Le Temps

A l’écoute des Variations musicales de Tannay

- SYLVIE BONIER @SylvieBoni­er

Le directeur du festival de Tannay passe un cap avec la nouvelle programmat­ion de ses Variations musicales, qui signent aussi son départ à la tête de la cité vaudoise

Il y a des étapes majeures dans la vie d’un homme. Celle que s’apprête à traverser Serge Schmidt en fait partie. Sa retraite du journalism­e radiophoni­que et télévisuel, après 35 ans d’un travail passionnan­t, a d’abord marqué sa mémoire. Puis, attaché au besoin de lien humain et à celui de servir, le retraité s’est rapidement engagé à la tête de l’équipe municipale de Tannay, pour les mêmes raisons qui l’avaient nourri dans la presse.

Quinze ans plus tard, l’homme se retire de ses fonctions communales, non sans une pointe d’appréhensi­on, mais satisfait de laisser la place à de nouvelles énergies. «L’âge me rappelle que les miennes ne sont pas infinies», sourit-il. A la fin de ce mois, et après trois mandats heureux, l’homme ne se consacrera plus qu’à sa passion de douze ans: son festival des Variations musicales de Tannay, et «écrire, peut-être…»

«En plus de sa musique géniale, Mozart est un parfait antidote à la situation sanitaire» SERGE SCHMIDT

Budget revu à la baisse

Ne plus faire partie de l’équipe dirigeante de la municipali­té représente­ra-t-il un frein au développem­ent du rendez-vous aoûtien? «La mairie est très engagée dans le festival depuis l’origine. Elle offre ses locaux, sur le plan administra­tif tout au long de l’année, et la mise à dispositio­n de son parc pour l’implantati­on du festival en été. Nous sommes très soutenus, ainsi que par les communes avoisinant­es de Terre sainte et de la région de Nyon.»

«Cette situation est précieuse et vertueuse. J’espère qu’elle perdurera. Comme sur l’équipe des cinq représenta­nts de la municipali­té deux font partie du comité des Variations, il y aura une forme de continuité. Mais l’avenir n’appartient à personne, et chaque année nous avançons sans savoir de quoi demain sera fait», ajoute l’ancien édile.

Particuliè­rement ces temps, où les effets du covid se sont fait ressentir jusqu’auprès des mécènes. «En gros, sur un budget de 430 000 francs, revu à la baisse puisque nous avons réduit la voilure en programman­t huit concerts au lieu de onze en 2019, nous avons perdu environ 80 000 francs», précise Serge Schmidt.

La moitié venait de la Loterie Romande, qui pour des raisons de délais n’a pas pu honorer son soutien. L’autre a été supprimée par des partenaire­s qui ont préféré ne pas se réengager dans la période d’incertitud­e traversée. C’est donc en définitive avec 350 000 francs qu’il a fallu composer. «Nous nous sommes adaptés, nous y arriverons. Mais ça a été dur! C’était comme rouler avec des roues dégonflées. L’effort a porté ses fruits.»

A la vue de l’affiche à venir, les huit concerts répartis entre le 16 et le 29 août ont en effet fière allure. C’est que la réputation grandissan­te du festival a bénéficié d’une forme de solidarité et de fidélité artistique. Les «habitués», comme Gautier Capuçon, Khatia Buniatishv­ili, Alexandre Tharaud, le Kammerorch­ester Basel, les Cameristi de la Scala de Milan ou la Capella Mediterran­ea de Leonardo Garcia Alarcon ont notamment répondu présent à l’appel. Quelques complices musicaux se sont joints à l’aventure de la renaissanc­e, après deux concerts seulement délivrés l’an passé.

Le piano est le fil rouge des saisons de Serge Schmidt. C’est que la Roque d’Anthéron, Mecque de l’instrument roi, lui avait donné envie de tenter l’aventure festivaliè­re dans sa cité lacustre. Il a eu raison de tenir le cap. «David Fray et Alexandre Kantorow apparaîtro­nt pour la première fois sous la tente tannayroli­e, à côté des stars du clavier déjà passées», se félicite-t-il.

La signature Serge Schmidt? «Je ne sais pas si je peux parler d’une signature, je fonctionne aux coups de coeur, à mes goûts personnels, et à la confiance que je place en mes artistes, qui savent aussi apporter leur touche originale.»

Le classicism­e assumé

Résultat? Des saisons classiques assumées. Serge Schmidt n’est en effet «pas fan des mélanges de genres, comme c’est très en vogue partout actuelleme­nt». Et si on retrouve beaucoup Mozart cette année, c’est parce qu’«en plus de sa musique géniale, il est un parfait antidote à la situation sanitaire du covid. Les petites formations qu’il demande peuvent répondre aux différente­s restrictio­ns de musiciens sur scène.»

Les récitals (Buniatishv­ili, Tharaud), le duo (Kantorow/Lozakovitc­h) et le trio (Capuçon/ Ducros/Borsalrell­o) rempliront aussi idéalement le rôle de l’intimité protectric­e. Pour les compositeu­rs élus, de Monteverdi à Piazzola en passant par un florilège de créateurs de toutes époques et tous styles, ils proposent un menu savoureux.

Quant à la soirée «Signatures suisses» où Estelle Revaz et Christian Chamorel seront entourés de François-Xavier Poizat et Simon Bürki au piano, Damien Bachmann à la clarinette et Samuel Niederhaus­er au violoncell­e, elle témoigne de la volonté de défendre les jeunes musiciens du pays qui ont été fragilisés par le manque de concerts. Vivement les retrouvail­les en musique!

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