GeNeuro s’attaque au covid et son titre s’envole
Cotée à la bourse de Paris, la biotech genevoise GeNeuro a vu le cours de son titre progresser de 40% jeudi. Un traitement qu’elle développe pour la sclérose en plaques pourrait servir dans la prise en charge des patients atteints de formes aiguës ou longues du covid
Après s'être envolé jeudi, le titre de GeNeuro s'était stabilisé ce vendredi et s'échangeait autour de 5 euros en fin de journée. Installée à Genève, la biotech spécialisée dans l'élaboration de traitements destinés à freiner le développement des maladies auto-immunes et neurodégénératives a vu la valeur de son titre augmenter jusqu'à un pic de près de 40% à la bourse de Paris où l'entreprise est cotée, passant de 4,21 euros à 5,86. Une hausse provoquée par la publication le même jour d'une étude menée par des chercheurs de l'Université Tor Vergata de Rome en collaboration avec le Centre international de recherche en infectiologie (CIRI) à Lyon et GeNeuro, dans la revue EBioMedicine du Lancet.
Cette dernière présente des données établissant une corrélation entre la présence d'une protéine dans le sang des patients et les formes graves de covid où elle pourrait jouer un rôle d'accélérateur. La protéine de l'enveloppe pathogène du rétrovirus endogène humain W (HERV-W ENV) est connue pour son effet pro-inflammatoire dans les tissus du cerveau dans le cadre de certaines maladies.
Deux essais cliniques à l’été
Or GeNeuro travaille depuis plusieurs années au développement d'un traitement, le temelimab, basé sur un anticorps monoclonal visant cette protéine en particulier. Conçu à l'origine pour ralentir la progression de l'invalidité dans la sclérose en plaques (SEP), il pourrait potentiellement être utilisé contre le covid. En janvier dernier, elle a obtenu un soutien financier de l'Agence nationale de la recherche française pour étudier les liens entre le covid et les protéines du rétrovirus endogène humain.
Ces annonces ont suscité l'intérêt sur les marchés, au point que l'échange du titre a dû être temporairement suspendu à l'ouverture jeudi. «Il y a eu beaucoup plus de demandes à l'achat que d'offres à la vente, c'était une suspension d'ordre technique», précise Jesus Martin-Garcia, le patron de GeNeuro. L'entreprise compte notamment parmi ses actionnaires l'Institut Mérieux et le laboratoire pharmaceutique français Servier. Pour l'année 2020, GeNeuro a présenté une perte nette de 8,9 millions d'euros (9,8 millions de francs).
Face à cet emballement, Jesus Martin-Garcia reste prudent: «Cette protéine joue certainement un rôle d'accélérant, mais nous ne connaissons pas le poids de cette contribution par rapport aux autres facteurs en jeu. Il faudra le déterminer cliniquement.» GeNeuro a prévu de lancer deux essais cliniques autour du temelimab cet été. «Nous avons commencé les discussions avec plusieurs centres médicaux en Europe et aux Etats-Unis», indique Jesus Martin-Garcia. Deux applications doivent être étudiées.
Neutraliser les syndromes post-covid
La première concerne l'utilisation du traitement pour prévenir le développement des formes aiguës du covid. La seconde doit se pencher sur son utilisation pour le traitement des formes dites longues de la maladie et les atteintes neurologiques qui y sont associées. «L'étude montre que chez environ 20% des patients le SARS-CoV-2 pousse à l'expression de cette protéine. Il est possible que, comme dans certaines maladies neurodégénératives à long cours, la protéine atteigne un niveau d'expression chronique même en l'absence du virus chez certains patients, détaille Jesus Martin-Garcia. Si c'est le cas, on pourrait peut-être neutraliser ces syndromes post-covid.»
Il reste aujourd'hui difficile d'estimer quand ces essais aboutiront. «Cela dépend de plusieurs facteurs, notamment la vitesse de recrutement des cohortes de patients atteints du covid long. Celles-ci sont seulement en train de s'organiser», souligne Jesus Martin-Garcia, qui espère pouvoir présenter de premiers résultats d'ici au premier trimestre de l'année prochaine. «La bonne nouvelle, c'est que notre anticorps est très bien toléré, affirme le patron de GeNeuro. Nous avons traité plus de 200 patients atteints de SEP pendant deux ans et le profil des effets secondaires est restreint.»
Pour autant, l'entreprise, qui emploie actuellement 15 personnes, ne prévoit pas d'abandonner ou de mettre en pause ses autres programmes. «Nous continuons nos essais cliniques contre la SEP, et nous avons un partenariat avec le National Institutes of Health aux Etats-Unis sur la maladie de Charcot où nous avons montré qu'une autre protéine de rétrovirus endogène humain, l'HERV-K, pourrait avoir une influence dans la neurodégénérescence rapide des neurones moteurs dans cette maladie», précise Jesus Martin-Garcia.
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