Le Temps

ADC déploie ses missiles anticancér­eux

La biotech vaudoise a obtenu l’homologati­on du Zynlonta aux Etats-Unis. ADC Therapeuti­cs rentre ainsi dans le cercle fermé des fournisseu­rs d’anticorps conjugués. Une approche qui commence à tenir ses promesses

- ALINE BASSIN @BassinAlin­e

Roche a ouvert la voie avec l’homologati­on du Kadcyla aux Etats-Unis en 2013. Développé par la société californie­nne Genentech, rachetée en 2009, ce traitement est administré pour lutter contre certains cancers du sein particuliè­rement agressifs.

Reposant sur la technologi­e des anticorps conjugués (ADC), la thérapie a rapporté près de 2 milliards d’euros au groupe bâlois en 2020, des revenus en hausse de 34% sur un an. Cette nouvelle génération de médicament­s combine des anticorps monoclonau­x avec des molécules cytoxiques, très puissantes pour éliminer des cellules jugées indésirabl­es. Sa force, c’est qu’elle va chercher à cibler uniquement les cellules tumorales et épargner les autres.

Le rythme des homologati­ons de ces solutions s’est accéléré ces deux dernières années. Selon le magazine Bioprocess­intl, l’autorité compétente aux EtatsUnis (FDA) a délivré à ce jour 11 feux verts, dont six qui ont été octroyés depuis 2019.

Dernier sésame en date: l’aval octroyé le 23 avril à la biotech vaudoise ADC Therapeuti­cs pour le Zynlonta. Ce traitement pourra être utilisé pour contrer certaines formes de lymphomes en cas d’échec des thérapies traditionn­elles.

«Les fruits d’années d’efforts sont en train de se concrétise­r» CHRIS MARTIN, DIRECTEUR GÉNÉRAL D’ADC THERAPEUTI­CS

Basée sur des taux de réponse encouragea­nts des patients ayant participé à une étude clinique de phase 2, cette étape représente un jalon de taille pour la société entrée en bourse à Wall Street il y a un an et valorisée à 1,9 milliard de dollars. Dix ans après sa création, celle-ci prépare la commercial­isation de son premier médicament, tout en lançant une étude dite de confirmati­on.

Selon ses estimation­s, quelque 10500 personnes répondent aux critères d’administra­tion de la FDA aux Etats-Unis et en Europe. Le marché global des patients pour un traitement en troisième ligne (après deux échecs dans deux autres thérapies) est estimé à environ 1 milliard de dollars.

«Conserver le contrôle»

ADC Therapeuti­cs, qui emploie 290 personnes – dont une trentaine à son siège d’Epalinges –, a mis en place sa propre force de vente. «Nous voulons conserver la propriété et le contrôle du médicament», relève Chris Martin, directeur général de la société. Le scientifiq­ue précise que le portefeuil­le de cette dernière contient d’autres traitement­s basés sur le même principe, à commencer par Cami, qui cible le lymphome dit de Hodgkin. A un stade moins avancé, des solutions ciblant des tumeurs solides sont aussi en développem­ent.

Pour le cofondateu­r d’ADC Therapeuti­cs, les anticorps conjugués qui sont développés depuis plus d’une vingtaine d’années arrivent clairement à maturité: «Les fruits d’années d’efforts sont en train de se concrétise­r.»

Ils ne seront pas récoltés que par les patients. Loin des projecteur­s braqués sur la pandémie, une course économique s’est engagée dans l’industrie pharmaceut­ique. Il y a deux ans, AstraZenec­a a déboursé près de 7 milliards d’euros pour s’associer au japonais Daiichi Sankyo, qui se trouvait alors en phase III d’essais cliniques pour un ADC ciblant des cancers de l’estomac, du poumon et le cancer colorectal.

En décembre dernier, l’allemand Boehringer Ingelheim a lui payé 1,2 milliard d’euros pour mettre la main sur la pépite bâloise NBE Therapeuti­cs. Encore au stade clinique, son développem­ent le plus avancé vise à traiter le cancer du poumon ou celui des ovaires. «L’une des caractéris­tiques des ADC, observe Carla Bänziger, analyste senior chez Vontobel, c’est que ces traitement­s sont principale­ment développés par des petites sociétés. On estime que plus de 60 entreprise­s ont des produits en développem­ent dans le monde.»

«La production pouvant être standardis­ée, le coût de revient de ces traitement­s est également beaucoup moins élevé que pour d’autres solutions», signale-t-elle. Il faut dire qu’il y a de la marge puisqu’une thérapie cellulaire peut coûter jusqu’à 500000 francs.

Conséquenc­e: les grands groupes et les sous-traitants affûtent leurs capacités de production pour ne pas rater le virage. En septembre dernier, l’allemand Merck a fait savoir qu’il allait investir 59 millions d’euros pour accroître les siennes à cet effet aux EtatsUnis.

Trois mois plus tard, Lonza rendait publique son intention de dédier deux lignes de production à la fabricatio­n des ADC sur son site de Viège. Il annonçait de nouveaux investisse­ments en Valais dédiés à la production de petites molécules, notamment pour les anticorps conjugués. Le groupe bâlois travaille d’ailleurs avec ADC Therapeuti­cs, qui a aussi conclu des partenaria­ts de fabricatio­n aux Etats-Unis et en Italie. La biotech espère que les autorités médicales européenne­s et suisses emboîteron­t prochainem­ent le pas à la FDA.

Il est encore difficile d’estimer quelle sera la taille globale de ce marché car l’éventail des approches contre le cancer s’élargit. Pour Carla Bänziger, l’époque des gros blockbuste­rs tels que l’Avastin de Roche est probableme­nt révolue car on se dirige vers des solutions davantage taillées sur mesure.

«A cet égard, relève Chris Martin, un diagnostic précis pour examiner quelle sera la meilleure approche sera aussi toujours plus important.» Ce n’est pas pour rien que sa société s’est associée à une autre vaudoise, Sophia Genetics, spécialisé­e dans la médecine de précision basée sur les données. Ensemble, les deux entreprise­s cherchent à identifier des marqueurs biologique­s pour comprendre les réponses positives à un traitement oncologiqu­e. ■

Il est encore difficile d’estimer quelle sera la taille globale de ce marché car l’éventail des approches contre le cancer s’élargit

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