L’ancien président Lula de retour dans le jeu
Le politicien retrouve son éligibilité après l’annulation de deux condamnations pour vice de forme. Dans sa ligne de mire: la présidentielle de 2022
La campagne pour la présidentielle de la fin 2022 au Brésil a (informellement) commencé. La Cour suprême l’a confirmé mercredi 15 avril: l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva (20032010) recouvre bel et bien son éligibilité. L’annulation de ses deux condamnations pour de supposés faits de corruption – dont l’une l’avait conduit en prison pendant un an et sept mois –, déterminée début mars par l’un des membres de la cour, a été ratifiée en plénière. Motif: le tribunal de Curitiba (dans le sud du pays) qui avait prononcé les verdicts n’était pas compétent.
Ce tribunal alors dirigé par l’ex-juge anti-corruption Sergio Moro statuait sur les détournements de fonds du groupe pétrolier semi-public Petrobras, objet de l’enquête tentaculaire dite Lava Jato («lavage express»), qui a contribué à porter au pouvoir l’extrême droite militariste de Jair Bolsonaro. Or, pour la cour, les faits reprochés au chef historique du Parti des travailleurs (PT) ne sont pas liés à l’affaire Petrobras. Les quatre procès visant Lula dans le cadre de Lava Jato reviennent donc à la case départ. La nouvelle juridiction (qui reste à définir) pourra décider ou non de s’en saisir. La possibilité d’une prescription des faits n’est pas exclue.
En 2018, Lula, âgé de 75 ans aujourd’hui, était en tête des sondages. Mais alors sous les verrous, il a été empêché de se porter candidat. Si la figure tutélaire de la gauche brésilienne entretient le mystère sur ses intentions pour l’an prochain, il ne fait de doute pour personne au Brésil, et surtout pas pour le PT, qu’il sera candidat contre l’actuel chef de l’Etat, qui tentera en principe de se faire réélire. Selon le journal O Estado de São Paulo, l’ancien syndicaliste devrait commencer à sillonner le pays dès la fin du mois.
«L’ex-président essaie d’attirer des partis du centre et des patrons pour une vaste alliance contre Bolsonaro», écrit le quotidien. Et pour le politologue Claudio Gonçalves Couto, il a des chances d’y parvenir, comme lors de ses précédentes campagnes. «Lula est en plein recentrage, tandis que Bolsonaro, lui, radicalise son discours», explique-t-il. Le chef de l’Etat est de fait fragilisé. Par le retour de Lula dans le jeu, tout comme par son improbable gestion de la crise du Covid-19 – qui connaît un rebond d’une gravité sans précédent dans le pays (déjà 366954 morts au 15 avril, sur 13,8 millions de contaminations) –, gestion dont il devra répondre devant une commission parlementaire d’enquête.
De fait, Lula incarne mieux que quiconque l’opposition à Bolsonaro, au grand dam de ceux pour qui la polarisation entre gauche et extrême droite laisse peu d’espace à une candidature qui ne se reconnaîtrait dans aucun des deux camps.
«Lula est en plein recentrage, tandis que Bolsonaro, lui, radicalise son discours» CLAUDIO GONÇALVES COUTO, POLITOLOGUE
Un règne épuisant de 13 années
Un récent sondage donne l’ancien syndicaliste gagnant contre l’actuel président, dont Lula passait pourtant pour l’«adversaire idéal», en raison du sentiment anti-PT nourri par les treize années du parti au pouvoir, avec Lula, puis Dilma Rousseff, destituée en 2016. «Si l’antipetismo reste vivace, il est désormais en recul en raison de la désastreuse administration Bolsonaro, explique Claudio Gonçalves Couto. Un autre facteur y a contribué: la politisation des responsables du dossier Lava Jato contre le leader du PT», en tête desquels Sergio Moro, qui avait condamné Lula avant de devenir le ministre de la Justice de Bolsonaro (il a démissionné avec fracas l’an dernier). Révélés par des hackers, les échanges de Moro avec les procureurs chargés du dossier montrent que l’ancien magistrat a collaboré avec l’instruction, portant atteinte à son rôle d’arbitre. Une chambre de la Cour suprême l’a d’ailleurs jugé «partial», le 23 mars, une décision qui devra être examinée en plénière jeudi prochain.
Mais Jair Bolsonaro peut surprendre. L’ancien capitaine d’artillerie et louangeur de la dictature conserve un socle solide de 25 à 30% de l’opinion. Ses fidèles voient en lui le seul capable d’éviter le retour de la gauche au pouvoir.
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