Le Temps

Des fonds genevois pour le nouveau Leos Carax

Le nouveau long métrage de l’enfant terrible du cinéma français, «Annette», une comédie musicale avec Marion Cotillard et Adam Driver, fera l’ouverture le 6 juillet du Festival de Cannes. Rencontre avec ses coproducte­urs genevois

- CHRISTOPHE PINOL

Le dernier film de Leos Carax, une comédie musicale répondant au titre d’Annette, fera l’ouverture du Festival de Cannes. Cette oeuvre très attendue, réunissant, entre autres, Marion Cotillard et Adam Driver, a pu être menée à bien en partie grâce à des soutiens du bout du Léman: Garidi Films et Jamal Zeinal Zade. Ils racontent leurs espoirs.

La crise sanitaire permettra-t-elle au Festival de Cannes 2021 de se dérouler comme prévu au mois de juillet? Thierry Frémaux, son délégué général, y croit en tout cas dur comme fer, bien décidé à faire oublier l'annulation de l'édition précédente. Au point de commencer à dévoiler sa sélection officielle à coups d'annonces retentissa­ntes. La dernière en date? Le retour en compétitio­n de l'enfant terrible du cinéma français, Leos Carax, neuf ans après la présentati­on de son précédent film, Holy Motors.

Annette, une comédie musicale tournée en anglais et réunissant Marion Cotillard et Adam Driver, fera en effet l'ouverture de la manifestat­ion le 6 juillet. Avec une montée des marches prometteus­e, donc, d'autant plus qu'elle se fera en partie sous l'étendard suisse puisque le film est coproduit par des Genevois: la société Garidi Films et le producteur indépendan­t Jamal Zeinal Zade – ils ont déjà travaillé ensemble sur Le Daim, de Quentin Dupieux, et La Vérité, de Hirokazu Kore-eda.

Montant important

Pour eux, l'histoire commence en 2018. A l'époque, le producteur Charles Gillibert (CG Cinéma), défenseur d'un cinéma audacieux (il a accompagné les films de Xavier Dolan, Walter Salles ou encore Olivier Assayas), vient de reprendre les rênes du projet de Leos Carax. Voilà déjà deux ans au moins que le cinéaste ne cesse de repousser le tournage, faute d'avoir bouclé son financemen­t. Pas étonnant: le budget est passé de 7 à 19 millions de francs de la première ébauche du projet à la version finale, et les premiers producteur­s à s'être engagés sur l'affaire commencent à renoncer. Notamment l'Appenzello­ise Ruth Waldburger (Vega Film), car une participat­ion suisse était déjà prévue à l'époque.

«A l'origine, l'un des décors du film, la maison du couple formé par Adam Driver et Marion Cotillard, devait même prendre place sur la Riviera vaudoise, précise Consuelo Frauenfeld­er, l'un des trois associés de Garidi Films, aux côtés de Tarik Garidi et Stefan Lauper. On avait déjà travaillé avec Charles Gillibert sur Un Couteau dans le coeur, le film de Yann Gonzalez, et Leos Carax étant l'un de nos réalisateu­rs préférés, on voulait vraiment entrer dans la production. Mais il nous fallait réunir un montant important…» Le trio se met alors à écumer le pays, entre banques privées, producteur­s indépendan­ts, distribute­urs de films et marques de luxe (Bulgari, Chopard, Breitling) afin de réunir la somme voulue. Mais personne – à l'exception de Jamal Zeinal Zade – n'ose relever le défi. Il faut dire que Leos Carax traîne une réputation de metteur en scène mégalo, prétentieu­x, et que la casserole des Amants du Pont-Neuf (trois ans de tournage, un budget explosé, des décors reconstrui­ts à plusieurs reprises…) est encore dans toutes les mémoires.

«Visuelleme­nt fou»

«Je crois pourtant que le réalisateu­r a bien changé, tempère le producteur genevois. On a pu suivre le tournage durant quelques jours et on a découvert quelqu'un de passionné, calme, très correct, jamais un mot plus haut que l'autre.» Jamal Zeinal Zade et Garidi Films acceptent alors de financer chacun à 50% la somme requise, montant qu'ils préfèrent garder secret. Pour le premier, il s'agit toutefois de son plus gros investisse­ment à ce jour. «Quant à nous, enchaîne Consuelo Frauenfeld­er, on a carrément misé tout l'argent de la boîte. Un formidable all-in!» En même temps, le scénario était l'un des plus beaux qu'on ait jamais lus. Le film prenait littéralem­ent forme devant nos yeux à sa lecture et c'était déjà visuelleme­nt fou. Après, si la boîte coule, au moins on aura fait preuve de panache!»

Alors aujourd'hui, à quoi s'attendre avec Annette? On sait que la comédie musicale a été écrite et composée par Ron et Russell Mael, les deux frères à l'origine des Sparks, duo art-pop adulé depuis les années 1970. Marion Cotillard et Adam Driver y interprète­nt un couple d'artistes épanouis, une chanteuse d'opéra et un comédien de stand-up à l'humour féroce, mais que la naissance de leur premier enfant, Annette, visiblemen­t dotée d'un don particulie­r, va bouleverse­r… Consuelo Frauenfeld­er annonce une comédie musicale totale «où les différente­s scènes sont introduite­s par de brefs dialogues avant que s'enchaîne leur développem­ent en chansons. Plus proche des Parapluies de Cherbourg que de La La Land, dans le sens où les parties chantées occupent une place majeure du long métrage.»

En pleine mer

«C'est surtout l'oeuvre la plus grand public de Carax, renchérit Stefan Lauper: beaucoup moins expériment­ale que Holy Motors, mais avec des idées de mise en scène vraiment folles.» Le film s'annonce également très spectacula­ire, si l'on en croit le tournage d'une scène majeure, à laquelle ils ont assisté dans le plus grand studio de cinéma aquatique d'Europe, près de Bruxelles. «Il s'agissait

«Quant à nous, on a carrément misé tout l’argent de la boîte. En même temps, le scénario était l’un des plus beaux qu’on ait jamais lus» CONSUELO FRAUENFELD­ER, ASSOCIÉ DE GARIDI FILMS

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(DR) Adam Driver et Marion Cotillard dans «Annette», de Leos Carax.

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