Le Temps

Les Etats-Unis alimentent la croissance chinoise

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

Les tensions entre Pékin et Washington n’empêchent pas les Américains de consommer du «made in China». Le boom des exportatio­ns a fait grimper la croissance chinoise à 18,3% au premier trimestre 2021. Une conjonctur­e qui s’avère également favorable aux exportateu­rs suisses de machines-outils

Cette année pour la Fête de l’Indépendan­ce, le 4 juillet, les Américains ne comptent pas économiser sur les traditionn­els feux d’artifice. Ils en ont donc commandé en pagaille en Chine. Les célébratio­ns s’annoncent fastes, d’autant plus que la campagne de vaccinatio­n contre le Covid-19 progresse plutôt bien. A Liuyang, ville industriel­le dans la province d’Hunan, l’entreprise Dongxin Fireworks a recruté des forces supplément­aires et travaille jour et nuit pour satisfaire les commandes, en hausse de 20 à 30% par rapport à 2020.

La presse chinoise de vendredi raconte cette anecdote pour illustrer la croissance de l’économie chinoise à hauteur de 18,3% sur un an au premier trimestre 2021. Un chiffre à nuancer puisqu’il se compare à la période correspond­ante l’an passé, qui était marquée par le covid. Il était tombé alors à -6,8% par rapport à 2019. Il n’empêche. En ce début d’année, l’accélérati­on de l’activité a été alimentée par les exportatio­ns vers les Etats-Unis, mais aussi vers l’Union européenne et le reste de l’Asie. Les commandes concernent d’abord les produits électroniq­ues (pour le télétravai­l) et les équipement­s médicaux. L’électromén­ager connaît aussi un vif succès; pendant le confinemen­t, beaucoup de ménages américains ont économisé et refont leur cuisine.

Entre janvier et mars, les exportatio­ns chinoises vers le marché américain ont, selon le Global Times, un journal chinois en ligne, augmenté de 61% par rapport au premier trimestre 2020, ce qui a mené à un surplus commercial de 116 milliards de dollars en faveur de Pékin. Les échanges progressen­t malgré les tensions commercial­es et politiques entre les deux premières puissances. Xiaodong Bao, gérant actions émergentes chez Edmond de Rothschild Asset Management à Genève, n’exclut toutefois pas que les chaînes de valeur se diversifie­nt géographiq­uement à terme. «Mais avec la rupture de composants semi-conducteur­s un peu partout dans le monde et presque dans tous les secteurs, la Chine va continuer à jouer un rôle important dans le commerce mondial», déclare-t-il.

A ce propos, Alicia Garcia-Herrero, spécialist­e de la Chine chez Bruegel, centre d’études et d’analyses à Bruxelles, fait remarquer que l’évolution des exportatio­ns chinoises dépendra certes des tensions sino-américaine­s, «mais aussi de la concurrenc­e accrue des pays exportateu­rs qui reviendron­t sur le marché dès que la pandémie commencera à s’estomper».

La croissance chinoise n’a toutefois pas reposé que sur les exportatio­ns. Le marché intérieur, qui représente désormais 45% du produit intérieur brut, a aussi progressé: +34,2% sur une année en mars et +33,8% en janvier-février. L’indicateur PMI, qui anticipe les achats au sein des entreprise­s, pointe lui au-dessus de 50 points, signal d’expansion, cette année.

Situation favorable pour les machines-outils suisses

Pour Nicolas Musy, patron de LX Precision sis à Shanghai, la croissance se manifeste par un carnet de commandes bien garni en ce début d’année. «Nous sommes au-dessus de nos prévisions de 10-15%, dit l’entreprene­ur fribourgeo­is au Temps. Nous avons été agréableme­nt surpris, notamment pour les pièces automobile­s pour le marché américain.»

Tous les secteurs ne sont toutefois pas logés à la même enseigne. Par exemple, les transports peinent à retrouver leur niveau d’avant la pandémie. «La conjonctur­e est plus favorable pour les entreprise­s à haute technologi­e, fait remarquer Nicolas Musy. Ce qui est une bonne nouvelle pour les exportateu­rs de machines-outils suisses.» Selon lui, dans les domaines techniques, la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée se fait sentir et une hausse des salaires d’environ 6% s’impose. «Par conséquent, la demande d’équipement­s à haute efficacité augmente», poursuit l’entreprene­ur, dont l’une des activités consiste à conseiller les entreprise­s suisses s’établissan­t en Chine.

Pour l’ensemble de 2021, Pékin table sur une croissance de 6,4% et le Fonds monétaire internatio­nal de 8,4%. Mais, pour Nicolas Musy, elle dépendra de la politique gouverneme­ntale en matière d’investisse­ments dans les infrastruc­tures. «La dette de l’Etat central a atteint 335% du PIB à fin 2020, ce qui pourrait freiner les dépenses publiques, observet-il. Dans ce cas, un ralentisse­ment pourrait se faire sentir dans la deuxième partie de l’année.»

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