Le Temps

Emmanuel Macron et Angela Merkel en recherche de «complément­arité»

Les deux dirigeants se sont rencontrés jeudi au fort de Brégançon pour des «échanges étroits entre amis»

- BÉATRICE HOUCHARD, PARIS @behache3

Privée cet été de son cher festival de Bayreuth pour cause de Covid-19, Angela Merkel a découvert jeudi les plaisirs du fort de Brégançon, résidence officielle des présidents français avec vue imprenable sur la mer Méditerran­ée, où l’a accueillie jeudi Emmanuel Macron.

Pour le troisième été consécutif, le président français fait de ce site un lieu de rencontres diplomatiq­ues. Il y avait rencontré la première ministre britanniqu­e, Theresa May, en août 2018, et un an plus tard le président russe, Vladimir Poutine. Un seul chancelier allemand avait eu auparavant ce privilège: Helmut Kohl, invité en août 1985 par François Mitterrand. «C’était il y a trentecinq ans presque jour pour jour», a souligné Emmanuel Macron lors de la conférence de presse qui a suivi les premiers échanges bilatéraux, tandis qu’Angela Merkel livrait une confidence: «Je vivais alors en RDA. J’étais loin d’imaginer que l’Allemagne serait réunifiée et que je serais un jour ici. C’est un jour très important pour moi.»

Pour ces «échanges étroits entre amis, dans le respect de la distanciat­ion physique», selon le mot du porte-parole du gouverneme­nt allemand, les sujets de discussion ne manquaient pas: Chine et Etats-Unis, Biélorussi­e, Libye, Liban, Mali, Turquie étaient notamment à l’ordre du jour avec le Covid-19, le Brexit et, bien sûr, la mise en oeuvre de l’accord «historique» européen intervenu le 21 juillet pour lever 750 milliards d’euros dont 390 milliards de subvention­s pour les plans de relance des pays membres de l’Union européenne.

Attitude différente

Ce qu’il est convenu d’appeler «le couple franco-allemand» se porte bien. De toute évidence, le courant passe et l’amitié entre les deux, a précisé la chancelièr­e, «supportera, quel qu’il soit, le résultat» de la finale européenne de football qui opposera dimanche le Bayern de Munich au Paris Saint-Germain.

Si Angela Merkel adopte de plus en plus dans son vocabulair­e la notion de «souveraine­té européenne» chère à Emmanuel Macron, c’est surtout le mot «complément­arité» qui s’est imposé lors de la rencontre de Brégançon. S’ils sont au diapason sur les questions européenne­s, les deux ont eu ces dernières semaines une attitude différente face à la situation en Méditerran­ée orientale. Tandis que le président français envoyait deux bâtiments de la marine et deux avions Rafale pour épauler la Grèce dans un exercice militaire défiant la Turquie, Angela Merkel a préféré tenter de nouer un dialogue avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont les relations avec Emmanuel Macron sont très mauvaises.

Deux attitudes pour un même objectif, a assuré Emmanuel Macron: «Nous avons la volonté de faire respecter le droit internatio­nal et de favoriser la désescalad­e» en souhaitant le succès de la «médiation» menée par la chancelièr­e. Celle-ci a tout de même insisté sur le fait qu’elle est favorable à «la discussion et la négociatio­n» plutôt qu’à, dit-elle, la «tension militaire».

Les deux dirigeants parlent en revanche d’une même voix sur la situation en Biélorussi­e, en proposant que l’Union européenne tente une médiation qui inclue la Russie (Vladimir Poutine, ontils précisé, est d’accord) ou pour demander des informatio­ns sur l’état de santé de l’opposant russe Alexeï Navalny, hospitalis­é après ce qui serait un empoisonne­ment.

Angela Merkel était reçue en France en tant que chancelièr­e allemande, mais aussi présidente en exercice de l’Union européenne jusqu’à la fin de l’année. «L’Europe n’est forte que lorsqu’elle parle d’une seule voix», a-telle martelé, glissant, lucide: «Là, il y a encore beaucoup à faire.» Les règles différente­s adoptées par les pays européens face au Covid-19 en ont été un exemple, même si Angela Merkel a assuré jeudi que «des lycéens qui ont leur bac et n’ont pas le droit de faire la fête en Allemagne ne doivent pas aller faire la fête ailleurs». Sur ce point, les deux dirigeants n’ont pas été très convaincan­ts.

«Des lycéens qui ont leur bac et n’ont pas le droit de faire la fête en Allemagne ne doivent pas aller faire la fête ailleurs» ANGELA MERKEL

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ANGELA MERKEL CHANCELIÈR­E ALLEMANDE ET PRÉSIDENTE EN EXERCICE DE L UNION EUROPÉENNE
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EMMANUEL MACRON PRÉSIDENT FRANÇAIS

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