DES LITRES D’AUTRES EXEMPLES
[En réaction à l’article «Ces navires pourris qui hantent les mers», LT du 11.08.2020]
Prises comme événements isolés, les catastrophes maritimes rendent invisibles les désastres structurels de l’industrie pétrolière. Dans son ouvrage Un nouveau droit pour la terre paru en 2016 dans la collection Anthropocène du Seuil, Valérie Cabanes rappelle combien les accidents médiatiques représentent une goutte d’or noir face aux calamités quotidiennes inhérentes au secteur: incidents volontaires, dégazages de navires ou fuites d’oléoducs non entretenus. Florilège.
Pour la seule province de l’Alberta, une enquête canadienne de 2013 signale 28 666 déversements pétroliers depuis 1975. En Amazonie équatorienne, Chevron Texaco a rejeté vingt-six ans durant 64 millions de litres de brut dans la nature et abandonné 880 fosses remplies de déchets d’hydrocarbures, contaminant ainsi des milliards de litres d’eau. Au Nigeria, la pollution dans le delta du Niger, jadis riche d’une fabuleuse biodiversité, est quotidienne. Et selon Amnesty International, les dégâts colossaux, dus notamment à Shell, couvrent la surface du Portugal. La multinationale et le géant italien ENI ont admis plus de 550 fuites uniquement pour 2014.
Quant aux mers, Cabanes signale que les purges illégales répandent annuellement 20 fois plus d’hydrocarbures que le naufrage du Prestige en 2002. […] Au Québec, on recense 334 déversements dans le seul Saint-Laurent en dix ans. En mer du Nord, les compagnies anglaises ont déclaré 110 incidents en 2009 et 2010. Là encore, la pointe de l’iceberg, l’omerta régnant au sein des salariés.