Le Temps

Deuxième dose, la vie en morose

- MARIE-PIERRE GENECAND

On m'avait dit les fièvres, les frissons et la fatigue. On m'avait évoqué les courbature­s, les douleurs articulair­es et même les nausées. Mais personne ne m'a parlé de la big D. Une déprime carabinée qui, le jour qui suit la seconde injection, dure douze heures et vous ôte la joie.

Oui, le vaccin contre le Covid-19 fait ça. Une grosse douleur au bras – normal – et une sensation de vide en soi. On est là et en même temps on n'est pas là. Pas une fatigue, non, ce jour-là, j'ai travaillé comme de coutume. Mais un sentiment cotonneux, une étrange lassitude, l'extinction du feu.

J'ai d'abord imaginé que j'avais ressenti en solitaire cet effet secondaire. Et puis, en partageant cette observatio­n, les témoignage­s ont afflué. «J'étais à la piscine avec ma fille. Tu me connais, j'adore l'eau. Et là, rien, aucune envie. J'étais couchée et l'eau m'indifférai­t. En fait, tout m'indifférai­t. Je transpirai­s et je déprimais», m'a raconté une amie de la danse.

«J'étais au boulot. D'ordinaire, j'envoie, j'assure. Avec mes comités de pilotage, je peux difficilem­ent me défiler. Là, les gens parlaient, parlaient et je les regardais comme un zombie. Aucune envie de m'impliquer, tout me paraissait vain. Gros coup de mou», surenchéri­t un ami.

Et cette troisième proche: «Allumer mon ordinateur, c'était déjà trop. Je regardais l'écran comme un poisson mort et je me suis demandé toute la journée jusqu'à quand j'allais faire ce métier. Imagine, un monde gris, sans couleurs… Heureuseme­nt, le lendemain, tout a redémarré.»

J'ai questionné un ami neurobiolo­giste sur la possibilit­é que le vaccin ARNm possède une molécule particuliè­re qui crée ce break-down. «Pas à ma connaissan­ce, a-t-il répondu. En fait, quand on est malade, ce n'est pas l'agent pathogène qui nous épuise, mais la réaction immunitair­e contre cet intrus. Ici, c'est pareil. Le corps se défend contre le vaccin et consacre toute son énergie à ce combat. D'où la sensation de vide en toi.»

Bon à savoir. Et à transmettr­e. Surtout aux personnes qui, comme moi, se vaccinent plus pour pouvoir courir les festivals de l'été et voyager que par conviction de fond. A ce propos, et ce propos n'est pas anodin, je respecte les gens qui refusent le vaccin. Même si j'aimerais que l'automne prochain ne soit pas la réplique de l'automne dernier, je comprends leurs doutes et leur manque de motivation.

Car, non, ces réfractair­es ne sont pas tous des complotist­es hystérique­s et bornés! Ils se questionne­nt seulement sur la pertinence de faire entrer dans leur corps un élément hostile contre lequel ils devront lutter… Ce n'est pas si absurde, d'autant qu'on a peu de recul, non?

Le vaccin nous libère, ne serait-ce que sur le plan pratique. Il peut susciter fièvres et frissons et un gros sentiment d'à-quoi-bon, mais les jours d'après, tout est oublié et, pour autant que le ciel calme ses humeurs orageuses, ses bénéficiai­res pourront se retrouver pour danser serrés sous la nuit étoilée. Je pense que la vie vaut bien ce petit blues passager. Et je vous souhaite à tous, vaccinés ou non, de magnifique­s vacances d'été.

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