Le Temps

Beach-volley au bord du lac

Le beach-volley est une discipline peu organisée au niveau populaire mais néanmoins compétitiv­e, car de la victoire dépend le temps passé sur le terrain. Cela n’empêche pas les amateurs de faire communauté autour d’apéros

- LIONEL PITTET t@lionel_pittet

Les rives lausannois­es du Léman sont un stade à ciel ouvert, théâtre de multiples activités sportives. Il y a une vingtaine d’années, alors que la ville accueillai­t un tournoi internatio­nal de beach-volley, quatre terrains de sable sont venus compléter l’offre. Ils ont vite trouvé leur public, entre les groupes d’amis en goguette, les visiteurs de passage et les acharnés de la discipline.

Les beach-volleyeurs lausannois guettent ces moments où, sur les réseaux sociaux, Pascal annonce la prochaine soirée cocktails. Le principe: il débarque au bord des terrains de Vidy avec une table, des glaçons, des pailles multicolor­es, une petite base d’ingrédient­s et il invite tous ceux que cela intéresse à amener des fruits, des jus et autres. La soirée avançant, la luminosité baisse et l’ambiance monte autour du bar improvisé, gratuit, ouvert à tous.

«Ça a commencé avec l’équipe féminine de volley en salle que j’entraînais, se souvient le mixologist­e amateur. J’ai eu beaucoup plus de succès avec les séances de beach que je proposais quand j’ai annoncé un apéro à la fin…»

Petit à petit se sont mêlés les potes, les connaissan­ces, les joueurs inconnus, et même les basketteur­s qui transpiren­t sur le terrain adjacent. C’est alors que le «Vidy Beach Crew» – du nom d’une page Facebook réunissant plus de 700 membres – fait vraiment communauté. «Mais attention, les gens viennent avant tout pour jouer, souligne Pascal. Ils mangent une banane, boivent un verre, puis vont disputer leur prochain match.»

Stade à ciel ouvert

Les rives lausannois­es du Léman sont un stade à ciel ouvert où, sans même parler des possibilit­és nautiques, les sportifs pratiquent le football, le jogging, le vélo, le skateboard, le basket, la pétanque, etc. Il y a une vingtaine d’années, alors que la ville olympique accueillai­t un tournoi internatio­nal de beach-volley, quatre terrains de sable sont venus compléter l’offre. Ils ont vite trouvé leur public entre les groupes d’amis en goguette, les visiteurs de passage et les acharnés de la discipline.

Parmi ces derniers, il y a An (45 ans), qui se targue d’être l’un des derniers habitués à avoir connu l’époque où «ici, c’était un parking». Il est si souvent présent que ses camarades le surnomment «le concierge». Il décrit le fonctionne­ment tacite des lieux, que plus ou moins tout le monde connaît et respecte: «En général, le terrain le plus éloigné du lac est laissé à ceux qui viennent par groupes de dix ou douze et qui veulent jouer entre eux, à cinq contre cinq ou six contre six. Sur les trois terrains suivants, on joue à deux contre deux, selon les vraies règles du beach-volley. Plus on se rapproche de l’eau et plus le niveau monte.»

Le matin et en début d’après-midi, la fréquentat­ion est faible; il vaut mieux venir à quatre, avec son propre ballon, pour être sûr de pouvoir disputer quelques sets. Mais plus les heures passent et plus l’affluence augmente. Ce mercredi, il est à peine 16 heures qu’il y a déjà deux fois plus de joueurs potentiels que de place sur les terrains. Est alors instauré le système dit de «la gagne».

N’importe quelle paire (féminine, masculine ou mixte) peut demander à «prendre la gagne», c’est-à-dire à affronter le vainqueur du match précédent, sur le terrain de son choix. En cas de victoire, le jeu se poursuit contre l’équipe suivante. Sinon, c’est retour à la case départ. Parfois, la liste d’attente s’étire. «Un soir de semaine, il n’est pas rare d’attendre deux heures pour disputer un set, lance An. Et si tu le perds, tu attends de nouveau deux heures pour le suivant.»

Nico, qui joue depuis une vingtaine d’années, constate que les passionnés ont aujourd’hui pris l’habitude de se concerter via des groupes WhatsApp pour aller jouer sur des terrains moins fréquentés, ou aux heures creuses. «Il y a dix ans, tu pouvais prendre la gagne à Vidy contre les meilleurs joueurs de la région, des volleyeurs de Ligue nationale A… Aujourd’hui, ils ont tendance à s’organiser autrement pour éviter de passer leur soirée à attendre.»

C’est ce que fait habituelle­ment Simon (17 ans), un espoir du LUC. Mais cet aprèsmidi, il est venu seul à Vidy. «Il y a parfois un super niveau, et c’est cool de jouer contre de nouvelles personnes», estime-t-il. Sa silhouette longiligne est déjà connue et redoutée des autres. Il s’empourpre. «Mon but, c’est de devenir fort, mais personne ne joue pour rabaisser les autres ou pour s’énerver, sourit-il. Si je dois faire un set contre des joueurs pas terribles, j’y vais tranquille…

SIMON, 17 ANS

Mais c’est rare, on se rapproche les uns des autres par niveau car, s’il y a trop de différence, c’est moins sympa pour tout le monde.»

Dix terrains de plus?

Dans sa pratique populaire, le beach-volley est un sport peu organisé. Les clubs ne sont pas légion et les entraîneme­nts formels restent rares, même si Nico vient de s’engager bénévoleme­nt auprès de l’antenne vaudoise de Swiss Volley pour essayer de faire bouger les choses, notamment chez les juniors. An, lui, se fait un point d’honneur à jouer avec les débutants pour leur inculquer les bases. «Je les approche et je leur montre des trucs, raconte-t-il. Je suis un peu le seul à le faire, les autres habitués voient ça comme du temps perdu à ne pas jouer pour leur propre plaisir, dans un contexte où personne ne peut disputer autant de matchs que souhaité.»

Il se retourne sur sa chaise de camping et prend un ton sérieux. «Quand même! Le beach-volley est un sport olympique et, dans la capitale olympique, il n’y a que quatre terrains publics libres d’accès. Cela restreint le développem­ent de la discipline, et cela empêche toute initiative de ceux qui aimeraient faire du beach-soccer, du beach-handball, du beach-badminton…»

Le gourmand verrait bien «dix terrains de plus» dans le coin, et ils seraient utilisés sans problème, pense-t-il. A côté de lui, Pascal se marre. Ça fera beaucoup de monde pour les soirées cocktails. ■

«MON BUT, C’EST DE DEVENIR FORT, MAIS PERSONNE NE JOUE POUR RABAISSER LES AUTRES OU POUR S’ÉNERVER»

Demain: on se pointe (et on tire) avec les amateurs de pétanque de Plainpalai­s.

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(VALENTIN FLAURAUD POUR LE TEMPS)

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