L’Union européenne, un Gulliver entravé par ses Etats membres
Dans une tribune intitulée «Les Arméniens du Karabagh en danger: un remède, l’autodétermination» (LT du 17.11.2020), un collectif d’une quinzaine de personnalités faisait montre de plus de passion que de raison. Nous voudrions apporter les précisions suivantes, dans l’ordre, à leurs principales allégations:
1. Le décret soviétique du 5 juillet 1921 (dont le texte, certes en russe, est disponible en ligne) a «maintenu» (c’est le mot employé: ostavit) le Haut-Karabakh en territoire azerbaïdjanais; il ne le lui a pas attribué. Cette région n’a jamais fait partie de la République indépendante d’Arménie – République reconnue par la conférence de la paix en janvier 1920, au moment où ladite conférence reconnaissait aussi l’Azerbaïdjan, Haut-Karabakh compris;
2. Loin d’avoir toujours été «pacifique», le séparatisme arménien du Haut-Karabakh s’est soldé par l’élimination de toute la population azérie de la région (environ un quart de la population totale), en expulsant et en massacrant, ainsi que par la conquête, totale ou partielle, de sept cantons avoisinants, lesquels ne comptaient pourtant qu’1% d’Arméniens au recensement soviétique de 1989: là aussi, ce fut l’expulsion systématique (650000 personnes), quand ce ne fut pas le massacre, contre la majorité cette fois;
3. Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan a commencé en 1987, avec les premières expulsions d’Azéris d’Arménie (environ 250000 personnes), qui ont duré jusqu’en janvier 1989 et ont entièrement éradiqué la présence azérie dans cette République du Caucase, alors qu’il reste, selon le HautCommissariat des Nations unies pour les réfugiés, environ 30000 Arméniens en Azerbaïdjan. Les émeutes de 1988
(et non de 1989, comme l’écrivent à tort les auteurs) près de Bakou ont, selon le grand spécialiste de l’URSS Jean-Jacques Marie, tous les aspects extérieurs d’une manipulation orchestrée par la mafia arménienne et certains éléments du Parti communiste d’URSS. De fait, un Arménien a été condamné par la justice soviétique pour avoir été l’un des principaux coupables des crimes commis alors contre ses coreligionnaires;
4. Quatre résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptées en 1993, ainsi qu’une résolution de l’assemblée générale, votée en 2008, exigent le retrait inconditionnel des forces d’occupation arméniennes et reconnaissent l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. Les auteurs de cette tribune inversent donc les rôles quand ils utilisent le verbe «envahir»; et ils prennent la Confédération helvétique pour une instance d’appel de l’ONU quand ils réclament qu’elle tienne pour rien le droit international. Les cas du Kosovo et du Timor oriental n’ont rien à voir, ni en droit ni en fait;
5. Il n’existe aucune preuve d’une participation directe de l’armée turque aux combats pour la reconquête des territoires occupés. La Turquie a certes vendu des armes à l’Azerbaïdjan, mais la Russie, Israël et la République tchèque aussi;
6. Si la participation, passée et présente de centaines de mercenaires du groupe terroriste PKK, celle de Français et de Grecs, entre autres, est avérée, il n’existe pas de preuves que des «mercenaires syriens» (sans expérience des combats en montagne et de médiocre réputation dans leur propre pays) aient pris part à ces combats. Le Ministère arménien de la défense en fut réduit à prétendre que les cadavres avaient été mangés par des sangliers;
7. Selon les chiffres officiels du gouvernement arménien, qui a tant menti pendant cette guerre (même les nationalistes de la diaspora l’admettent), une quarantaine de civils ont été tués (cependant que 93 civils azerbaïdjanais ont été tués par des bombardements arméniens, y compris avec des bombes à sous-munitions): parler, dans ces conditions, de «génocide» est grotesque et indigne.
En tant que Fédération des associations turques de Suisse romande, nous ne pouvons pas manquer de noter la ressemblance avec les «arguments» de l’Arménie et de ses partisans dans l’affaire Perinçek c. Suisse à la Cour européenne des droits de l’homme à laquelle nous nous étions associés en tant que tiers intervenant. La Grande chambre de la CEDH nous a donné raison. Nous souciant de l’intérêt national helvétique, nous ne voudrions pas qu’en répétant les mêmes erreurs, Berne se retrouve, de nouveau, dans une situation embarrassante. ■