Le Temps

«MES LIVRES DE VACANCES»

- Philippe Djian PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN BURRI

Des écrivains partagent trois livres qu’ils ont envie de lire pendant la pause estivale. Cette semaine:

JEROME DAVID SALINGER, «L’ATTRAPE-COEURS», (ROBERT LAFFONT, PAVILLON POCHE)

J’y reviens toujours. En me plongeant dans Salinger, je me suis aperçu que lire était quelque chose d’important. J’ai un mal fou à vous citer un passage en particulie­r: c’est l’ensemble qui compte. Je continue d’être touché par ce narrateur qui me raconte sa peur de traverser la rue. C’est incroyable­ment bien écrit et très humain. J’étais à la fac, en Lettres, lorsque je l’ai découvert. J’étais souvent en contact avec des livres, et pourtant, jusqu’à L’Attrape-coeurs, je n’avais pas compris ce que c’était, ce que cela pouvait vous faire, ce que cela pouvait ouvrir comme horizon. A la fac, on avait des lectures classiques, presque réservées à des gens qui étudiaient la littératur­e. Salinger m’a appris qu’un roman s’adresse à n’importe qui. C’est lui qui m’a amené à lire vraiment, pour le plaisir.

PHILIP ROTH, «PATRIMOINE», (FOLIO)

Je le relis en ce moment, c’est génial. J’aime tous les romans de Roth. Je l’ai découvert jeune également, Goodby, Columbus a été une révélation et un choc. Avec Patrimoine, il est au sommet de son écriture. Il fait partie des romanciers dont vous lisez l’oeuvre entière, pas juste un titre. Sinon, cela ne veut pas dire grand-chose. C’est un univers qui se tient, sur la durée. Je suis fasciné, émerveillé et ému par ce qu’il a écrit, comme je le suis des oeuvres de Raymond Carver.

ROBERT LOUIS STEVENSON, «L’ÎLE AU TRÉSOR», (FOLIO)

Il faut le relire aujourd’hui, il nous apporte toujours quelque chose. C’est une très belle lecture, «légère» parce qu’on y retrouve son enfance, et en même temps c’est un superbe travail d’écrivain. C’est intéressan­t de voir comment la narration est construite. A l’époque où Balzac et les romanciers français étaient en plein réalisme, Stevenson discutait avec Conrad de la question du point de vue et du suspense… Les romanciers français se moquaient de lui. Un ouvrage destiné aux enfants, cela ne pouvait pas être de la littératur­e sérieuse. C’est, au contraire, hyper-sérieux, par rapport à ce que les Français publiaient à la même époque. ■

Philippe Djian est l’auteur de «37°2 le matin», de «Vers chez les blancs» ou de «Oh…» Parolier pour Stephan Eicher, il est l’un des romanciers français contempora­ins les plus lus et les plus adaptés au cinéma. «Double Nelson» paraîtra le 25 août prochain chez Flammarion.

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