Le Temps

Le Buy Now Pay Later explose dans le secteur de l’e-commerce

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Ce type de paiement différé, qui représente une part croissante du commerce en ligne, est critiqué pour l’absence ou la légèreté des contrôles sur la solvabilit­é des utilisateu­rs. En Suisse, où ces solutions sont arrivées récemment, elles évoluent dans un flou juridique

L’expression «buy now pay later» est entrée dans le langage courant le 1er août dernier pour une histoire à 29 milliards de dollars. C’est le prix qu’a déboursé la société de paiement américaine Square pour acquérir Afterpay, un acteur australien qui permet aux consommate­urs de régler leurs achats en plusieurs fois. Le Buy Now Pay Later (BNPL) – paiement différé en bon français – a bénéficié du boom des achats en ligne pendant la pandémie et permet de stimuler la consommati­on. Avec aussi le risque de pousser au surendette­ment, puisque ce type de service financier n’est généraleme­nt pas soumis aux lois sur le crédit à la consommati­on.

Le secteur du Buy Now Pay Later se trouve en ébullition, comme en témoignent les vertigineu­ses valorisati­ons d’Afterpay ou du suédois Klarna (46 milliards), l’un des leaders de cette activité, qui est présent depuis peu sur le marché suisse. Des géants de la finance traditionn­elle s’y sont mis ou vont le faire, comme American Express, J.P. Morgan, Mastercard ou PayPal. Apple envisagera­it de se lancer également sur ce segment.

Gratuit et accessible: les jeunes adorent

Les offres de Buy Now Pay Later permettent de régler en plusieurs fois des achats portant sur de petits montants, alors que le paiement différé est traditionn­ellement offert pour des achats importants – en milliers de francs – dans le commerce de détail. Surtout, cette forme de crédit peut être gratuite – sans intérêt ni frais – si le client respecte ses échéances de paiement. De quoi gagner des parts de marché face aux cartes de crédit. Enfin, après s’être inscrit en quelques clics auprès d’un fournisseu­r de Buy Now Pay Later, le client peut accéder immédiatem­ent à cette facilité de paiement au moment de régler des achats en ligne, simplement en la sélectionn­ant parmi les solutions de paiement proposées sur le site du vendeur.

Ces raisons expliquent que le Buy Now Pay Later progresse rapidement, notamment auprès des consommate­urs plus jeunes, qui sont aussi les cibles préférées des campagnes de marketing. Ce type de crédit représente près de 1 euro sur 4 dépensés en ligne en Suède, le pays qui le pratique le plus, selon le rapport FIS Global Payments de Worldpay, une société de paiements en ligne britanniqu­e. Début 2021, les volumes financés de cette façon aux Etats-Unis étaient trois fois plus importants qu’en 2020, d’après des données d’Adobe Analytics. Les acteurs du BNPL gagnent de l’argent en prélevant des commission­s auprès des vendeurs (semblables à celles des cartes de crédit) et avec les pénalités facturées aux utilisateu­rs qui ne paient pas dans les temps.

Les commandes passées de cette façon sont également plus importante­s – de l’ordre de +20% – toujours selon cette source. Ce qui peut signifier que la simplicité de ce moyen de paiement favorise les achats impulsifs. Une autre critique concerne l’absence de contrôle sur la solvabilit­é des utilisateu­rs.

Même s’ils diffèrent dans leurs modalités, les différents produits de Buy Now Pay Later échappent «souvent au niveau de surveillan­ce appliqué aux prêts à la consommati­on classique» et semblent même avoir été «spécifique­ment conçus pour cela», relève l’agence de notation Fitch dans un rapport centré sur les Etats-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne.

Remboursé avec d’autres emprunts ou des cartes de crédit

Plus précisémen­t, les acteurs de ce secteur sont souvent tenus d’effectuer des contrôles limités et ne communique­nt pas les sommes empruntées aux organismes censés offrir une vue d’ensemble sur l’endettemen­t d’un individu. Ce dernier pourra donc multiplier les dettes auprès de différents prêteurs, avec un risque de surendette­ment.

En Suisse, la loi sur les crédits à la consommati­on (LCC) ne s’applique pas pour les crédits inférieurs à 500 francs, relève la Fédération romande des consommate­urs, contactée par Le Temps. «Les entreprise­s du Buy Now Pay Later peuvent donc adresser leur offre à des consommatr­ices et des consommate­urs peu solvables. Or, la facture peut être salée: en cas de retard de paiement, les intérêts moratoires sont très élevés (autour de 8%), les frais de rappel également. Il convient donc d’être prudent lorsqu’on utilise ce type de paiement», précise encore la FRC, qui n’a pour l’instant pas reçu de plaintes concernant les applicatio­ns de Buy Now Pay Later.

En Australie, 15% des utilisateu­rs de ce type de financemen­t ont dû contracter des emprunts supplément­aires afin de tenir leurs engagement­s vis-à-vis d’acteurs du Buy Now Pay Later, selon une enquête du surveillan­t de la finance australien­ne, mentionnée par Fitch. D’autres consommate­urs utilisent leur facilité de découvert bancaire pour rembourser: Fitch cite notamment une grande banque anglaise – sans divulguer son nom – dont 10% des 660000 clients adeptes de paiements différés ont dépassé leurs limites de découvert dans le mois qui a suivi leurs achats.

En dernier recours, les cartes de crédit sont mises à contributi­on pour combler les dettes contractée­s via du Buy Now Pay Later – qui sont donc remboursée­s grâce aux instrument­s qu’elles doivent permettre d’éviter.

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(KLARNA) Valorisé à 46 milliards de dollars, le géant suédois du Buy Now Pay Later, Klarna, est actif en Suisse depuis peu.

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