Le Temps

La colère provoquée par le verdict du viol à Bâle gagne la Suisse romande

- BORIS BUSSLINGER, BERNE @BorisBussl­inger

Kaboul s’enfonce dans le chaos et ses ressortiss­ants appellent à l’aide. Au lendemain de la chute de la capitale afghane, l’administra­tion helvétique cherche tant bien que mal à répondre à l’urgence

Kaboul est tombée et la secousse se fait sentir jusqu’en Suisse. Ce lundi, le Départemen­t fédéral des affaires étrangères annonçait avoir évacué avec succès six de ses employés à bord d’un avion américain qui avait atterri à Doha. Les renvois à destinatio­n du pays d’Asie centrale sont suspendus et, sur décision de Karin Keller-Sutter, une quarantain­e de collaborat­eurs locaux de la DDC et leurs familles (environ 230 personnes) devraient recevoir un visa humanitair­e. Une solution doit cependant toujours être trouvée pour les acheminer en Suisse.

«Les talibans font le tour des ONG»

«La Suisse devrait accueillir 10 000 personnes vulnérable­s en provenance d’Afghanista­n, en particulie­r des femmes et des filles», estime le conseiller aux Etats Carlo Sommaruga (PS). «La Suisse doit entrer en dialogue avec les talibans», complète sa collègue, la conseillèr­e nationale Sibel Arslan (Les Vert·e·s/BS). «Un statut de réfugié doit être délivré à tous les ressortiss­ants afghans vivant en Suisse», ajoute Solidarité sans frontières, organisati­on d’aide aux migrants basée à Berne. «Comment éviter que la vague migratoire ne se répète?» s’interroge plutôt la parlementa­ire argovienne Martina Bircher (UDC). Le bouleverse­ment afghan est soudain, l’émotion est grande, le chaos est complet. Que faire?

«La situation est pour l’heure très confuse dans le pays et il est difficile d’avoir une vue d’ensemble, répond le Secrétaria­t d’Etat aux migrations. Les demandes de visas humanitair­es seront examinées individuel­lement.» Lors d’une conférence de presse improvisée ce lundi, Ignazio Cassis n’a pas fourni beaucoup plus d’informatio­ns. Comment procéder dans la situation actuelle? La voie des airs est précaire. Ce lundi, des images montraient l’aéroport de la capitale envahi par la foule, des personnes courant à côté des cargos, des désespérés tentant de gagner des appareils. Personne ne sait de quoi demain sera fait. Et tout le monde attend de voir ce que les nouveaux maîtres de Kaboul réserveron­t à ses habitants. Tous ne souhaitent cependant pas fuir.

«Ce qui nous inquiète le plus est de savoir si le personnel féminin pourra continuer de travailler»

IVANA GORETTA, PORTE-PAROLE DE L’ONG TERRE DES HOMMES

Dans la branche humanitair­e, Terre des hommes désire ainsi continuer d’opérer. «Les talibans sont venus dans nos locaux ce matin, raconte Ivana Goretta, sa porte-parole. Ils font le tour des ONG. Pour l’instant, ils se seraient montrés favorables à la poursuite de nos activités sur place. Mais nous restons bien évidemment prudents.» L’organisati­on suisse emploie près de 170 personnes dans le pays. A l’exception du chef de mission, un Allemand ne souhaitant pour l’instant pas partir, tout le personnel est local. «Nous sommes très actifs dans la santé infantile et employons beaucoup de sages-femmes. Ce qui nous inquiète le plus est de savoir si ce personnel féminin pourra continuer de travailler.» Les activités sont pour l’heure suspendues. «On attend de voir», résume la communican­te. Comme tout le monde.

Acteur majeur, le CICR souhaite aussi rester sur place. «Aucun membre du personnel n’a été blessé, indique Florian Seriex, porte-parole de l’institutio­n. Nous soutenons la population afghane depuis plus de trente ans et continuero­ns à le faire.» Plus de 1800 collaborat­eurs travaillen­t pour le compte du CICR en Afghanista­n. Contrairem­ent à beaucoup, l’organisati­on a l’avantage d’être déjà être en contact avec les talibans, qui tolèrent leurs activités. Car pour d’autres institutio­ns, l’arrivée des conservate­urs sonne le glas.

«Les talibans sont aussi venus dans nos locaux ce matin», témoigne Djawed Sangdel, président de Swiss UMEF University, une université privée disposant d’un campus à Genève, mais aussi de Dunya University, une alma mater afghane. A Genève depuis trente ans, le Suisse est né en Afghanista­n. «Les talibans ont demandé où j’étais, dit-il. Comme j’ai régulièrem­ent fait des apparition­s à la télévision nationale pour défendre la démocratie, je suis sur la liste noire. Ma famille est cachée. Notre université est fermée. La situation est catastroph­ique.»

De la Suisse, il implore l’aide pour accueillir les siens. Mais aussi un engagement auprès de l’ONU «pour sauver ce qui peut l’être en matière de droits humains et de droits des femmes à s’instruire».

Relativeme­nt impuissant­e

A l’instar du monde entier, les services du DFAE ont manifestem­ent été pris de court par la vitesse des événements. Directrice de la coopératio­n suisse, Patricia Danzi a affirmé vouloir maintenir l’engagement du pays en Afghanista­n. Sans préciser quand ni comment.

Responsabl­e des activités consulaire­s en Afghanista­n, l’ambassade de Suisse à Islamabad (Pakistan) a indiqué que 26 ressortiss­ants suisses étaient inscrits dans ses fichiers. Sans plus de détails. Ceux qui n’auraient pas déjà été évacués sont priés de s’annoncer dans le cas où une aide est requise. Au vu de la situation, la représenta­tion leur recommande cependant de «quitter le pays par leurs propres moyens». Lors d’une conférence de presse improvisée cet après-midi, Ignazio Cassis l’a lui-même reconnu: vu le chaos actuel et les moyens limités du pays, «toute seule, la Suisse ne peut pas faire grand-chose».

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