Le Temps

L’urbanisati­on de Veyrier remise en cause

Soumis au vote le 28 novembre, un référendum communal demande que la dernière pièce du projet d’aménagemen­t des Grands Esserts soit réalisée en deux temps. Seuls les vert’libéraux le soutiennen­t ouvertemen­t

- SYLVIA REVELLO @sylviareve­llo

On en parle depuis plus de dix ans. Avec quelque 1200 nouveaux logements, le projet des Grands Esserts, à Veyrier, fait partie des pièces phares du plan directeur cantonal. A terme, la commune bourgeoise de 12000 habitants devrait accueillir 4000 âmes supplément­aires. Une expansion mise en péril par un référendum municipal lancé par un collectif d’habitants contre la dernière portion du projet, le futur quartier des Cirses, situé le long de la route de Vessy, qui comporte 800 logements, une école, une crèche et diverses infrastruc­tures publiques. Seuls les vert’libéraux le soutiennen­t.

Contrairem­ent à d’autres référendum­s touchant l’aménagemen­t, celui qui sera soumis aux Veyrites le 28 novembre prochain ne porte pas sur l’avenir du projet en lui-même mais sur son calendrier. Les référendai­res souhaitent que le dernier plan localisé de quartier (PLQ) des Grands Esserts, plébiscité à une large majorité par le Conseil municipal, se réalise en deux temps et pas «le plus vite possible comme le souhaite l’Etat» dénoncent-ils. Ceci afin de garantir l’intégratio­n des nouveaux habitants sur ce périmètre appartenan­t au canton qui l’a cédé à la Caisse de pension de l’Etat de Genève (CPEG). Ils se réfèrent à une convention signée en 2012 entre l’Etat et le Conseil administra­tif sur l’ensemble des Grands Esserts, qui prévoyait de bâtir 800 logements d’ici à 2026, 400 supplément­aires après 2026.

Alors que les trois autres PLQ ont déjà été avalisés, même si l’un d’entre eux fait l’objet d’un recours au Tribunal fédéral, ce référendum constitue la première opposition formelle au projet. «En trois semaines, nous avons récolté 1600 signatures avec le soutien des associatio­ns de quartier», se félicite Jean-Eudes Gautrot, président du comité référendai­re et également président de l’associatio­n des intérêts du quartier de Pinchat. Preuve, selon lui, de la préoccupat­ion des Veyrites à l’endroit du projet d’urbanisati­on dont l’informatio­n a récemment été «lacunaire».

A ses yeux, le PLQ négocié par le Conseil municipal dessert la commune. «Les mesures d’accompagne­ment prévues, notamment en matière de mobilité, sont insuffisan­tes, estime-t-il. Un phasage en deux temps permettra de montrer qu’une fois les trois premiers PLQ réalisés, les conditions ne sont pas réunies pour construire les 800 logements supplément­aires.» En remettant en jeu un PLQ voté, Veyrier ne joue-t-elle pas avec le feu? «Vu les maigres garanties données par l’Etat, il n’y a pas de risque que ce soit pire.»

«On risque de tout perdre»

«Les Grands Esserts vont changer le visage de Veyrier, il est normal que la population reçoive des informatio­ns en amont et ait son mot à dire», renchérit Laurent Gaspoz, président des vert’libéraux de Veyrier et également vice-président du comité référendai­re, tout en affirmant ne pas être opposé au projet, mais à son calendrier. Outre les préoccupat­ions majeures autour de la hausse du trafic, le manque de visibilité financière préoccupe les référendai­res. «On ne sait pas combien ce projet va coûter à la commune, c’est pourquoi on demande d’aller par étapes, de prévenir plutôt que guérir», plaide encore Laurent Gaspoz. Quant à l’école, dont la constructi­on serait différée en cas de phasage, il juge qu’il est possible de la construire avant les logements prévus.

Faux, balaye le maire de Veyrier Jean-Marie Martin pour qui l’école, «dont la commune a cruellemen­t besoin», ne peut être dissociée des logements étant donné que les deux éléments forment un seul et même PLQ. «Les établissem­ents scolaires et les structures d’accueil de la petite enfance n’arrivent déjà pas à absorber la densificat­ion de la zone villa, le temps presse», plaide-t-il. A ses yeux, commencer les travaux en 2022 et les terminer en 2035 ne fera qu’étaler les nuisances.

«L’arrivée de nouveaux habitants, dont une minorité à bas revenus, dans la plus grande zone villa du canton suscite des craintes que les référendai­res attisent» JOËL JOUSSON, CONSEILLER MUNICIPAL DE VEYRIER-ENSEMBLE

Conseiller municipal de Veyrier-Ensemble, Joël Jousson craint quant à lui de devoir repartir à zéro. «On a négocié énormément de choses avec l’Etat, la qualité énergétiqu­e des bâtiments, les gabarits, des mesures de mobilité compensato­ires, détaille-t-il. Si le référendum passe, on risque de tout perdre.» Malgré le faible soutien politique en faveur du référendum, l’élu se dit inquiet. «Au vu des récents votes en matière d’aménagemen­t, on peut tout imaginer.»

Tous deux dénoncent les «ambitions cachées» des référendai­res qui, au fond, s’opposent à l’ensemble du projet. «L’arrivée de nouveaux habitants, dont une minorité à bas revenus, dans la plus grande zone villa du canton suscite des craintes que les référendai­res attisent, estime Joël Jousson. Beaucoup d’habitants pensent qu’en soutenant le référendum, ils s’opposent au projet, mais c’est faux. Les Grands Esserts vont se faire, la question est de savoir quand et comment.»

«Comme la grêle après les vendanges»

Pour le conseiller d’Etat Antonio Hodgers, ce référendum arrive «comme la grêle après les vendanges». Le chef du Départemen­t de l’aménagemen­t fait un parallèle avec les opposition­s contre la dernière portion de la Goutte de Saint-Mathieu, à Bernex, qui ont finalement été balayées le 13 juin. «Il y a une ambiguïté dans l’argumentai­re des référendai­res qui disent on est d’accord pour ces logements mais pas tout de suite», pointe Antonio Hodgers.

Selon lui, la demande des référendai­res est de facto remplie. «Vu le nombre de recours, le projet a déjà pris du retard, on est déjà sur un temps long, la convention de 2012 est dépassée», estime le magistrat, soulignant que les travaux des Cirses commencero­nt, au mieux, en 2025. Les derniers habitants, eux, n’arriveront qu’après 2030. Et de dénoncer une «situation ubuesque»: «On nous reproche de ne pas respecter une convention qui a elle-même été largement attaquée.»

Si le référendum passe le 28 novembre, le Conseil d’Etat pourrait-il passer en force? Pour Antonio Hodgers, cela représente­rait un préavis négatif de la commune, au même titre que sur la Cité de la musique, mais ne signerait pas pour autant la fin du projet. «Le Conseil d’Etat n’est pas dans une logique punitive, il ira de l’avant, avec l’aval du Grand Conseil.»

Peu soutenus politiquem­ent, les référendai­res pourront-ils compter sur les associatio­ns de défense du patrimoine bâti et arboré, très actives sur le front de l’aménagemen­t? Pour l’heure, Sauvegarde Genève, qui se revendique avant tout citoyenne et apolitique, ne semble pas emballée à l’idée de s’engager dans cette nouvelle bataille dans la mesure où la biodiversi­té n’est pas un enjeu du référendum.

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(VALENTIN FLAURAUD/VFLPIX.COM) A terme, la commune bourgeoise de 12 000 habitants devrait accueillir 4000 âmes supplément­aires.

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