Le dérèglement climatique s’impose dans la course à la Chancellerie
POLITIQUE En 2002, une crue dévastatrice avait permis à Gerhard Schröder de se distinguer en pleine campagne électorale. Mais la catastrophe naturelle que subit aujourd’hui l’Allemagne semble plutôt desservir Armin Laschet, candidat conservateur à la succession d’Angela Merkel
Alors que les recherches se poursuivent pour retrouver plus de 1300 personnes dont on est toujours sans nouvelles dans l’ouest de l’Allemagne et à deux mois seulement des élections législatives qui verront un candidat ou une candidate succéder à Angela Merkel, impossible de ne pas se rappeler les circonstances tristement similaires il y a près de vingt ans.
En 2002, les intempéries avaient déjà joué un rôle considérable en pleine campagne électorale pour le chancelier d’alors, Gerhard Schröder. A l’époque, le fleuve Elbe était sorti de son cours avec une crue atteignant presque 9 mètres de haut, dévastant tout sur son passage. Près de 33000 personnes avaient dû être évacuées de la ville de Dresde, et il avait fallu des années pour réparer les dégâts occasionnés. Schröder, qui n’avait pas franchement convaincu les Allemands après un premier mandat au bilan peu reluisant et une Allemagne économiquement morose, avait alors saisi l’occasion de se révéler «Krisenkanzler», «chancelier de crise», capable d’affirmer son leadership armé de ses bottes en caoutchouc dans les régions sinistrées. Deux décennies plus tard, Armin Laschet, qui est non seulement candidat conservateur à la succession d’Angela Merkel mais aussi, et peut-être surtout, ministre-président d’une des régions les plus durement touchées par les pluies torrentielles de ces derniers jours, ne semble pas bénéficier pour l’instant du même engouement de la population.
Armin Laschet sur les lieux sinistrés
Et pour cause, s’il s’est lui aussi rendu sur les lieux sinistrés, comme jeudi dans la ville de Hagen, très durement touchée par les intempéries, en y déclarant «Nous serons de plus en plus souvent confrontés à de tels événements, et il faudra accélérer le tempo pour protéger le climat», Armin Laschet ne peut pas vraiment se targuer d’avoir jusqu’à présent été le champion de la lutte contre le réchauffement climatique. En tant que président de région, il doit plutôt un bon bilan carbone aux politiques mises en place par les législatures précédentes, et notamment celles de la social-démocrate Hannelore Kraft, qui avait envisagé et planifié la sortie du charbon ainsi que l’augmentation progressive des énergies propres dans la région.
De son côté, depuis sa prise de fonction en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Armin Laschet a tout fait pour que certaines mines de charbon de la région ne ferment qu’à la date butoir de 2038 et a implémenté des mesures rendant très difficile la construction de nouvelles éoliennes et la rénovation des parcs éoliens existants. Il y a un an, il lançait au journal hebdomadaire Wirtschafswoche qu’il comptait «gouverner au niveau fédéral comme il l’a fait au niveau régional».
Interpellé sur ses positions environnementales
C’est donc naturellement que dès hier, la presse allemande a demandé au président de région Laschet de répondre de sa politique environnementale. Piqué au vif, sur une télévision régionale, l’intéressé a peiné à cacher son agacement, en assurant qu’«après une telle journée l’heure n’était pas à changer de politique» et en se montrant extrêmement méprisant à l’adresse de la présentatrice à coups de «peutêtre avez-vous entendu parler de la sortie du charbon» et autres «jeune demoiselle, je m’étonne que vous souhaitiez ouvrir un débat politique». Une attitude qui est très mal passée auprès d’une population meurtrie: la vidéo de l’échange a fait mouche sur les réseaux sociaux allemands, beaucoup reprochant à l’aspirant chancelier de se dédouaner de ses responsabilités et d’éviter d’évoquer son bilan environnemental.
De là à miser sur une défaite de la CDU, le parti d’Armin Laschet, dans deux mois aux élections législatives, il est trop tôt pour le dire: avant les intempéries, les sondages montraient les conservateurs en tête avec environ 30% des intentions de vote, après une percée des Verts au moment de la nomination d’Annalena Baerbock, enthousiasme largement refroidi à la suite de révélations de plagiat dans le livre de la candidate verte et d’«erreurs» dans son CV. Reste que l’effroyable bilan humain et matériel des intempéries a remis la lutte contre le réchauffement climatique au premier plan sur l’échiquier politique. ■