«Ce sont des thérapies qui arrivent vraiment à maturité»
Médecin-chef du service d’oncologie au CHUV, le professeur Olivier Michielin est également chargé de l’oncologie personnalisée au sein de l’hôpital universitaire. Il suit avec intérêt le développement des anticorps conjugués (ADC) et s’exprime sur les avantages de ce type de traitement, mais aussi sur les défis qui doivent être relevés Les homologations d’ADC se sont accélérées ces dernières années. Comment évaluez-vous le potentiel de ce type de thérapie?
«Plus on va connaître la différence entre les protéines de surface de la tumeur et les cellules saines, plus on va élargir les possibilités. Les ADC pourraient tout à fait s’appliquer pour combattre toutes sortes de cancers»
Ces traitements sont extrêmement intéressants. C’est une manière très élégante d’amener dans la cellule tumorale une molécule très efficace qui serait trop toxique pour être donnée de manière systémique. Pour ce faire, on va lier cette molécule à un anticorps, une sorte de missile à tête chercheuse. Le plus grand défi, c’est de trouver une cible qui soit très spécifique de la tumeur. Plus on est précis à cibler la cellule tumorale, moins on aura d’effets secondaires liés au fait qu’on touche d’autres cellules.
Justement, quels effets secondaires sont à craindre?
Il n’y a pas toujours une cible qui est exprimée uniquement sur la tumeur. Parfois la protéine va se retrouver sur d’autres cellules saines qu’on n’a pas envie de toucher. Il y a aussi la stabilité du complexe. Il faut être sûr que la drogue très toxique qu’on adjoint à l’anticorps ne se détache pas. Comme toujours, il y a beaucoup de choses à prendre en compte. Mais ce sont des thérapies qui ont fait d’énormes progrès et qui arrivent vraiment à maturité. Le fait qu’on voie plus fréquemment ces homologations le montre bien.
Quels cancers sont adaptés pour ces traitements?
En théorie, c’est un mécanisme très général. Tout le secret, c’est vraiment d’identifier pour l’anticorps la bonne cible à la surface de la cellule, par exemple une protéine. Pour les cancers hématologiques, il y a le CD19, un marqueur de surface, qui représente une excellente cible, déjà très utilisée en oncologie. Un autre exemple bien connu est le HER2, qu’on retrouve dans des cancers du sein, mais aussi d’autres formes de tumeurs solides. Plus on va connaître la différence entre les protéines de surface de la tumeur et des cellules saines, plus on va élargir les possibilités. Les ADC pourraient tout à fait s’appliquer pour combattre toutes sortes de cancers.
Entre les ADC, les thérapies cellulaires, géniques ou encore les ARN messagers, le champ des possibles s’élargit. Est-ce qu’on se dirige vers des combinaisons de ces traitements?
Arriver vers une personnalisation de plus en plus pointue est un des futurs possibles de l’oncologie. En tant que responsable de l’oncologie de précision au CHUV, j’y crois énormément! Il y aura clairement ces nouvelles thérapies qui vont cohabiter avec des traitements standards. Pour le CD19, on peut par exemple imaginer des stratégies distinctes qui présentent des propriétés différentes. On ne peut pas dire qu’une soit mieux que l’autre. Il va falloir utiliser ces différentes approches pour leurs qualités et malgré leurs défauts dans différents contextes cliniques. ■