique, à l’économie circulaire et aux écogestes du quotidien.
A en croire les statistiques, ce n’est pour l’instant qu’un voeu pieux dans le domaine du plastique.
Chaque année, pas moins d’un million de tonnes de plastique est utilisé en Suisse, selon l’Office fédéral de l’environnement. Sur ce total, 250000 tonnes sont destinées à des objets à durée de vie dite longue, soit plus d’un an, comme des cadres de fenêtre, des jouets ou encore des pièces de carrosserie. Sur les 780000 tonnes restantes, la majorité des déchets plastiques – 650000 tonnes – sont collectés avec les ordures ménagères et finissent dans les usines d’incinération pour produire de la chaleur. Nos déchets plastiques ainsi valorisés finissent donc dans l’atmosphère. Environ 50 000 tonnes sont utilisées dans les cimenteries. Finalement, 80000 tonnes sont effectivement recyclées, dont une bonne part de PET.
«En Suisse, nous sommes en avance pour le PET et à la traîne pour le reste», indique Xavier Prudhomme, dont la filiale RC-Plast a développé depuis une année une filière de tri et de conditionnement des déchets en PEHD et PP. Une partie de la collecte est réalisée avec des partenaires et la grande distribution. «Nous revendons ces matières triées et conditionnées auprès d’industriels en Allemagne et en France, qui en font ensuite des granulés», explique Xavier Prudhomme. Les granulés issus de
PEHD recyclé finissent par exemple en tuyaux de canalisation. Le dirigeant note que s’il existe pour l’heure «très peu d’initiatives dans le domaine du recyclage, les choses évoluent. Les industriels réagissent.»
Dernière initiative en date, Migros a annoncé en juin l’introduction d’un sac payant pour collecter les emballages plastiques mélangés afin de les recycler. D’ici au printemps 2021, l’ensemble des succursales devraient être équipées. Or si cette solution à le mérite d’être lancée, elle est aussi critiquée. Greenpeace pointant par exemple que la plupart des plastiques ne peuvent être recyclés de manière répétée en maintenant leur qualité. Le géant veveysan Nestlé va, lui, investir jusqu’à 2 milliards de francs pour assurer la transition vers les plastiques recyclés dans le conditionnement des aliments, a-t-il annoncé en janvier.
Dans l’idéal, «il faudrait fixer des objectifs minimaux d’utilisation de plastiques recyclés dans les nouveaux produits d’emballage», avance Xavier Prudhomme, qui cite en exemple l’Union européenne. Cette dernière a pour objectif d’atteindre 25% de contenu recyclé dans la fabrication de bouteilles en plastique d’ici à 2025, et 30% d’ici à 2030. S’il tient ces propos, c’est parce qu’un récent événement complique la donne pour la filière du recyclage: la chute des prix du pétrole. Il devient plus avantageux pour les industriels de fabriquer du plastique vierge que d’utiliser un polymère recyclé. Alors même que le plastique représente le grand combat du moment, les priorités économiques prévalent toujours sur les priorités écologiques.
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La semaine prochaine: des initiatives locales qui ramènent de la biodiversité jusqu’au pas de notre porte
IL DEVIENT PLUS AVANTAGEUX DE FABRIQUER DU PLASTIQUE VIERGE QUE D’UTILISER UN POLYMÈRE RECYCLÉ