Le Buy Now Pay Later explose dans le secteur de l’e-commerce
Ce type de paiement différé, qui représente une part croissante du commerce en ligne, est critiqué pour l’absence ou la légèreté des contrôles sur la solvabilité des utilisateurs. En Suisse, où ces solutions sont arrivées récemment, elles évoluent dans un flou juridique
L’expression «buy now pay later» est entrée dans le langage courant le 1er août dernier pour une histoire à 29 milliards de dollars. C’est le prix qu’a déboursé la société de paiement américaine Square pour acquérir Afterpay, un acteur australien qui permet aux consommateurs de régler leurs achats en plusieurs fois. Le Buy Now Pay Later (BNPL) – paiement différé en bon français – a bénéficié du boom des achats en ligne pendant la pandémie et permet de stimuler la consommation. Avec aussi le risque de pousser au surendettement, puisque ce type de service financier n’est généralement pas soumis aux lois sur le crédit à la consommation.
Le secteur du Buy Now Pay Later se trouve en ébullition, comme en témoignent les vertigineuses valorisations d’Afterpay ou du suédois Klarna (46 milliards), l’un des leaders de cette activité, qui est présent depuis peu sur le marché suisse. Des géants de la finance traditionnelle s’y sont mis ou vont le faire, comme American Express, J.P. Morgan, Mastercard ou PayPal. Apple envisagerait de se lancer également sur ce segment.
Gratuit et accessible: les jeunes adorent
Les offres de Buy Now Pay Later permettent de régler en plusieurs fois des achats portant sur de petits montants, alors que le paiement différé est traditionnellement offert pour des achats importants – en milliers de francs – dans le commerce de détail. Surtout, cette forme de crédit peut être gratuite – sans intérêt ni frais – si le client respecte ses échéances de paiement. De quoi gagner des parts de marché face aux cartes de crédit. Enfin, après s’être inscrit en quelques clics auprès d’un fournisseur de Buy Now Pay Later, le client peut accéder immédiatement à cette facilité de paiement au moment de régler des achats en ligne, simplement en la sélectionnant parmi les solutions de paiement proposées sur le site du vendeur.
Ces raisons expliquent que le Buy Now Pay Later progresse rapidement, notamment auprès des consommateurs plus jeunes, qui sont aussi les cibles préférées des campagnes de marketing. Ce type de crédit représente près de 1 euro sur 4 dépensés en ligne en Suède, le pays qui le pratique le plus, selon le rapport FIS Global Payments de Worldpay, une société de paiements en ligne britannique. Début 2021, les volumes financés de cette façon aux Etats-Unis étaient trois fois plus importants qu’en 2020, d’après des données d’Adobe Analytics. Les acteurs du BNPL gagnent de l’argent en prélevant des commissions auprès des vendeurs (semblables à celles des cartes de crédit) et avec les pénalités facturées aux utilisateurs qui ne paient pas dans les temps.
Les commandes passées de cette façon sont également plus importantes – de l’ordre de +20% – toujours selon cette source. Ce qui peut signifier que la simplicité de ce moyen de paiement favorise les achats impulsifs. Une autre critique concerne l’absence de contrôle sur la solvabilité des utilisateurs.
Même s’ils diffèrent dans leurs modalités, les différents produits de Buy Now Pay Later échappent «souvent au niveau de surveillance appliqué aux prêts à la consommation classique» et semblent même avoir été «spécifiquement conçus pour cela», relève l’agence de notation Fitch dans un rapport centré sur les Etats-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne.
Remboursé avec d’autres emprunts ou des cartes de crédit
Plus précisément, les acteurs de ce secteur sont souvent tenus d’effectuer des contrôles limités et ne communiquent pas les sommes empruntées aux organismes censés offrir une vue d’ensemble sur l’endettement d’un individu. Ce dernier pourra donc multiplier les dettes auprès de différents prêteurs, avec un risque de surendettement.
En Suisse, la loi sur les crédits à la consommation (LCC) ne s’applique pas pour les crédits inférieurs à 500 francs, relève la Fédération romande des consommateurs, contactée par Le Temps. «Les entreprises du Buy Now Pay Later peuvent donc adresser leur offre à des consommatrices et des consommateurs peu solvables. Or, la facture peut être salée: en cas de retard de paiement, les intérêts moratoires sont très élevés (autour de 8%), les frais de rappel également. Il convient donc d’être prudent lorsqu’on utilise ce type de paiement», précise encore la FRC, qui n’a pour l’instant pas reçu de plaintes concernant les applications de Buy Now Pay Later.
En Australie, 15% des utilisateurs de ce type de financement ont dû contracter des emprunts supplémentaires afin de tenir leurs engagements vis-à-vis d’acteurs du Buy Now Pay Later, selon une enquête du surveillant de la finance australienne, mentionnée par Fitch. D’autres consommateurs utilisent leur facilité de découvert bancaire pour rembourser: Fitch cite notamment une grande banque anglaise – sans divulguer son nom – dont 10% des 660000 clients adeptes de paiements différés ont dépassé leurs limites de découvert dans le mois qui a suivi leurs achats.
En dernier recours, les cartes de crédit sont mises à contribution pour combler les dettes contractées via du Buy Now Pay Later – qui sont donc remboursées grâce aux instruments qu’elles doivent permettre d’éviter.
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