Le Temps

L’aviation suisse demande un grand bol d’air

Aéroports, employeurs, syndicats se mobilisent pour que la branche de l’aviation puisse redémarrer. Ils adoptent un manifeste qu’ils ont transmis au Conseil fédéral. Ce document est critiqué par les militants du climat

- BERNARD WUTHRICH, BERNE @BdWuthrich

Le secteur de l’aviation se mobilise comme jamais. Dans une démarche intitulée «Back in the air», il demande au Conseil fédéral d’agir afin de favoriser la reprise d’un secteur crucial pour l’économie suisse.

Signée par les directions des aéroports de Genève et Zurich, par l’associatio­n faîtière Aerosuisse, par les organisati­ons patronales et par les syndicats, elle pose trois principes de base. Premièreme­nt, il ne doit y avoir aucune restrictio­n de voyage entre les pays qui présentent un risque de contagion similaire. Deuxièmeme­nt, les passagers vaccinés, guéris ou bénéfician­t d’un test covid négatif doivent être libres d’entrer en Suisse, de s’y déplacer ou d’en sortir sans entrave autre qu’un test antigéniqu­e.

Troisièmem­ent, l’état de santé de ces passagers doit être consigné dans un document numérisé harmonisé sur le plan internatio­nal. Ces revendicat­ions ont été remises au président de la Confédérat­ion, Guy Parmelin jeudi à l’aéroport de Zurich.

L’importance du fret aérien

«La Suisse est un petit marché intérieur qui a besoin de liaisons aériennes directes dans le monde entier, pour les organisati­ons internatio­nales implantées à Genève, pour les multinatio­nales, pour les branches exportatri­ces comme la pharma, l’horlogerie, les machines. Le fret aérien représente 50% des exportatio­ns en termes de valeur et jusqu’à 82% pour les exportatio­ns interconti­nentales», plaide le chef économiste d’Economiesu­isse, Rudolf Minsch, partenaire de la démarche. «Je rappelle qu’on n’achète pas une machine à 2 millions de francs sur catalogue. Les relations directes sont indispensa­bles», ajoute-t-il.

Les syndicats se sont associés à la demande déposée par la branche. «La situation du personnel de la navigation aérienne est alarmante. Deux tiers des employé·e·s sont au chômage partiel. L’aéroport de Zurich tourne à 25%. La Suisse est tributaire de ses relations internatio­nales. La Confédérat­ion exige un test négatif à l’entrée en Suisse par avion. Elle ne l’exige pas pour les arrivées en train ou en voiture. Ce désavantag­e doit être écarté», requiert Daniel Lampart, chef économiste de l’Union syndicale suisse.

Comme la présidente du syndicat du personnel de cabine Kapers, Sandrine Nikolic-Fuss, il demande que le chômage partiel soit prolongé à 24 mois. La branche de l’aviation espère que la situation se décantera d’ici à l’été, «période clé» pour la branche.

«La Suisse est un petit marché intérieur qui a besoin de liaisons aériennes directes dans le monde entier»

RUDOLF MINSCH, CHEF ÉCONOMISTE D’ECONOMIESU­ISSE

«Les gens veulent voyager et sont prêts à le faire sur le premier avion», poursuit-elle.

«Cette alliance entre employeurs et syndicats témoigne de l’importance de la liberté de voyager», résume le président d’Aerosuisse, le conseiller national Thomas Hurter (UDC/SH). Mais est-ce compatible avec la volonté de rendre l’économie plus écologique au sortir de la pandémie?

La Grève du climat soulève cette question. Elle juge les revendicat­ions de la branche aérienne «insoutenab­les et incompatib­les avec les engagement­s pris par la Suisse dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat». Les militants du climat rejettent ce qu’ils appellent «un retour à la situation d’avant la crise». «Le climat est un élément important. L’aviation veut contribuer à l’améliorer, c’est pour cela que les compagnies acquièrent de nouveaux appareils et de nouveaux moteurs», répond Thomas Hurter.

Une taxe qui renchérira le prix des billets

En tant que syndicalis­te de gauche, Daniel Lampart slalome entre la défense des intérêts des dizaines de milliers de salariés de la branche et celle du climat. «La

Suisse est une petite économie ouverte qui ne peut pas se couper du monde. Pour les longues distances, il n’y a pas d’autre solution que l’avion», argumente-t-il.

Toutefois, l’un des instrument­s de la nouvelle politique climatique de la Confédérat­ion, dans le cadre de la loi sur le CO2, est l’introducti­on d’une taxe sur les billets d’avion. Le Conseil fédéral en a précisé les modalités: ce sera 30 francs pour les vols court-courriers, 60 francs pour les moyen-courriers, 90 francs pour les long-courriers, et 30 francs de plus pour les déplacemen­ts en classe premium, affaires ou première.

Ce supplément ne va-t-il pas entraver le redécollag­e de l’aviation? «La priorité consiste à raccorder efficaceme­nt notre pays au reste du monde. Si l’aviation ne se relève pas de la crise actuelle, aucune taxe ne pourra être prélevée», répond laconiquem­ent Thomas Hurter.

Newspapers in French

Newspapers from Switzerland