Le sport nordaméricain dans une bulle de doutes
Prétendre que le sport est perturbé comme jamais dans l'histoire depuis mars dernier… tient presque de l'euphémisme.
A chaque fois que nous pensons être en mesure de faire des projections et de nous prononcer sur le futur des ligues sportives américaines, la pandémie nous ramène illico à une dure réalité faite d'incertitudes. Les experts spéculent, s'agitent, mais les données changent quotidiennement. Avec l'attitude négligente et un brin arrogante qui s'est instaurée à travers tout le pays depuis la mi-mai, les Etats-Unis comptabilisent jour après jour des chiffres inquiétants de tests positifs, notamment dans les Etats très populeux du sud, comme la Californie, la Floride et le Texas, où le Covid-19 poursuit son périple destructeur.
Dans ce contexte, le paysage sportif américain demeure aussi imprévisible que le président du pays, et les gens ne savent plus qui croire.
L'Amérique représente un amalgame de groupes, religions et cultures qui en font un continent aux saveurs diversifiées. Le sport permet de cultiver ces différences quotidiennement tandis que les communautés contribuent à la popularité de plusieurs disciplines sportives. Une dizaine de grands produits sportifs dominent la programmation dans le pays. Ils forment la plus grande économie sportive de consommation au monde et divertissent des dizaines de millions de personnes chaque jour. Le sport fait partie intégrante du quotidien des Américains mais c'est surtout la grande variété des disciplines qui distingue cette industrie et nourrit cet écosystème unique où coexistent cinq grands circuits professionnels de football américain (NFL), basketball (NBA), baseball (MLB), hockey (NHL), soccer (MLS), mais aussi le foot américain et le basket dans leurs versions universitaires, le golf (PGA Tour), le tennis et le sport automobile.
«Made for TV»
Pour tout le monde, la première conséquence majeure de cette pandémie sera l'interdiction quasi certaine d'accueillir des spectateurs dans la majorité des enceintes sportives jusqu'en 2021. Les grandes ligues ont repris la compétition mais sans spectateurs, quelques rares exceptions dans les courses Nascar et un match MLS à Dallas mis à part. On s'est orienté vers le développement d'un sport exclusivement «made for TV», pensé pour l'expérience du téléspectateur.
Cette nouvelle ambiance télévisuelle est assez spectaculaire. Les meilleurs exemples sont les matchs NHL et NBA, aujourd'hui retransmis avec plus de caméras, des écrans LED autour des surfaces de jeu, des bruits de foule ambiants, des ajouts technologiques et de l'intelligence artificielle pour conserver l'attention des téléspectateurs.
Pour ce qui est de la compétition, la NHL, la NBA et la MLS utilisent le modèle d'une bulle afin de complètement isoler les athlètes des clubs participants. La MLB et la NFL ont opté pour une reprise de la compétition de façon traditionnelle, soit dans les villes des différentes franchises, mais après quelques semaines de compétition, le constat est évident: celles qui ont opté pour le confinement complet ont réussi leur pari.
Les 22 clubs de NBA participant à la reprise du championnat s'affrontent au complexe sportif de Walt Disney World à Orlando depuis début juillet où, à la suite de centaines de tests de dépistage quotidiens, il n'y a eu aucun cas positif. Pendant ce temps, la NHL a divisé ses 24 équipes entre deux villes canadiennes, Edmonton et Toronto, et depuis vingt jours les résultats sont très convaincants avec aucun test positif. En revanche, la stratégie de la MLB s'est révélée désastreuse dès la reprise. Les joueurs sont exposés au public dans les aéroports, les hôtels, les restaurants et les rues, et les cas de contaminations se multiplient chaque semaine.
Détermination mentale
Conséquence: la NFL, qui doit reprendre mi-septembre, n'exclut plus de disputer ses play-off, en janvier prochain, dans un «environnement sécurisé» (pour éviter de dire «bulle»). Elle l'a affirmé cette semaine.
Ce concept rigoureux semble vraiment la seule façon d'éviter toute propagation. Les joueurs vivent dans des conditions de confinement total, dans un environnement contrôlé, à l'abri des risques quotidiens. Ils disputent un match et retournent dans le même bus vers le même hôtel dans les mêmes chambres. Ce sont les mêmes dirigeants, le même personnel hôtelier, les mêmes chauffeurs de car, les mêmes chefs aux restaurants qui assurent le service. Cette nouvelle vie pour les athlètes se prolongerait jusqu'à l'élimination de leur équipe. Certains seront quasi captifs, loin de leurs familles, pour quelques mois.
Présenter les prochaines étapes de la vie sportive nord-américaine avec certitude relève de la mission impossible. Une chose est sûre: gagner un championnat en cette année 2020 sera le fruit de grandes performances sportives bien sûr, mais surtout d'une détermination mentale hors du commun. Parce que le défi sera de rester concentré sur la compétition, malgré la pandémie. Il sera là, le test ultime. ▅