Le retour des jeux sans frontières?
Depuis plus de 25 ans, une suite d’arrêts de la Cour européenne (Bosman 1995, Malaja 2002, Kolpak 2003) a ouvert la libre circulation des sportifs professionnels en Europe et aboli la notion de frontières pour les athlètes. En serat-il bientôt de même pour les compétitions? En football, les grands clubs européens qui ont déjà mondialisé leurs effectifs, leur audience et leur communauté de supporters poussent pour une superligue transnationale.
Elle existe déjà en hockey sur glace (KHL), en basketball (Euroligue), en rugby (Super Rugby dans l’hémisphère Sud). En football, les grandes ligues nationales résistent, tandis que les petites réfléchissent de leur côté (projet de championnat commun en Belgique et aux Pays-Bas). L’Euro 2021 est prévu dans 12 capitales et la Coupe du monde 2026 dans trois pays (Canada, Etats-Unis, Mexique). Peu à peu, les clubs prennent le pas sur les équipes nationales comme les communautés sur les sociétés.
Si le premier réflexe d’un nouveau pays est toujours d’adhérer à la FIFA ou au CIO avant de rejoindre l’ONU, c’est parce qu’il est plus facile de construire une identité nationale par la représentation sportive et de figurer sa grandeur par l’épaisseur d’une délégation olympique ou le nombre de médailles. Mais à côté de cela, le sentiment national perd de l’importance auprès des jeunes générations, notamment celles passionnées par l’e-sport où la notion de pays n’a aucune réalité. «Ces jeunesses sont plus mondialisées, moins prises dans les filets du patriotisme borné, estime Patrick Clastres, historien du sport et de l’olympisme à l’Université de Lausanne. Les jumelages entre les villes, les Erasmus, l’Union européenne, les mariages mixtes, tout cela a créé des identités emboîtées, plus complexes que par le passé.»
Si les médias classiques continuent de se référer à la préférence nationale, le public, de plus en plus, se base sur d’autres critères. Des sportifs comme LeBron James, Cristiano Ronaldo ou Roger Federer intéressent indépendamment de leurs origines. «Une compétition comme la Coupe Davis est quasi morte. En golf, en tennis, la nationalité n’est plus un critère», reprend Patrick Clastres, qui rappelle qu’elle ne l’était pas non plus à l’origine. «A la fin du XIX siècle, l’élite se défie autant qu’elle se retrouve à travers la Coupe Davis ou la Coupe de l’America. Les premiers Jeux olympiques ne sont pas pensés comme un universalisme et jusqu’à Saint-Louis en 1904, les athlètes ne s’inscrivent pas par pays.» Un sport transnational serait donc autant une révolution qu’un retour aux sources.
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