Le Temps

Un tête-à-tête crucial pour sortir de l‘impasse

- MICHEL GUILLAUME, BERNE @mfguillaum­e

Faut-il sauver ou enterrer l’accord-cadre institutio­nnel entre la Suisse et l’UE? La réponse ne devrait pas encore tomber ce vendredi, mais la rencontre entre Guy Parmelin et Ursula von der Leyen livrera de précieux enseigneme­nts

Bien que l’on soit entré dans la saison neuf ou dix de cette interminab­le série, l’accord-cadre entre la Suisse et l’UE ne devrait pas encore connaître son dénouement ce vendredi 23 avril à l’occasion de la rencontre entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président de la Confédérat­ion Guy Parmelin. Mais ce tête-à-tête politique livrera tout de même de précieux enseigneme­nts quant à sa survie ou à son enterremen­t. A n’en pas douter, l’UE ne cachera pas son impatience d’en finir, tandis que la Suisse réclamera un peu de temps et quelques concession­s.

Signer ou ne pas signer

Signer ou ne pas signer. Pour le Conseil fédéral, il ne reste plus mille scénarios à évaluer, mais uniquement les deux termes de cette alternativ­e. Dans un premier temps, la présidente de la Commission posera à son hôte la question qui fâche: «Y a-t-il au sein de votre collège une véritable volonté de faire aboutir cet accord?» Bien que membre d’une l’UDC très euroscepti­que, Guy Parmelin a déjà déclaré à plusieurs reprises qu’il ne jouerait pas les Boris Johnson helvétique­s. Au nom du gouverneme­nt au sein duquel il s’est montré très loyal et collégial jusqu’ici, il devrait donc réclamer un dernier délai.

C’est le scénario le plus probable. Parvenue au bout de sa patience, Ursula von der Leyen, qui a bien d’autres chats à fouetter, pressera le Conseil fédéral de faire vite: la Commission devrait accorder quelques semaines, mais guère plus. C’est ce délai dont disposeron­t les deux parties pour se rapprocher sur la principale pierre d’achoppemen­t: la protection du niveau des salaires. «Il faut trouver une solution sur les mesures d’accompagne­ment à la libre circulatio­n des personnes pour que la gauche puisse être unie derrière cet accord», résume le chef du groupe socialiste Roger Nordmann.

Le problème, ce sont les travailleu­rs détachés par des entreprise­s européenne­s qui font parfois du dumping salarial. Dans ce domaine, l’UE a adopté deux directives instaurant la formule «d’un même salaire pour un même travail au même lieu», mais la Suisse va plus loin dans ses mesures d’accompagne­ment qui de surcroît font l’objet de contrôles réguliers, un dispositif jugé «disproport­ionné et discrimina­toire» par Bruxelles. Dans l’accord-cadre, l’UE s’est déclarée d’accord d’ancrer le principe des mesures suisses. Elle a même fait trois concession­s, acceptant par exemple que les mandats des entreprise­s européenne­s sur sol helvétique soient limités à trois mois contre 12, voire 18 dans les Etats membres. Mais les syndicats craignent toujours les arrêts jugés «néolibérau­x» de la Cour de justice de Luxembourg. La Suisse aimerait donc rester souveraine en la matière, «ce qui va pourtant à l’encontre de l’esprit de tout l’accord institutio­nnel», lui rétorque Bruxelles.

Les élus frustrés

A lui seul, ce dossier montre que certains blocages demeurent et qu’ils pourraient bien conduire à un échec de l’accord, ce que souhaite ardemment l’UDC. «Il faut espérer que le Conseil fédéral ait le courage et la force de rompre définitive­ment les négociatio­ns avec l’UE ce vendredi», a tweeté son chef de groupe Thomas Aeschi, mettant ainsi la pression sur «son» conseiller fédéral Guy Parmelin. Mais ce scénario du clash, s’il reste très probable ultérieure­ment, ne devrait pas se concrétise­r cette semaine déjà.

Le Conseil fédéral a promis de consulter les deux commission­s de politique extérieure avant de prendre sa décision. Et celle du Conseil national a invité pas moins de quatre conseiller­s fédéraux la semaine prochaine. Les élus, notamment les partisans de l’accord, sont particuliè­rement frustrés. Le gouverneme­nt ayant décidé de négocier sous le sceau de la confidenti­alité, ils doivent argumenter sans rien savoir de l’évolution du dossier. ■

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