Les intempéries mettent-elles en danger les centrales nucléaires?
A l’exception de Leibstadt, toutes les centrales nucléaires suisses se trouvent sur les bords de l’Aar, susceptible de déborder en cas de fortes intempéries. Les marges de sécurité semblent cependant suffisantes
A l’exception de Leibstadt (AG), située à 22 mètres au-dessus du niveau normal du Rhin, toutes les centrales nucléaires helvétiques se trouvent sur les berges de l’Aar, dont le bassin versant représente 43% du territoire national. A l’arrêt depuis décembre 2019, celle de Mühleberg, en aval de Berne, est en cours de désaffectation. Celle de Gösgen (SO) jouxte la ville d’Olten. Et les deux réacteurs de Beznau (AG) occupent une île entourée par deux bras de la rivière, juste en aval du confluent de l’Aar, de la Reuss et de la Limmat.
En cas de fortes intempéries, l’Aar peut sortir de son lit. C’est pourquoi ils font l’objet d’une surveillance particulière, surtout depuis la catastrophe de Fukushima en 2011. En 2012, le conseiller national Max Chopard (PS/AG) s’était inquiété de la capacité de l’île à résister aux crues, surtout en cas de charriage de débris flottants et d’alluvions. Sa question portait notamment sur la présence d’un pont juste en amont.
Hauteurs d’inondation «maîtrisées»
La ministre de l’Energie et de l’Environnement de l’époque, Doris Leuthard, lui avait répondu que l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN) avait vérifié, après Fukushima, la capacité des sites suisses à faire face à une catastrophe dont le risque de survenance était d’une fois tous les 10000 ans. Elle assurait que tel était le cas. Les autorités fédérales ont néanmoins demandé que les aléas de crues soient réestimés. En 2013, l’IFSN et plusieurs offices fédéraux (environnement, énergie, protection de la population, Météosuisse, recherches sur la forêt, la neige et le paysage) ont lancé un programme d’évaluation des dangers d’inondation aux abords des centrales nucléaires.
Intitulée «Crues extrêmes de l’Aar», l’étude a recalculé les dangers pour Mühleberg, Gösgen, Beznau, l’Institut Paul-Scherrer, le centre de stockage de déchets radioactifs Zwilag ainsi que la ville d’Olten, «carrefour d’importantes infrastructures de transport». Le rapport a été publié en février 2021. Sa principale conclusion: «Les hauteurs d’inondation indiquées pour un événement se produisant une fois tous les 10000 ans sont maîtrisées grâce aux marges de sécurité existantes des installations nucléaires sur l’Aar.»
Le plus vieux réacteur en activité
Le site de Beznau devrait rester sec en cas de crue dont la probabilité est d’une fois tous les 1000 ans, mais il serait recouvert de 38 centimètres d’eau en cas de gonflement plus grave des eaux tel qu’il pourrait se produire une fois tous les 10000 ans, cela à cause du charriage de débris flottants et de glissements de terrain.
Dans une précédente analyse, le groupe Axpo, propriétaire du lieu, avait établi que l’accumulation de boue, de sable, de pierres, d’éboulis et de bois pouvait occasionner un niveau d’inondation inférieur à 1,65 mètre. Or, les mesures prises après l’accident de Fukushima avaient porté la marge de sécurité autour des deux réacteurs à 5,15 mètres. Elle semble suffisante. Malgré cela, les exploitants ont été priés de revoir leurs analyses de sécurité. De leur côté, les milieux antinucléaires réclament régulièrement la mise à l’arrêt du réacteur I de Beznau, le plus vieux au monde encore en activité.
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