Ces pays où l’on est payé pour s’endetter si l’on veut devenir propriétaire
Au Portugal et au Danemark, de plus en plus d’acheteurs de biens immobiliers bénéficient des taux négatifs. Il y a peu de chances que cela se produise en Suisse
S’acheter une maison, s’endetter et être payé pour cela. Surréaliste? C’est pourtant ce qui arrive à de plus en plus de propriétaires, en particulier au Danemark et au Portugal. En 2019, Jyske Bank avait été la première banque au monde à proposer des hypothèques à taux négatifs. Le troisième établissement danois offrait -0,5% pour un emprunt à 10 ans. Les clients ne reçoivent pas directement d’argent, mais le montant de leur dette se réduit chaque mois. Autrement dit, la banque paie une partie de leur amortissement.
Le Danemark est aussi le pays où les taux négatifs sont les plus répandus. Sa banque centrale a réduit son taux directeur en dessous de zéro à partir de 2012, donc avant la Banque nationale suisse (BNS). En mars, elle l’a relevé de -0,6% à -0,5%, ce qui n’a pas changé la pratique des banques, qui taxent les dépôts des clients à partir de sommes aussi basses que 100000 couronnes danoises (un peu moins de 15000 francs). Lors du dernier trimestre de 2020, alors que certaines banques abaissaient ce seuil, la mesure n’a pas fait de remous. «Cela fait peu de bruit, ce qui est très bien, a déclaré Karen Frosig, directrice générale de Sydbank, à Bloomberg. Notre surplus de dépôts dépasse 30 milliards de couronnes, nous ne pouvons plus nous permettre de ne pas les taxer.»
Taux variables au Portugal
De fait, répercuter les taux négatifs est même devenu «la normalité» au Danemark, affirme la vice-gouverneure de la banque centrale, responsable de la politique monétaire et économique, Signe Krogstrup dans Voxeurope, qui ne semble pas voir cela d’un mauvais oeil. Contrairement aux banques suisses, leurs homologues danoises ne bénéficient pas du tout d’exemptions de taux d’intérêt négatifs pour leurs fonds placés auprès de la banque centrale.
La situation au Portugal est différente. Beaucoup d’hypothèques sont contractées à taux variables. Contrairement aux taux fixes, cela les expose à plus de risques de variation de taux, mais pour le moment, il arrive régulièrement que leur taux plonge en dessous de zéro. Cela concerne quelque 30000 détenteurs d’hypothèques au Portugal en 2019, selon l’association de consommateurs, citée par le Wall Street Journal. Elle estime que le chiffre a plus que doublé même depuis cette date. Caixa Geral de Depositos, une des grandes banques portugaises, affirme par exemple que 12% des hypothèques qu’elle a contractées offrent des taux négatifs.
Risque de bulle en Suisse
Le Portugal a même fait passer une loi pour obliger les banques à répercuter les taux négatifs, quand d’autres pays où un grand nombre d’emprunts immobiliers sont basés sur des taux variables ont pris la mesure inverse, notamment son voisin espagnol.
En Suisse, des hypothèques à taux négatifs existent, mais il s’agit de cas particuliers. Officiellement, du moins, aucune banque ne présente de telles offres. «Pour que cela soit possible, il faudrait que les banques appliquent des taux négatifs à la grande majorité des comptes d’épargne. Elles le font relativement peu, pour éviter d’irriter leurs clients», souligne Roland Bron, directeur de VZ en Suisse romande.
Ce ne serait d’ailleurs pas nécessairement une bonne chose, ajoute le spécialiste. Surtout si une telle offre pousse trop à la propriété: «Les prix de l’immobilier sont déjà très élevés, nous sommes déjà dans une petite bulle et cela pourrait être un risque. Je pense que la BNS ferait au mieux pour éviter ce scénario.»
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