Guy Parmelin fait le job
La fonction fait l’homme ou la femme, dit-on. Il arrive parfois qu’un homme honore la fonction. Il faut donc reconnaître au président de la Confédération, Guy Parmelin, qu’il honore sa charge et son titre. Comme disent les Vaudois, il nous déçoit en bien. Nous avions tort, en novembre dernier (LT du 07.11 2020), de nourrir des inquiétudes quant aux capacités du ministre de l’Economie d’assumer la présidence de la Confédération avec la fermeté et la hauteur de vues nécessaires en cette période de crise et de défis pour le pays. Il est vrai que le flou de ses propos quant aux mesures destinées à soulager l’économie – «On étudie attentivement, on analyse, il faut suivre les règles» – ne parvenait pas, alors, à nous empêcher de sombrer dans l’anxiété collective. Loin de l’image du «grand méchant mou» qui semblait devoir lui coller à la peau, il se sera révélé depuis le début de l’année un président sourcilleux quant à la préservation des institutions, attentif aux conséquences économiques de la pandémie et préoccupé des intérêts supérieurs du pays.
On avait dit le ministre «homme sous influence», le président se révèle capable de s’affranchir. A la fin février, son rejet ferme des accusations de «dictature du Conseil fédéral» proférées par les leaders de son propre parti, l’UDC, avait tranché avec les coups de pied sous la table de son collègue des Finances, Ueli Maurer. «Si l’on parle des institutions en mal et on les déstabilise, on menace le système suisse. C’est dangereux», chapitrait-il les caciques de l’UDC. Il plaçait sa fonction au-dessus de son allégeance politique et des petits calculs électoraux. Cette semaine, on n’a pas assez relevé la rupture, pour un élu de la droite national-conservatrice, que constitue le projet de voyage à Bruxelles. Alors qu’Ignazio Cassis veille bien à n’y pas mettre les pieds… Alors que les négociations en vue de l’accord institutionnel avec l’UE se trouvent dans une situation calamiteuse et que le Conseil fédéral est incapable de défendre une stratégie claire, il n’y a rien à gagner pour le président de la Confédération. Soit il ramène quelques assurances en guise de hochet, et il se place en opposition à l’orthodoxie de l’UDC blochérienne. Soit, plus vraisemblablement, il rentre bredouille et il aura à subir une mortification personnelle. Mais il fait le job.
Bien sûr, la présidence ne change pas un agrarien vaudois, prudent, souvent un peu confus, sans charisme, en apôtre du rapprochement européen. En cela, il y a un vide sidéral entre lui et son grand prédécesseur vaudois à la tête de l’Economie, Jean-Pascal Delamuraz, Européen militant. Basculement d’époque. Jean-Pascal Delamuraz et René Felber, son collègue des Affaires étrangères, ne considéraient les négociations européennes que comme un moyen de faire avancer l’Histoire, de renforcer la place de la Suisse en Europe et de l’intégrer dans sa famille naturelle.
Les partis politiques et le Conseil fédéral de 2021 ne visent qu’un objectif: le statu quo. Le moyen, la conclusion d’un accord, est devenu la finalité. Dans sa relation très détaillée des négociations entre 1989 et 1992*, le diplomate Philippe G. Nell, qui participa à toutes, rapporte cette conviction de Jean-Pascal Delamuraz: «Nous trouverons des solutions institutionnelles pour autant que nous soyons portés par cette volonté et par cet idéal» européens. Mais quand il n’y a ni volonté ni idéal communs, on fait le boulot sans état d’âme.
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On avait dit le ministre «homme sous influence», le président se révèle capable de s’affranchir