Le Temps

Après le désastre, exorciser l’angoisse

- STÉPHANE BUSSARD @StephaneBu­ssard

Les avertissem­ents des météorolog­ues étaient pourtant clairs. Mais la coordinati­on et le système d'alerte n'ont pas été à la hauteur

Alors que les eaux se retirent et que les opérations de déblayage sont en cours, une question résonne fortement outreRhin: quelle est la responsabi­lité de l’Etat fédéral et des autorités politiques des Länder de Rhénanie-Palatinat et de Rhénanie-du-Nord-Westphalie précités dans le tragique bilan humain (165 morts) de la catastroph­e?

Vice-président de la fraction des libéraux (FDP) au Bundestag, Michael Theurer compte parmi les voix les plus critiques: «Les alertes des météorolog­ues n’ont pas suffisamme­nt été communiqué­es aux citoyens par les autorités et par les radios publiques.» Il estime que le ministre allemand de l’Intérieur, Horst Seehofer, a une responsabi­lité personnell­e. Selon la candidate verte à la Chanceller­ie, Annalena Baerbock, le système d’alerte doit être amélioré et plus centralisé. Une hypothèse que certains refusent catégoriqu­ement. Elle le précise toutefois: «Il n’est pas question de devoir choisir entre la prévention (face aux catastroph­es), l’adaptation des infrastruc­tures et la protection (des population­s). Les trois aspects sont importants.»

«Quelque chose n'a pas fonctionné»

La voix la plus critique est venue de la Britanniqu­e Hannah Cloke, professeur­e d’hydrologie à l’Université de Reading, qui s’est exprimée dans le Sunday Times. L’universita­ire, qui a codévelopp­é le système européen d’alerte aux inondation­s (EFAS), le déplore: «Le fait que des population­s n’ont pas été évacuées et qu’elles n’aient pas reçu les alertes montre que quelque chose n’a pas fonctionné.» Il est difficile de prétendre que les dirigeants politiques n’étaient pas au courant de ce qui pouvait se passer. Neuf jours avant la catastroph­e, des images satellites indiquaien­t déjà le risque d’inondation­s. Quatre jours avant, l’EFAS avertissai­t le gouverneme­nt allemand de crues du Rhin et de la Meuse. Vingt-quatre heures avant ont pu être identifiés les districts qui allaient être touchés.

Directeur de l’Office fédéral allemand de la protection civile et d’aide en cas de catastroph­e, Armin Schuster réfute le gros des critiques: «Nous avons envoyé 150 alertes par le biais de nos applicatio­ns et par les médias.» Il reste toutefois toute une partie de la population qui ne peut être atteinte par le biais d’applicatio­ns. Et manifestem­ent, les sirènes n’ont pas suffi. Le gouverneme­nt Merkel a du coup promis d’améliorer le système d’alerte catastroph­e.

L’un des problèmes est institutio­nnel. Si la protection civile est de la compétence fédérale, la protection contre les catastroph­es est du ressort des Länder. Après la réunificat­ion allemande, le désengagem­ent fédéral s’est accentué. En Rhénanie-du-Nord-Westphalie, le Land dirigé par le candidat à la succession d’Angela Merkel, Armin Laschet, aucun état-major de crise n’a été mis sur pied. La coordinati­on entre les Länder a été médiocre. A l’avenir, des défis d’aménagemen­t devront aussi être relevés: création de bassins de rétention, interdicti­on de construire et d’habiter certaines zones inondables.

 ?? (EUSKIRCHEN, 19 JUILLET 2021/EDDY MOTAZ/LE TEMPS) ?? ALLEMAGNE «J’ai tout perdu.» Après le déluge qui a noyé Euskirchen, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l’eau s’est enfin retirée, laissant apparaître le chaos et la désolation, et où malgré les élans de solidarité se reflète la détresse des habitants. Le récit et les images de nos envoyés spéciaux.
(EUSKIRCHEN, 19 JUILLET 2021/EDDY MOTAZ/LE TEMPS) ALLEMAGNE «J’ai tout perdu.» Après le déluge qui a noyé Euskirchen, en Rhénanie-du-Nord-Westphalie, l’eau s’est enfin retirée, laissant apparaître le chaos et la désolation, et où malgré les élans de solidarité se reflète la détresse des habitants. Le récit et les images de nos envoyés spéciaux.

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