A propos de la mort de Kazem Radjavi
Bien que nos opinions ne fussent pas toujours les mêmes, j’étais un ami de Kazem Radjavi sur qui «Le Temps» du 13 juillet, dans le cadre des débats conduits par Alain Werner, revient sous le titre «A Coppet, un crime contre l’humanité». Nous avions fait nos études ensemble à l’Institut de hautes études internationales (HEI) à Genève et, président de l’association des anciens, j’avais pris Kazem dans mon comité et dans le groupe qui publiait chaque année une palette de contributions sur l’Institut et la politique internationale.
Trois points de l’article mentionné ci-dessus, de MM. Jakob et de Dardel, méritent quelques éclaircissements.
Kazem Radjavi était fondamentalement opposé au Shah et son régime: lorsque celui-ci s’écroula, en 1979, il fut nommé par le nouveau régime en place à Téhéran sous l’égide de l’ayatollah Khomeiny, qui avait quitté son refuge français de Neauphlele-Château, en tant que représentant permanent de l’Iran à Genève. Il y fut un serviteur fidèle, y compris publiquement. Il s’en détache plus tard, avant d’être nommé ambassadeur au Sénégal. Nouveau départ devant la tournure excessive que prenait la République des mollahs, cette fois-ci pour rejoindre l’opposition menée de Paris par son frère Massoud. C’est ainsi, au terme de cet itinéraire en dents de scie, qu’il devint aux yeux de Téhéran et de Khomeiny, un homme à abattre et qu’il fut assassiné en rentrant chez lui, à Coppet, en 1990.
MM. Jakob et de Dardel dénoncent «Le parquet vaudois qui, après trente ans, veut baisser les bras» dans l’instruction de cet assassinat. Cette critique me parait infondée. Leur méfait accompli, les assassins ont immédiatement franchi la toute proche frontière française et, de Paris, ont pris le premier vol vers Téhéran où il était évidemment impossible de les rechercher. La France, soucieuse alors de ses relations avec l’Iran, a-t-elle été alertée et – ou – n’a-t-elle pas laissé filer les assassins?
Ce meurtre, «commis dans le cadre d’une attaque systématique contre des civils (en l’occurrence les opposants aux mollahs), constitue-t-il un crime contre l’humanité ou un génocide» selon ce qu’affirment MM. Jakob et de Dardel? Je pense qu’il faut être prudent avant de manier ces concepts qui tendent à justifier une action judiciaire internationale, mais qui risquent, en les utilisant à l’excès, de les banaliser. ▅