La culture peut souffler (un peu)
Ça y est: dès lundi, les salles de théâtre ou de cinéma pourront rouvrir leurs portes à 50 personnes. Un premier pas qui soulage le milieu culturel, même s’il ne se fera pas sans douleur
Cette fois, c'est la bonne. Plongées dans le noir et dans le flou depuis près de six mois, les salles de théâtre, de concert et de cinéma vont enfin pouvoir rouvrir dès lundi selon le cadre déjà présenté à la mi-mars: 100 spectateurs maximum à l'extérieur, 50 à l'intérieur – ce chiffre ne devant pas dépasser le tiers de la capacité de la salle, avec l'obligation du port du masque et d'une distance de 1,5 m entre chaque personne.
Côté planches, l'accueil est plutôt favorable même si les contraintes font office de tuel'amour. A la tête du Crève-Coeur, à Cologny (GE), Aline Gampert rouvrira dès qu'elle le pourra. «La formule est tout sauf idéale. Notre capacité est de 60 places: nous ne pourrons recevoir que 20 spectateurs. La recette d'un soir, à peine 600 francs, ne permettra pas de couvrir les frais du personnel d'accueil. Reste que 20 personnes, c'est déjà une petite victoire. Et c'est essentiel pour les artistes programmés qui ont tous répété leurs créations.»
A Vidy, Vincent Baudriller parle de libération après des mois en vase clos pour toutes les équipes de la maison lausannoise. «La vie va reprendre, comment ne pas s'en réjouir? Nous allons pouvoir présenter les deux spectacles de la fin d'avril, Vocation d'Emilie Charriot et Chanson sans paroles de Thom Luz». L'élan est bien donné au point que certaines saisons pourraient déborder. A Vidy, le très attendu Familie de Milo Rau est agendé en juillet. «Les gens voyageront moins et seront sans doute plus disponibles pour le théâtre», veut croire Vincent Baudriller.
Et pour les salles de cinéma? Laurent Dutoit, distributeur chez Agora Films et exploitant de salles genevoises dont Les Scala, s'interroge: «Le public répondra-t-il présent, avec la concurrence des terrasses et du soleil?»
Et s'il se rend dans les salles obscures, que pourra-t-on y voir? «Pour les distributeurs, la question se pose: proposer à 50 personnes des films avec un fort potentiel public, notamment des américains, c'est compliqué. Des contrats interdisent en outre de montrer certains longs métrages avant la France, où tout est actuellement fermé.» De son côté, Laurent Dutoit compte sur des longs métrages à l'affiche au moment de la fermeture, dont l'acclamé Adieu les cons, mais aussi le documentaire d'Anne-Claire Dolivet Petite Danseuse.
Mêmes dilemmes
Ailleurs, on est moins sûr de relancer la machine, à l'instar des Docks de Lausanne. «On doit faire nos calculs, précise sa directrice, Laurence Vinclair. En termes de viabilité financière mais aussi artistique, c'est-à-dire d'expérience vécue par les artistes et le public. L'envie elle est là, bien sûr, mais je ne veux pas faire des choses au rabais, faire pour faire.» Fermée au moins jusqu'en mai, la salle songera ensuite à d'éventuels petits concerts d'artistes locaux.
D'autres lieux culturels connaîtront ces dilemmes, souligne Anya della Croce, coordinatrice romande de Petzi, la faîtière des clubs et festivals. L'absence de bar, gagne-pain de bien des salles, se fera sentir. «Et la mise en place des mesures a aussi son coût: certains de nos membres n'ont même pas de sièges!» Pour Anya della Croce, les aides doivent être maintenues. «La volonté est là mais elle ne suffit pas.»
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