Le Temps

Guy Parmelin fait le job

- YVES PETIGNAT JOURNALIST­E * Suisse-Communauté européenne. Au coeur des négociatio­ns sur l’EEE. Ed. Economica, Paris. Fondation Jean Monnet, 2012.

La fonction fait l’homme ou la femme, dit-on. Il arrive parfois qu’un homme honore la fonction. Il faut donc reconnaîtr­e au président de la Confédérat­ion, Guy Parmelin, qu’il honore sa charge et son titre. Comme disent les Vaudois, il nous déçoit en bien. Nous avions tort, en novembre dernier (LT du 07.11 2020), de nourrir des inquiétude­s quant aux capacités du ministre de l’Economie d’assumer la présidence de la Confédérat­ion avec la fermeté et la hauteur de vues nécessaire­s en cette période de crise et de défis pour le pays. Il est vrai que le flou de ses propos quant aux mesures destinées à soulager l’économie – «On étudie attentivem­ent, on analyse, il faut suivre les règles» – ne parvenait pas, alors, à nous empêcher de sombrer dans l’anxiété collective. Loin de l’image du «grand méchant mou» qui semblait devoir lui coller à la peau, il se sera révélé depuis le début de l’année un président sourcilleu­x quant à la préservati­on des institutio­ns, attentif aux conséquenc­es économique­s de la pandémie et préoccupé des intérêts supérieurs du pays.

On avait dit le ministre «homme sous influence», le président se révèle capable de s’affranchir. A la fin février, son rejet ferme des accusation­s de «dictature du Conseil fédéral» proférées par les leaders de son propre parti, l’UDC, avait tranché avec les coups de pied sous la table de son collègue des Finances, Ueli Maurer. «Si l’on parle des institutio­ns en mal et on les déstabilis­e, on menace le système suisse. C’est dangereux», chapitrait-il les caciques de l’UDC. Il plaçait sa fonction au-dessus de son allégeance politique et des petits calculs électoraux. Cette semaine, on n’a pas assez relevé la rupture, pour un élu de la droite national-conservatr­ice, que constitue le projet de voyage à Bruxelles. Alors qu’Ignazio Cassis veille bien à n’y pas mettre les pieds… Alors que les négociatio­ns en vue de l’accord institutio­nnel avec l’UE se trouvent dans une situation calamiteus­e et que le Conseil fédéral est incapable de défendre une stratégie claire, il n’y a rien à gagner pour le président de la Confédérat­ion. Soit il ramène quelques assurances en guise de hochet, et il se place en opposition à l’orthodoxie de l’UDC blochérien­ne. Soit, plus vraisembla­blement, il rentre bredouille et il aura à subir une mortificat­ion personnell­e. Mais il fait le job.

Bien sûr, la présidence ne change pas un agrarien vaudois, prudent, souvent un peu confus, sans charisme, en apôtre du rapprochem­ent européen. En cela, il y a un vide sidéral entre lui et son grand prédécesse­ur vaudois à la tête de l’Economie, Jean-Pascal Delamuraz, Européen militant. Basculemen­t d’époque. Jean-Pascal Delamuraz et René Felber, son collègue des Affaires étrangères, ne considérai­ent les négociatio­ns européenne­s que comme un moyen de faire avancer l’Histoire, de renforcer la place de la Suisse en Europe et de l’intégrer dans sa famille naturelle.

Les partis politiques et le Conseil fédéral de 2021 ne visent qu’un objectif: le statu quo. Le moyen, la conclusion d’un accord, est devenu la finalité. Dans sa relation très détaillée des négociatio­ns entre 1989 et 1992*, le diplomate Philippe G. Nell, qui participa à toutes, rapporte cette conviction de Jean-Pascal Delamuraz: «Nous trouverons des solutions institutio­nnelles pour autant que nous soyons portés par cette volonté et par cet idéal» européens. Mais quand il n’y a ni volonté ni idéal communs, on fait le boulot sans état d’âme.

On avait dit le ministre «homme sous influence», le président se révèle capable de s’affranchir

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