Au festival de Locarno, une castagne qui vaut de l’or
Le cinéma était de retour en salles à Locarno, mais pas encore au sommet de sa forme. Le jury a attribué le Pardo d’oro à «Seperti Dendam, Rindu Harus Dibayar Tuntas», un film indonésien qui privilégie la bagarre plutôt que le dialogue
Il n’aura échappé à personne que la 74e édition du Locarno Film Festival était celle de la convalescence, situation sanitaire oblige. Les contrariétés des 18 derniers mois se ressentent sur le niveau des films présentés en compétition officielle. Car si certaines oeuvres s’avèrent admirables, comme Al-Haher, de Ghassan Salhab, Medea, d’Alexander Zeldovich, ou Petite Solange, d’Axelle Ropert, d’autres peinent à justifier leur présence dans un festival de classe A. Par ailleurs, le jury n’a pas primé les meilleurs… Mais bon, comme disait naguère Alejandro Gonzalez Iñarritu à Cannes: «La Palme d’or ne couronne pas le meilleur film, mais celui qui séduit une poignée de personnes à un moment donné de l’histoire.»
De l’indifférence, au pire de l’ennui
Ainsi, la cinéaste Eliza Hittman, l’artiste Kevin Jerome Everson, les actrices Isabella Ferrari et Leonor Silveira et le réalisateur Philippe Lacôte ont attribué le Léopard d’or à Seperti Dendam, Rindu Harus Dibayar Tuntas (Vengeance Is Mine, All Others Pay Cash), d’Edwin. Dans cette série B indonésienne, Ajo Kawir cogne dur, mais bande mou. L’huile de sangsue saura-t-elle lui rendre sa virilité? A vrai dire, on s’en fiche car cette succession de trépidantes bagarres alternant avec des scènes sentimentales sucrées suscite au mieux l’indifférence, au pire l’ennui.
Le Prix de la mise en scène va à Zeros and Ones, d’Abel Ferrara, un brouillamini parano-militaire aussi imperméable que prétentieux. Filmer à l’arraché et en très gros plans des personnages qui s’agitent dans une nuit opaque relève-t-il de la «mise en scène»?
Histoire de la Chine
Heureusement, Jiao Ma Tang Hui (A New Old Play) de Qiu Jiongjiong sauve l’honneur en décrochant un Prix spécial du jury: ce long métrage raconte l’histoire de la Chine à travers les tribulations d’une troupe de théâtre. Tourné en studio, le film combine trois niveaux de récit: la biographie des personnages, les évolutions du répertoire et la grande histoire (guerre de l’opium, Révolution culturelle…) qui chamboule les destins personnels.
Mohamed Mellali et Valero Escolar sont promus meilleurs acteurs pour
Sis Dies Corrents (The Odd-Job Men) de Neus Ballús, et Anastasiya Krasovskaya, meilleure actrice pour Gerda de Natalya Kudryashova. Des mentions spéciales ont été attribuées à Soul of a Beast, un drame de l’adolescence de Lorenz Merz (Suisse) et
Espiritu Sagrado de Chema Garcia Ibarra, un drame comique poussant la débilité jusqu’à l’infamie.
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