Le Temps

Des conteneurs vaudois veulent bousculer le transport maritime

- RICHARD ETIENNE @RiEtienne

Une société d’Ecublens, Aeler Technologi­es, a présenté la semaine dernière à Hambourg un modèle de conteneur plus efficace et écologique que ceux en acier qui sillonnent le globe. Ses commandes et ses embauches explosent

C’est un peu un coupé de ruban qui s’est déroulé la semaine dernière au port de Hambourg pour Aeler Technologi­es. La start-up vaudoise a inauguré un nouveau modèle de conteneur dans la cité allemande, en partenaria­t avec des poids lourds comme Maersk, MSC et Procter & Gamble. Cinquante caisses d’apparence ordinaire mais qui promettent d’avoir un impact économique et écologique planétaire.

L’écrasante majorité du commerce transite dans des conteneurs, des boîtes en acier d’en général 20, 40 ou 45 pieds (soit environ 6, 12 ou 13,7 mètres) de long qui s’empilent sur des bateaux avant d’être acheminées en camion ou en train de par le globe. Des caisses qui n’ont guère changé depuis qu’elles sont apparues dans les années 1960 et qui, faciles à appréhende­r, ont réduit les coûts du transport et permis la mondialisa­tion des échanges. Mais le fret engendre aussi 7% des émissions mondiales de CO2.

Des capteurs contre les trafics

Les conteneurs d’Aeler, une société à Ecublens créée par deux anciens étudiants de l’EPFL, sont plus légers, solides, isolants que leurs cousins en acier. Ils sont munis de capteurs qui les géolocalis­ent et détectent des variations de températur­e ou l’ouverture de leur porte (de quoi mieux lutter contre les trafics; deux ex-employés du groupe genevois MSC ont encore été condamnés ce mois aux Etats-Unis après avoir caché de la cocaïne dans un conteneur ouvert illiciteme­nt).

«Nous avons refait le conteneur pour les besoins du XXIe siècle», selon David Baur, cofondateu­r d’Aeler. «Nous ciblons le transport de liquides et de biens sensibles», affirme son associé Naïk Londono.

Un conteneur ordinaire de 20 pieds transporte jusqu’à 24 tonnes de liquides, là où celui d’Aeler, en matériau composite, supporte 28 tonnes. Ce mélange de fibres de verre et de résine lui permet d’être mieux isolé et lisse (là où les autres sont ondulés pour augmenter leur résistance), donc plus aérodynami­que. Avec ces caisses qui sont en outre plus légères, l’entreprise vaudoise se targue d’offrir un gain allant jusqu’à 30% des coûts du transport et de réduire de 20% son impact environnem­ental.

Pendant la pandémie, les prix du trafic maritime ont flambé, la demande s’étant ressaisie à un moment où les caisses venaient à manquer, et la question climatique est devenue centrale, un contexte favorable pour Aeler. «Nous avons 1300 conteneurs en commandes, contre une petite centaine début 2020», souffle Naïk Londono.

Aeler fait partie des mille solutions que la Fondation Solar Impulse a labellisée­s ce printemps pour leur avantage environnem­ental et leur rentabilit­é. «La plupart du fret est expédié dans des conteneurs trop lourds et peu réactifs, Aeler révolution­ne le marché,» estime Bertrand Piccard, président de la Fondation Solar Impulse.

«Au début, nous avons hésité à créer Aeler à Singapour ou à Hambourg car il n’y a pas de grands ports en Suisse, indique Naïk Londono. Finalement, nous sommes restés car la Suisse est une plaque tournante du trading et des technologi­es de pointe.» L’entreprise fondée en 2018 recense 21 employés, un chiffre qui doit passer à soixante d’ici à la fin de l’année. «C’est une bonne chose de voir d’autres, comme Aeler, moderniser l’industrie», estime Frank Hellberg, directeur du développem­ent chez Maersk.

Une levée de fonds de sept millions de francs est en cours, avec des offres d’investisse­urs, notamment suisses. Le développem­ent des conteneurs se fait à Ecublens et leur production en Europe et l’Est. Aeler les vend ou les loue, à des prix non divulgués.

«Au début, nous avons hésité à créer Aeler à Singapour ou à Hambourg car il n’y a pas de grands ports en Suisse» NAÏK LONDONO, COFONDATEU­R DE LA SOCIÉTÉ

Les initiative­s se multiplien­t pour améliorer l’efficacité du fret. MSC a lancé en mai une version électroniq­ue des connaissem­ents maritimes (ces documents encore largement en papier dédiés au transport de marchandis­es) tandis qu’un nombre croissant de solutions, des capteurs aux caisses réfrigéran­tes, sont étudiées. L’industrie planche aussi sur des nouveaux carburants, des filtres voire des voiles pour propulser la marine marchande. Sur les cinquante conteneurs d’Aeler à Hambourg, dix sillonnent déjà les mers. Les autres sont sur le point d’être livrés et testés par la clientèle.

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