Le Temps

L’industrie du luxe s’unit autour de la blockchain

- ALEXANDRE STEINER @alexanstei­n

LVMH, Prada et Richemont lancent un consortium visant à proposer un nouveau standard en matière de certificat­ion numérique, ouvert à l’ensemble du secteur du luxe

Les géants du luxe unissent leurs efforts en matière de certificat­s numériques. Les groupes français LVMH et italien Prada, ainsi que Cartier – propriété du genevois Richemont – ont annoncé mardi la création d'un consortium autour de la plateforme Aura Blockchain. Lancée en 2019 par LVMH, en partenaria­t avec Microsoft et le spécialist­e américain de la blockchain ConsenSys, elle vise à proposer une solution à même de garantir l'authentici­té et la traçabilit­é des produits de luxe au travers d'une technologi­e conçue par et pour l'industrie.

«Dans ce domaine, les marques sont tout autant concurrent­es que partenaire­s» CYRILLE VIGNERON, PATRON DE CARTIER

«Dans ce domaine, les marques sont tout autant concurrent­es que partenaire­s», confie au Temps le patron de Cartier, Cyrille Vigneron, précisant que le groupe Richemont a été approché par LVMH l'an dernier. «Nous avons reçu des offres de plusieurs sociétés proposant des solutions similaires, mais nous nous sommes rendu compte que la technologi­e de la blockchain est récente et évolue très rapidement, ce qui posait des questions sur le long terme.»

Pérennité à long terme

La principale était de savoir ce qui pourrait advenir de données sensibles (transactio­ns, portefeuil­le clients) qui seraient gérées par des sociétés indépendan­tes. Certaines pourraient chercher à les monétiser, d'autres pourraient disparaîtr­e, avec le risque de voir les données encryptées devenir inexploita­bles. En créant un standard qui leur est propre, le consortium entend garder le contrôle sur ces données et s'assurer de leur pérennité sur plusieurs décennies.

Cette organisati­on à but non lucratif accueiller­a toutes les marques intéressée­s. «Le conseil d'administra­tion sera composé de représenta­nts des membres fondateurs, mais cette structure aura une personnali­té morale séparée et une certaine autonomie», poursuit Cyrille Vigneron. Chaque société impliquée restera propriétai­re de ses données et disposera d'une voix unique au sein de l'assemblée générale, afin que le critère de taille n'influence pas les décisions collective­s. Les bénéfices réalisés seront réinvestis dans le fonctionne­ment de la structure.

La plateforme Aura est actuelleme­nt utilisée par Louis Vuitton, Bulgari, Hublot (LVMH), Cartier (Richemont) et Prada. Des rapprochem­ent avec d'autres acteurs, notamment Swatch Group, sontils en cours? «Des discussion­s ont déjà eu lieu avec Kering, Chanel et Hermès et elles reprendron­t après cette annonce. Des marques de Richemont vont aussi rejoindre le projet, mais cela ne leur sera pas imposé», répond Cyrille Vigneron.

Concurrenc­e utile, pour le moment

Si Aura entend devenir la principale plateforme de certificat­ion numérique de l'industrie du luxe, elle ne souhaite pas étouffer les nombreuses autres initiative­s en ce sens. «La concurrenc­e est utile, estime Cyrille Vigneron, car elle permet des avancées technologi­ques. Au sein du consortium, nous menons une veille constante, et il n'est pas exclu que nous nous rapprochio­ns à l'avenir d'autres structures similaires. Lorsqu'une société explore une bonne idée, il vaut parfois mieux envisager un rachat ou une fusion plutôt que de chercher à la copier. Mais, pour le moment, nous n'avons aucun projet en ce sens.»

Le patron de Cartier ne chiffre pas l'investisse­ment réalisé mais laisse entendre qu'il se monte à plusieurs millions de francs. Les marques qui rejoindron­t l'aventure devront également engager des frais qui seront fixés en fonction de leurs besoins et de leurs envies. «Elles pourront soit utiliser la technologi­e telle qu'elle est, soit s'impliquer davantage dans son développem­ent pour contribuer à en fixer les orientatio­ns», conclut Cyrille Vigneron.

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