Un entraînement contre l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs
L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) est une maladie chronique qui concerne environ 20% de la population des plus de 65 ans. Elle se caractérise par le rétrécissement ou l’occlusion d’une ou plusieurs artères des membres inférieurs, ce qui provoque une mauvaise irrigation des tissus. Sa cause la plus fréquente est l’athérosclérose, un dépôt de graisses sur la paroi interne des artères. Les facteurs de risque sont essentiellement le tabac, l’obésité, le diabète, l’hypertension et l’hypercholestérolémie (trop de graisses dans le sang).
Un des symptômes caractéristiques de l’AOMI est la claudication intermittente. Il s’agit d’une douleur musculaire qui survient pendant l’exercice et disparaît avec quelques minutes de repos. Elle se manifeste principalement au mollet, pouvant toutefois survenir aussi au niveau de la fesse, de la cuisse ou du pied. La claudication a un impact considérable sur les capacités de marche et les activités de la vie quotidienne, entraînant une augmentation de la sédentarité, de l’inactivité physique journalière, ce qui induit une diminution de la force musculaire et de l’endurance et une nette diminution de la qualité de vie.
Réadaptation vasculaire supervisée
En raison d’une diminution de l’endurance des muscles des membres inférieurs et de la faiblesse musculaire, une altération du pattern de marche (la façon de marcher) a également été mise en évidence chez la personne ayant une AOMI. Pour analyser les modifications du pattern de marche, on utilise les paramètres spatiaux et temporels de la marche (la vitesse, la cadence, la longueur de pas et les phases d’appui uni- et bipodal). Chez les personnes avec AOMI, on observe une diminution de la vitesse de marche, de la cadence, de la longueur du pas, et une augmentation du temps passé en phase d’appui au sol, même en condition de marche sans douleur.
Ces paramètres sont davantage altérés en condition de marche avec douleur. Pour mesurer cela, on a utilisé un test de marche maximale sur tapis roulant. Les participants doivent parcourir la plus grande distance possible à vitesse stable avant d’arrêter l’effort en raison d’une fatigue et/ou de douleurs. Pendant ce test, la durée de la phase d’appui unipodal augmente, et la durée de la phase de propulsion diminue progressivement. Ces modifications pendant l’effort pourraient d’une part favoriser une meilleure oxygénation musculaire mais également permettre une meilleure stabilité, surtout lors de l’apparition de la douleur. D’autre part, le raccourcissement de la phase de propulsion pendant l’effort pourrait être lié à la fatigue ou à l’inefficacité des muscles du mollet (moins bien irrigués en raison du rétrécissement ou de l’occlusion de l’artère).
La réadaptation vasculaire supervisée est reconnue comme option thérapeutique de première intention pour la prise en charge de la claudication intermittente. Elle est généralement associée à un contrôle et à un traitement des facteurs de risque cardiovasculaire et à une modification du style de vie (alimentation équilibrée, activité physique, gestion du stress et soutien social). Ces stratégies thérapeutiques visent l’amélioration des capacités de marche, de la qualité de vie et la réduction du risque de mortalité cardiovasculaire.
Dans le service d’angiologie du CHUV, un programme de réadaptation vasculaire (pris en charge par l’assurance de base) nommé «Angiofit», coordonné par un angiologue et supervisé par un spécialiste en activité physique adaptée, a été mis au point afin d’accompagner au mieux ces personnes. Selon les résultats publiés récemment par l’équipe du service d’angiologie du CHUV, en collaboration avec l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (Issul), un entraînement de trois mois à raison de trois fois par semaine combinant à la fois de la marche nordique et du renforcement musculaire permet de modifier le pattern de marche des personnes avec une AOMI.
La claudication a un impact considérable sur les capacités de marche et les activités de la vie quotidienne, entraînant une augmentation de la sédentarité
Après l’entraînement, la durée de la phase de propulsion est raccourcie alors que la durée de la phase d’appui unipodal est rallongée lors d’un test maximal sur tapis roulant. Une plus courte durée de la phase de propulsion pourrait être liée à une augmentation de la puissance générée par la cheville pendant la phase de propulsion, ce qui suggère donc une meilleure participation des fléchisseurs plantaires pendant la marche après un programme d’entraînement. De l’autre côté, une plus longue phase d’appui unipodal pourrait être liée à une meilleure stabilité et une meilleure oxygénation musculaire pendant l’effort. Ces changements sont significativement corrélés avec l’amélioration des capacités de marche.
Ces résultats suggèrent qu’un programme d’entraînement permet, grâce notamment à un meilleur appui du pied pendant la marche, aux personnes avec une AOMI de marcher plus longtemps et donc d’améliorer sensiblement leur quotidien.
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Référence: Lanzi S., Boichat J., Calanca L., Aubertin P., Malatesta D., Mazzolai L. «Gait changes after supervised exercise training in patients with symptomatic lower extremity peripheral artery disease». Vasc Med. 2021 Feb 11: 1358863X20984831. doi: 10.1177/1358863X20984831. Epub ahead of print. PMID: 33571070.