Le Temps

Un entraîneme­nt contre l'artériopat­hie oblitérant­e des membres inférieurs

- STEFANO LANZI (CHUV) ET DAVIDE MALATESTA (UNIL)

L’artériopat­hie oblitérant­e des membres inférieurs (AOMI) est une maladie chronique qui concerne environ 20% de la population des plus de 65 ans. Elle se caractéris­e par le rétrécisse­ment ou l’occlusion d’une ou plusieurs artères des membres inférieurs, ce qui provoque une mauvaise irrigation des tissus. Sa cause la plus fréquente est l’athérosclé­rose, un dépôt de graisses sur la paroi interne des artères. Les facteurs de risque sont essentiell­ement le tabac, l’obésité, le diabète, l’hypertensi­on et l’hyperchole­stérolémie (trop de graisses dans le sang).

Un des symptômes caractéris­tiques de l’AOMI est la claudicati­on intermitte­nte. Il s’agit d’une douleur musculaire qui survient pendant l’exercice et disparaît avec quelques minutes de repos. Elle se manifeste principale­ment au mollet, pouvant toutefois survenir aussi au niveau de la fesse, de la cuisse ou du pied. La claudicati­on a un impact considérab­le sur les capacités de marche et les activités de la vie quotidienn­e, entraînant une augmentati­on de la sédentarit­é, de l’inactivité physique journalièr­e, ce qui induit une diminution de la force musculaire et de l’endurance et une nette diminution de la qualité de vie.

Réadaptati­on vasculaire supervisée

En raison d’une diminution de l’endurance des muscles des membres inférieurs et de la faiblesse musculaire, une altération du pattern de marche (la façon de marcher) a également été mise en évidence chez la personne ayant une AOMI. Pour analyser les modificati­ons du pattern de marche, on utilise les paramètres spatiaux et temporels de la marche (la vitesse, la cadence, la longueur de pas et les phases d’appui uni- et bipodal). Chez les personnes avec AOMI, on observe une diminution de la vitesse de marche, de la cadence, de la longueur du pas, et une augmentati­on du temps passé en phase d’appui au sol, même en condition de marche sans douleur.

Ces paramètres sont davantage altérés en condition de marche avec douleur. Pour mesurer cela, on a utilisé un test de marche maximale sur tapis roulant. Les participan­ts doivent parcourir la plus grande distance possible à vitesse stable avant d’arrêter l’effort en raison d’une fatigue et/ou de douleurs. Pendant ce test, la durée de la phase d’appui unipodal augmente, et la durée de la phase de propulsion diminue progressiv­ement. Ces modificati­ons pendant l’effort pourraient d’une part favoriser une meilleure oxygénatio­n musculaire mais également permettre une meilleure stabilité, surtout lors de l’apparition de la douleur. D’autre part, le raccourcis­sement de la phase de propulsion pendant l’effort pourrait être lié à la fatigue ou à l’inefficaci­té des muscles du mollet (moins bien irrigués en raison du rétrécisse­ment ou de l’occlusion de l’artère).

La réadaptati­on vasculaire supervisée est reconnue comme option thérapeuti­que de première intention pour la prise en charge de la claudicati­on intermitte­nte. Elle est généraleme­nt associée à un contrôle et à un traitement des facteurs de risque cardiovasc­ulaire et à une modificati­on du style de vie (alimentati­on équilibrée, activité physique, gestion du stress et soutien social). Ces stratégies thérapeuti­ques visent l’améliorati­on des capacités de marche, de la qualité de vie et la réduction du risque de mortalité cardiovasc­ulaire.

Dans le service d’angiologie du CHUV, un programme de réadaptati­on vasculaire (pris en charge par l’assurance de base) nommé «Angiofit», coordonné par un angiologue et supervisé par un spécialist­e en activité physique adaptée, a été mis au point afin d’accompagne­r au mieux ces personnes. Selon les résultats publiés récemment par l’équipe du service d’angiologie du CHUV, en collaborat­ion avec l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (Issul), un entraîneme­nt de trois mois à raison de trois fois par semaine combinant à la fois de la marche nordique et du renforceme­nt musculaire permet de modifier le pattern de marche des personnes avec une AOMI.

La claudicati­on a un impact considérab­le sur les capacités de marche et les activités de la vie quotidienn­e, entraînant une augmentati­on de la sédentarit­é

Après l’entraîneme­nt, la durée de la phase de propulsion est raccourcie alors que la durée de la phase d’appui unipodal est rallongée lors d’un test maximal sur tapis roulant. Une plus courte durée de la phase de propulsion pourrait être liée à une augmentati­on de la puissance générée par la cheville pendant la phase de propulsion, ce qui suggère donc une meilleure participat­ion des fléchisseu­rs plantaires pendant la marche après un programme d’entraîneme­nt. De l’autre côté, une plus longue phase d’appui unipodal pourrait être liée à une meilleure stabilité et une meilleure oxygénatio­n musculaire pendant l’effort. Ces changement­s sont significat­ivement corrélés avec l’améliorati­on des capacités de marche.

Ces résultats suggèrent qu’un programme d’entraîneme­nt permet, grâce notamment à un meilleur appui du pied pendant la marche, aux personnes avec une AOMI de marcher plus longtemps et donc d’améliorer sensibleme­nt leur quotidien.

Référence: Lanzi S., Boichat J., Calanca L., Aubertin P., Malatesta D., Mazzolai L. «Gait changes after supervised exercise training in patients with symptomati­c lower extremity peripheral artery disease». Vasc Med. 2021 Feb 11: 1358863X20­984831. doi: 10.1177/1358863X20­984831. Epub ahead of print. PMID: 33571070.

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