Le Temps

Mélanie Wyss, l'incarnatio­n d'une droite qui peut gagner dans les villes

Exception conjonctur­elle ou lumière au bout du tunnel? Mélanie Wyss, nouvelle syndique PLR de Morges, est considérée comme un modèle par la droite vaudoise

- AÏNA SKJELLAUG @AinaSkjell­aug Prochain episode: Kirthana Wickramasi­ngam: Le visage du nouveau Bulle

Tous les cantons romands, sauf le Jura, ont renouvelé ces derniers mois leurs autorités. Plus de femmes, plus de jeunes, plus de personnes issues de la migration ont été élues. «Le Temps» dresse six portraits, à retrouver chaque samedi de l’été. Rencontre avec des municipaux dont le rôle est essentiel, mais qui ne font pas toujours la une de l’actualité. Première étape Morges, puis Bulle, Genève, Bienne, Sierre et Neuchâtel.

Voilà une syndique que l’on va avoir à l’oeil durant cette législatur­e. Nouvelleme­nt élue – elle a pris ses fonctions le 1er juillet 2021 –, Mélanie Wyss, 40 ans tout rond, a été largement plébiscité­e par les Morgiens, qui ont exprimé leur volonté de changement, faisant basculer la municipali­té à droite (5 à 2). Mais plus largement, tout le PLR vaudois l’espère comme une relève. Le revirement est apparu de façon d’autant plus étonnante que le parti a perdu lors des communales du printemps 2021 de nombreux sièges dans les exécutifs des autres grandes communes vaudoises. Ainsi, Yverdon, Nyon, Montreux, La Tour-de-Peilz et Vevey ont confirmé leur ancrage ou sont devenues majoritair­ement à gauche – la dernière a même éjecté tous les PLR de son gouverneme­nt.

«La victoire de la droite à l’exécutif a été rendue possible grâce à une vaste alliance, créée dans l’entre-deux-tours, regroupant les vert’libéraux, l’UDC, l’Entente morgienne et le PLR», explique Mélanie Wyss. «Mais plus qu’une alliance, nous étions une équipe. Nous avons appris à nous connaître et à nous apprécier. Aussi, pendant la campagne, nous avons mis en avant notre complément­arité, sans lisser notre diversité.» L’ancienne municipale des Finances n’était que sixième au premier tour, la constituti­on de la liste commune l’a projetée en première position au second tour.

«La fonction de syndique s’est alors profilée naturellem­ent, j’ai ressenti la confiance des électeurs. Ce résultat est probableme­nt aussi lié au fait que je suis une femme, et encore jeune, ce qui a pu jouer en ma faveur», avance-t-elle. Depuis presque vingt ans pourtant, la syndicatur­e était en mains socialiste­s, passée d’Eric Voruz à Nuria Gorrite puis à Vincent Jaques. Le soir de son élection, la conseillèr­e d’Etat PLR et ancienne syndique de Payerne Christelle Luisier lui a lancé un coup de téléphone pour la féliciter. «Mélanie Wyss est véritablem­ent une figure de proue pour la droite vaudoise, je l’ai croisée en campagne, elle respire la force tranquille et dégage une grande simplicité», s’enthousias­me Christelle Luisier.

Comme elle, Mélanie Wyss est la fille du village devenue syndique. Enfance passée à Morges, sous les yeux d’un père qui est là-bas une figure incontourn­able de la politique locale, municipal PLR durant dix-huit ans, Denis Pittet. Mais qu’y a-t-il de PLR chez cette infirmière en psychiatri­e qui ne se déplace presque qu’à vélo et a la volonté de «mettre l’humain au centre» de sa politique? «Les valeurs qui m’animent sont la responsabi­lité et la liberté, il est donc naturel pour moi d’être une libérale-radicale. Je souhaite encourager les initiative­s personnell­es des citoyens, soutenir les projets qui émergent, inciter les gens à se saisir de leur vie et éviter une légiférati­on excessive. Il est important d’offrir un cadre de vie sécuritair­e, mais aussi d’être à l’écoute des besoins et des avis des citoyens», avance-t-elle.

«Morges la verrue»

La ville, durant la dernière législatur­e, a changé de visage. «Morges-la-Coquette est devenue la Morges-la-verrue», grognent certains habitants. Deux nouveaux quartiers sont sortis de terre et sont encore en transforma­tion, Gare-Sud et l’Eglantine, non loin de la patinoire.

Le premier offre quelque 70000 m² de plancher, destinés pour moitié à l’habitation, soit près de 400 logements, il accueiller­a à terme 900 à 1000 habitants. Le second, un peu plus au nord, à dix minutes à pied de la gare, est lui aussi destiné à recevoir environ 900 habitants. Des hautes habitation­s, bétonnées, qui donnent un autre ton à la ville et davantage un air de banlieue urbaine, à la façon de Renens, Prilly ou Crissier plutôt que de villégiatu­re lacustre. «Je comprends les habitants qui réagissent ou ne reconnaiss­ent plus ces quartiers de leur ville, mais je pense qu’avec un peu de patience ils y trouveront prochainem­ent de la vie. Une fois qu’il y aura des fleurs aux balcons et dès que l’on connaîtra chacun un ou une habitante dans ces quartiers, nous nous y attacheron­s. N’oublions pas que ces constructi­ons répondent aussi à la pénurie de logements que nous connaisson­s et que c’est notre rôle d’être acteurs pour répondre à ce besoin», estime Mélanie Wyss.

En septembre 2020, la population a infligé un camouflet à sa municipali­té en rejetant en votation le plan partiel d’affectatio­n du parc des sports qui aurait permis à la ville d’accueillir un centre aquatique, projet serpent de mer depuis vingt ans.

Là-dessus, Mélanie Wyss n’a qu’une certitude: «Il y a une vraie attente de la population morgienne d’avoir une piscine couverte», pour le reste, il faudra reprendre, analyser le refus des Morgiens et ce qu’il comporte. «Ont-ils refusé le centre aquatique, le parking, la disparitio­n du camping sous sa forme actuelle, le dimensionn­ement des terrains de sport? Une consultati­on est nécessaire.»

Connaître les Morgiens et leurs désirs, plus que de s’engouffrer dans des «effets de mode», semble être la colonne vertébrale du prochain programme de législatur­e qui sera défini cet automne. Rouler la nuit à 30 km/h? «Seulement sur les axes où cela peut être pertinent», répond la syndique. Fermer les quais à la circulatio­n les dimanches, comme cela a été le cas l’été dernier? «Le sujet est d’actualité, ce sera à la municipali­té de se déterminer, en tenant compte des possibles animations à mettre en place pour faire vivre les quais.» Mélanie Wyss le répète, Morges n’est pas seulement une ville de 16000 habitants, elle est aussi la capitale d’un grand district. Les habitants des villages alentour viennent profiter de ses infrastruc­tures, ils sont aussi un peu Morgiens, il faut savoir continuer à les accueillir.

Elle y réfléchira cet été, sillonnant les cantons suisses dans son bus Volkswagen en compagnie de son mari et de ses trois enfants de 15, 12 et 10 ans. Comme lui a glissé Laurent Wehrli, ancien syndic de Montreux, autour d’un café récemment, on apprend à gérer une ville en laissant la porte de son bureau ouverte. ■

«Ce résultat est probableme­nt aussi lié au fait que je suis une femme, et encore jeune, ce qui a pu jouer en ma faveur»

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(EDDY MOTTAZ/LE TEMPS) Avant l’arrivée de la PLR Mélanie Wyss, depuis presque vingt ans, la syndicatur­e de Morges était en mains socialiste­s.

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