L’aviation suisse demande un grand bol d’air
Aéroports, employeurs, syndicats se mobilisent pour que la branche de l’aviation puisse redémarrer. Ils adoptent un manifeste qu’ils ont transmis au Conseil fédéral. Ce document est critiqué par les militants du climat
Le secteur de l’aviation se mobilise comme jamais. Dans une démarche intitulée «Back in the air», il demande au Conseil fédéral d’agir afin de favoriser la reprise d’un secteur crucial pour l’économie suisse.
Signée par les directions des aéroports de Genève et Zurich, par l’association faîtière Aerosuisse, par les organisations patronales et par les syndicats, elle pose trois principes de base. Premièrement, il ne doit y avoir aucune restriction de voyage entre les pays qui présentent un risque de contagion similaire. Deuxièmement, les passagers vaccinés, guéris ou bénéficiant d’un test covid négatif doivent être libres d’entrer en Suisse, de s’y déplacer ou d’en sortir sans entrave autre qu’un test antigénique.
Troisièmement, l’état de santé de ces passagers doit être consigné dans un document numérisé harmonisé sur le plan international. Ces revendications ont été remises au président de la Confédération, Guy Parmelin jeudi à l’aéroport de Zurich.
L’importance du fret aérien
«La Suisse est un petit marché intérieur qui a besoin de liaisons aériennes directes dans le monde entier, pour les organisations internationales implantées à Genève, pour les multinationales, pour les branches exportatrices comme la pharma, l’horlogerie, les machines. Le fret aérien représente 50% des exportations en termes de valeur et jusqu’à 82% pour les exportations intercontinentales», plaide le chef économiste d’Economiesuisse, Rudolf Minsch, partenaire de la démarche. «Je rappelle qu’on n’achète pas une machine à 2 millions de francs sur catalogue. Les relations directes sont indispensables», ajoute-t-il.
Les syndicats se sont associés à la demande déposée par la branche. «La situation du personnel de la navigation aérienne est alarmante. Deux tiers des employé·e·s sont au chômage partiel. L’aéroport de Zurich tourne à 25%. La Suisse est tributaire de ses relations internationales. La Confédération exige un test négatif à l’entrée en Suisse par avion. Elle ne l’exige pas pour les arrivées en train ou en voiture. Ce désavantage doit être écarté», requiert Daniel Lampart, chef économiste de l’Union syndicale suisse.
Comme la présidente du syndicat du personnel de cabine Kapers, Sandrine Nikolic-Fuss, il demande que le chômage partiel soit prolongé à 24 mois. La branche de l’aviation espère que la situation se décantera d’ici à l’été, «période clé» pour la branche.
«La Suisse est un petit marché intérieur qui a besoin de liaisons aériennes directes dans le monde entier»
RUDOLF MINSCH, CHEF ÉCONOMISTE D’ECONOMIESUISSE
«Les gens veulent voyager et sont prêts à le faire sur le premier avion», poursuit-elle.
«Cette alliance entre employeurs et syndicats témoigne de l’importance de la liberté de voyager», résume le président d’Aerosuisse, le conseiller national Thomas Hurter (UDC/SH). Mais est-ce compatible avec la volonté de rendre l’économie plus écologique au sortir de la pandémie?
La Grève du climat soulève cette question. Elle juge les revendications de la branche aérienne «insoutenables et incompatibles avec les engagements pris par la Suisse dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat». Les militants du climat rejettent ce qu’ils appellent «un retour à la situation d’avant la crise». «Le climat est un élément important. L’aviation veut contribuer à l’améliorer, c’est pour cela que les compagnies acquièrent de nouveaux appareils et de nouveaux moteurs», répond Thomas Hurter.
Une taxe qui renchérira le prix des billets
En tant que syndicaliste de gauche, Daniel Lampart slalome entre la défense des intérêts des dizaines de milliers de salariés de la branche et celle du climat. «La
Suisse est une petite économie ouverte qui ne peut pas se couper du monde. Pour les longues distances, il n’y a pas d’autre solution que l’avion», argumente-t-il.
Toutefois, l’un des instruments de la nouvelle politique climatique de la Confédération, dans le cadre de la loi sur le CO2, est l’introduction d’une taxe sur les billets d’avion. Le Conseil fédéral en a précisé les modalités: ce sera 30 francs pour les vols court-courriers, 60 francs pour les moyen-courriers, 90 francs pour les long-courriers, et 30 francs de plus pour les déplacements en classe premium, affaires ou première.
Ce supplément ne va-t-il pas entraver le redécollage de l’aviation? «La priorité consiste à raccorder efficacement notre pays au reste du monde. Si l’aviation ne se relève pas de la crise actuelle, aucune taxe ne pourra être prélevée», répond laconiquement Thomas Hurter.
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