Arc-en-ciel et multiparentale
Michelle, Céline, José et Scott se sont rencontrés sur internet pour créer une famille. Ensemble ils ont mis au monde Keano en 2019
Un enfant, quatre parents, deux maisons, ou l’histoire de Michelle, Céline, José et Scott, qui se sont rencontrés sur internet pour créer une famille. Rencontre.
Les lundi et mardi, Keano, bientôt deux ans, les passe chez ses mamans: Céline, 35 ans, enseignante et Michelle, 38 ans, dentiste, qui vivent en partenariat enregistré à Flims, dans les Grisons. Le mercredi matin, il va à la crèche, à Coire. Le soir, elles l'emmènent à Zurich où il vit les jeudi et vendredi puis un week-end sur deux chez ses papa, Scott, 41 ans, médecin, et José, 43 ans, actif dans les assurances. Le couple d'hommes habite à Zollikon, sur la Goldküste zurichoise. Ce modèle, ils l'ont défini à quatre.
«Lorsqu'on décide de créer une famille avec des inconnus, on va droit au but. On a développé une forte amitié avec les mamans, mais ce n'était pas forcément le but initial. Notre objectif est d'élever un enfant ensemble», explique José, tandis que Keano tente d'attraper son téléphone, en vain. C'est l'une des règles établies par les quatre parents «éviter les écrans, dans la mesure du possible».
Education, santé, finances, soins, changement relationnel au sein des couples ou encore style de parentalité: ils ont consigné les aspects essentiels de leur future vie familiale dans un manuel, rédigé avant même la conception de Keano. Ce document n'a pas de valeur légale. La maman et le papa biologiques sont les seuls détenteurs officiels de l'autorité parentale. Aussi, le modèle conçu par Michelle, José et leurs partenaires repose sur la confiance et leur charte familiale sert avant tout à «prévenir les conflits et malentendus» susceptibles de survenir sur le chemin de la parentalité à quatre.
Les deux couples se sont rencontrés en 2017 sur un site dédié à la co-parentalité. Scott et José ont immédiatement souligné qu'ils souhaitent partager les rôles de parents à égalité. Michelle et Céline cherchaient de leur côté un papa, ou deux, pas seulement un donneur de sperme. Ils prennent plusieurs mois pour faire connaissance et définir leur idée de la famille, avant de concevoir Keano. Après quatre ou cinq essais d'insémination artificielle à la maison, dans lesquels les couples alternent donneurs et receveuses, Michelle tombe enceinte, fin 2018.
Des décisions à quatre
A quatre, le temps à disposition de chaque couple se trouve décuplé. Michelle a ouvert son cabinet de dentiste l'an dernier. Céline s'est lancée dans un master. Scott a commencé un nouveau travail à l'hôpital de Zollikon. «La semaine suivant la naissance de Keano, j'ai rapidement dormi des nuits entières, lorsqu'il était chez ses papa. J'ai recommencé à travailler peu à peu dès la troisième semaine. Et, avec Céline, nous n'avons jamais cessé les dîners en tête à tête. C'est un luxe», estime Michelle.
Prendre les décisions à quatre permet de désamorcer certains sujets qui peuvent devenir émotionnels au sein d'un couple. «On partage le temps de notre enfant, on fait des concessions. Mais en même temps, on répartit aussi le poids des responsabilités, ça détend», souligne José.
Depuis l'arrivée de Keano, il multiplie les coming-out. «Désormais, une banale conversation mène très vite à évoquer notre configuration familiale, pas traditionnelle». Il ne perçoit pas d'animosité, chez ses interlocuteurs. Tout au plus une gêne. Ou une maladresse, comme lorsqu'on lui demande qui est le «vrai papa». «Cette question peut paraître anodine, mais elle révèle une incompréhension de notre constellation. Chacun d'entre nous est parent de Keano à part entière».
Même si les couples homosexuels ont connu un baby-boom, au cours des dernières années, les familles arc-en-ciel multi-parentales restent minoritaires. «Les droits de la communauté LGBTQ ont progressé. Mais nos familles doivent encore acquérir une légitimité», souligne José. ■
ILS ONT CONSIGNÉ LES ASPECTS ESSENTIELS DE LEUR FUTURE VIE FAMILIALE DANS UN MANUEL