Un tête-à-tête crucial pour sortir de l‘impasse
Faut-il sauver ou enterrer l’accord-cadre institutionnel entre la Suisse et l’UE? La réponse ne devrait pas encore tomber ce vendredi, mais la rencontre entre Guy Parmelin et Ursula von der Leyen livrera de précieux enseignements
Bien que l’on soit entré dans la saison neuf ou dix de cette interminable série, l’accord-cadre entre la Suisse et l’UE ne devrait pas encore connaître son dénouement ce vendredi 23 avril à l’occasion de la rencontre entre la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président de la Confédération Guy Parmelin. Mais ce tête-à-tête politique livrera tout de même de précieux enseignements quant à sa survie ou à son enterrement. A n’en pas douter, l’UE ne cachera pas son impatience d’en finir, tandis que la Suisse réclamera un peu de temps et quelques concessions.
Signer ou ne pas signer
Signer ou ne pas signer. Pour le Conseil fédéral, il ne reste plus mille scénarios à évaluer, mais uniquement les deux termes de cette alternative. Dans un premier temps, la présidente de la Commission posera à son hôte la question qui fâche: «Y a-t-il au sein de votre collège une véritable volonté de faire aboutir cet accord?» Bien que membre d’une l’UDC très eurosceptique, Guy Parmelin a déjà déclaré à plusieurs reprises qu’il ne jouerait pas les Boris Johnson helvétiques. Au nom du gouvernement au sein duquel il s’est montré très loyal et collégial jusqu’ici, il devrait donc réclamer un dernier délai.
C’est le scénario le plus probable. Parvenue au bout de sa patience, Ursula von der Leyen, qui a bien d’autres chats à fouetter, pressera le Conseil fédéral de faire vite: la Commission devrait accorder quelques semaines, mais guère plus. C’est ce délai dont disposeront les deux parties pour se rapprocher sur la principale pierre d’achoppement: la protection du niveau des salaires. «Il faut trouver une solution sur les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes pour que la gauche puisse être unie derrière cet accord», résume le chef du groupe socialiste Roger Nordmann.
Le problème, ce sont les travailleurs détachés par des entreprises européennes qui font parfois du dumping salarial. Dans ce domaine, l’UE a adopté deux directives instaurant la formule «d’un même salaire pour un même travail au même lieu», mais la Suisse va plus loin dans ses mesures d’accompagnement qui de surcroît font l’objet de contrôles réguliers, un dispositif jugé «disproportionné et discriminatoire» par Bruxelles. Dans l’accord-cadre, l’UE s’est déclarée d’accord d’ancrer le principe des mesures suisses. Elle a même fait trois concessions, acceptant par exemple que les mandats des entreprises européennes sur sol helvétique soient limités à trois mois contre 12, voire 18 dans les Etats membres. Mais les syndicats craignent toujours les arrêts jugés «néolibéraux» de la Cour de justice de Luxembourg. La Suisse aimerait donc rester souveraine en la matière, «ce qui va pourtant à l’encontre de l’esprit de tout l’accord institutionnel», lui rétorque Bruxelles.
Les élus frustrés
A lui seul, ce dossier montre que certains blocages demeurent et qu’ils pourraient bien conduire à un échec de l’accord, ce que souhaite ardemment l’UDC. «Il faut espérer que le Conseil fédéral ait le courage et la force de rompre définitivement les négociations avec l’UE ce vendredi», a tweeté son chef de groupe Thomas Aeschi, mettant ainsi la pression sur «son» conseiller fédéral Guy Parmelin. Mais ce scénario du clash, s’il reste très probable ultérieurement, ne devrait pas se concrétiser cette semaine déjà.
Le Conseil fédéral a promis de consulter les deux commissions de politique extérieure avant de prendre sa décision. Et celle du Conseil national a invité pas moins de quatre conseillers fédéraux la semaine prochaine. Les élus, notamment les partisans de l’accord, sont particulièrement frustrés. Le gouvernement ayant décidé de négocier sous le sceau de la confidentialité, ils doivent argumenter sans rien savoir de l’évolution du dossier. ■