L’industrie du luxe s’unit autour de la blockchain
LVMH, Prada et Richemont lancent un consortium visant à proposer un nouveau standard en matière de certification numérique, ouvert à l’ensemble du secteur du luxe
Les géants du luxe unissent leurs efforts en matière de certificats numériques. Les groupes français LVMH et italien Prada, ainsi que Cartier – propriété du genevois Richemont – ont annoncé mardi la création d'un consortium autour de la plateforme Aura Blockchain. Lancée en 2019 par LVMH, en partenariat avec Microsoft et le spécialiste américain de la blockchain ConsenSys, elle vise à proposer une solution à même de garantir l'authenticité et la traçabilité des produits de luxe au travers d'une technologie conçue par et pour l'industrie.
«Dans ce domaine, les marques sont tout autant concurrentes que partenaires» CYRILLE VIGNERON, PATRON DE CARTIER
«Dans ce domaine, les marques sont tout autant concurrentes que partenaires», confie au Temps le patron de Cartier, Cyrille Vigneron, précisant que le groupe Richemont a été approché par LVMH l'an dernier. «Nous avons reçu des offres de plusieurs sociétés proposant des solutions similaires, mais nous nous sommes rendu compte que la technologie de la blockchain est récente et évolue très rapidement, ce qui posait des questions sur le long terme.»
Pérennité à long terme
La principale était de savoir ce qui pourrait advenir de données sensibles (transactions, portefeuille clients) qui seraient gérées par des sociétés indépendantes. Certaines pourraient chercher à les monétiser, d'autres pourraient disparaître, avec le risque de voir les données encryptées devenir inexploitables. En créant un standard qui leur est propre, le consortium entend garder le contrôle sur ces données et s'assurer de leur pérennité sur plusieurs décennies.
Cette organisation à but non lucratif accueillera toutes les marques intéressées. «Le conseil d'administration sera composé de représentants des membres fondateurs, mais cette structure aura une personnalité morale séparée et une certaine autonomie», poursuit Cyrille Vigneron. Chaque société impliquée restera propriétaire de ses données et disposera d'une voix unique au sein de l'assemblée générale, afin que le critère de taille n'influence pas les décisions collectives. Les bénéfices réalisés seront réinvestis dans le fonctionnement de la structure.
La plateforme Aura est actuellement utilisée par Louis Vuitton, Bulgari, Hublot (LVMH), Cartier (Richemont) et Prada. Des rapprochement avec d'autres acteurs, notamment Swatch Group, sontils en cours? «Des discussions ont déjà eu lieu avec Kering, Chanel et Hermès et elles reprendront après cette annonce. Des marques de Richemont vont aussi rejoindre le projet, mais cela ne leur sera pas imposé», répond Cyrille Vigneron.
Concurrence utile, pour le moment
Si Aura entend devenir la principale plateforme de certification numérique de l'industrie du luxe, elle ne souhaite pas étouffer les nombreuses autres initiatives en ce sens. «La concurrence est utile, estime Cyrille Vigneron, car elle permet des avancées technologiques. Au sein du consortium, nous menons une veille constante, et il n'est pas exclu que nous nous rapprochions à l'avenir d'autres structures similaires. Lorsqu'une société explore une bonne idée, il vaut parfois mieux envisager un rachat ou une fusion plutôt que de chercher à la copier. Mais, pour le moment, nous n'avons aucun projet en ce sens.»
Le patron de Cartier ne chiffre pas l'investissement réalisé mais laisse entendre qu'il se monte à plusieurs millions de francs. Les marques qui rejoindront l'aventure devront également engager des frais qui seront fixés en fonction de leurs besoins et de leurs envies. «Elles pourront soit utiliser la technologie telle qu'elle est, soit s'impliquer davantage dans son développement pour contribuer à en fixer les orientations», conclut Cyrille Vigneron.
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