Harcèlement: la RTS fait un mea culpa
Après des mois d’enquêtes sur des dysfonctionnements internes, la télévision romande a rendu publics de premiers résultats ce vendredi. Gilles Marchand garde la tête de l’entreprise, mais plusieurs cadres quittent leur poste. Quant à Darius Rochebin, le r
L’enquête menée à la suite des révélations du «Temps» entraîne des départs de cadres. Elle revient brièvement sur le cas de Darius Rochebin
■ «Les collaborateurs sont désabusés, ils attendent que la direction passe de la parole aux actes», commente Valérie Perrin, secrétaire syndicale romande du SSM
■ «La confiance doit se mériter chaque jour par des actes concrets», répond le président du conseil d’administration de la SSR, qui prône la «tolérance zéro»
Suite à l’enquête du Temps concernant des dysfonctionnements au sein de la RTS, la SSR avait diligenté plusieurs enquêtes. Un rapport intermédiaire a été rendu public ce vendredi, avec de premières conséquences: deux des plus hauts cadres de la structure romande quittent leur poste. Bernard Rappaz, directeur de l’actualité télévision de la RTS, et Steve Bonvin, directeur des ressources humaines. Ce dernier devrait toutefois rester dans l’entreprise.
L’un des cadres anonymes cité par Le Temps quitte également l’entreprise alors que le deuxième écope d’une «sanction». Quant à Darius Rochebin, la RTS a indiqué que «les experts n’avaient pas constaté d’actes qualifiés de harcèlement sexuel ou psychologique au sens de l’article 328 du Code des obligations suisse» et «qu’aucun des faits rapportés n’a été qualifié d’infraction pénale». Dans les conclusions du rapport, la SSR a cependant salué des mesures prises en 2017 pour circonscrire un «dégât d’image» au cas où l’utilisation de faux profils par l’animateur serait révélée avant les votations sur No Billag.
L’ambiance était grave, ce vendredi matin, lors de la conférence de presse de la SSR. Son président, Jean-Michel Cina, a débuté par un acte de contrition publique, en exprimant ses «regrets» à l’égard des personnes touchées par le harcèlement sexuel au sein de son entreprise: «Au nom du conseil d’administration, nous vous prions d’accepter nos excuses.» Gilles Marchand a abondé dans son sens. «En 2014, nous avons pris des décisions erronées concernant un collaborateur accusé de mobbing», a reconnu celui qui a dirigé la RTS entre 2001 et 2017 – période durant laquelle se sont déroulés la plupart des faits. «Je le regrette et m’en excuse.»
Si Gilles Marchand a commis une «erreur», celle-ci n’a pas été considérée comme «grave» par les enquêteurs. «Aucune mesure» n’a donc été prise à l’encontre du Vaudois, a expliqué Jean-Michel Cina, précisant n’avoir «aucune raison de douter de son intégrité». Et d’ajouter: «Il est la personne appropriée pour relever les futurs défis de la SSR.» A ce sujet, toutefois, le rapport rappelle que l’enquête est loin d’être terminée. Depuis le lancement des diverses investigations en lien avec l’enquête du Temps, «plus de 230 personnes sont allées témoigner auprès du Collectif de défense» – un cabinet d’avocats mandaté pour recevoir les doléances des employés – «dont quarante-trois au sujet des trois cas révélés par notre enquête».
Or, indique le document, «si la portée du mandat visant à apprécier l’exercice des responsabilités de l’encadrement des trois cas cités dans l’article du Temps demeure pertinente, elle se voit affaiblie par le fait que plus de 180 autres personnes sont allées témoigner sur toute une série de sujets qui peuvent également concerner, à tout le moins en partie, les mêmes membres de l’encadrement. A ce jour, et dans le but de maintenir une date de publication du rapport à mi-mars 2021, les plus de 180 procès-verbaux en question n’ont pas pu être pris en compte par les enquêteurs.»
Attendu pour cet été
Attendu pour cet été, le rapport final pourrait ainsi encore révéler beaucoup de choses. Notamment au Tessin, où «38 témoignages» et le lancement d’une enquête externe ont également suivi les révélations du Temps. Le rapport final est attendu pour la fin du mois de juin. A noter que, dans une prise de position, Simonetta Sommaruga, la conseillère fédérale chargée de la Communication, a jugé que «l’affaire n’était pas réglée».
Sans devoir attendre cet été, la situation de plusieurs personnes a été tranchée. Bernard Rappaz, pour commencer, chef de l’actualité TV romande, qui s’était lui-même «mis en retrait» en novembre dernier. Dans un courrier interne, il a reconnu des «insuffisances managériales». Tout en affirmant n’avoir «jamais toléré de comportements inadéquats». Steve Bonvin, chef des ressources humaines, quitte également son poste. Cela pour «laisser place à une nouvelle équipe», a expliqué sans plus de détails Pascal Crittin. Il devrait cependant rester dans l’entreprise: son poste est «en discussion».
Enfin, du côté de Darius Rochebin, le présentateur s’est félicité, par l’intermédiaire de son avocat, de la décision. LCI décidera lundi de son possible retour à l’antenne. A son sujet, un passage elliptique des conclusions du rapport mérite cependant d’être souligné. «En raison de la personnalité «publique» de Darius Rochebin, lit-on, la hiérarchie s’est mobilisée jusqu’au plus haut niveau, en informant également la direction générale et la présidence de la SSR ainsi que la présidence de la RTSR. Une ligne de communication «réactive» pour pouvoir répondre à d’éventuelles questions des médias a été mise en place. Les enquêteurs estiment que l’ensemble des mesures prises et des actions de communication étaient adéquates au vu des dégâts potentiels d’image si l’affaire était médiatisée.»
En réponse aux questions du Temps, la porte-parole de la SSR, Lauranne Peman, confirme que ce passage fait référence «à la manière dont la direction de la RTS a réagi, en 2017, lorsqu’elle a été mise au courant de l’affaire des faux profils de Darius Rochebin sur les réseaux sociaux». Ajoutant: «Ce passage démontre que la direction de la RTS a correctement traité le cas à l’époque.» Alerté par l’humoriste Thomas Wiesel, Pascal Crittin avait alors convoqué le présentateur et lui avait «rappelé les règles professionnelles concernant la présence sur les réseaux sociaux».■
Le rapport rappelle que l’enquête est loin d’être terminée