La blockchain Ethereum passe à la vitesse supérieure
Utilisée pour les «smart contracts»et la finance décentralisée, l’Ethereum a modifié début août son mécanisme de minage, avec notamment des conséquences sur la récompense des participants
Nouvelle étape vers Ethereum 2.0. La deuxième plus grande blockchain a modifié certains de ses principes de fonctionnement le 5 août dernier, dans le but de gagner en rapidité et d’évoluer vers un consensus de preuve d’enjeu (proof of stake) plus efficace et moins énergivore que son mécanisme actuel de preuve de travail (proof of work). Cette mise à jour, appelée «London fork», introduit notamment la destruction d’ethers, la monnaie fonctionnant sur la blockchain Ethereum, afin de limiter sa tendance inflationniste. Depuis le 5 août, le cours de l’ether est en effet passé d’environ 2700 à plus de 3200 dollars.
Dans les faits, le système consommera beaucoup moins d’énergie lorsqu’il fonctionnera selon le mode de validation dit proof of stake, peut-être d’ici à la fin de l’année, alors que les cryptomonnaies sont régulièrement critiquées pour leur empreinte carbone. Mais les changements opérés par Ethereum n’ont rien à voir avec des motivations écologiques, précise Alexis Roussel, fondateur de la plateforme de cryptomonnaies neuchâteloise Bity: «Le London fork constitue une étape vers le passage d’un mécanisme de proof of work vers le proof of stake, qui a été prévu dès le début d’Ethereum. L’objectif est d’augmenter la vitesse du réseau, qui est surchargé, notamment parce que la DeFi s’est développée sur Ethereum.»
«Ceux qui auront le plus d’argent décideront, ce qui pose des questions sur la répartition du pouvoir et l’influence qu’exerceront ces grands acteurs» ALEXIS ROUSSEL, FONDATEUR DE LA PLATEFORME NEUCHÂTELOISE BITY
La DeFi – synonyme de finance décentralisée – représente un ensemble de services financiers qui ne recourent pas à une entité centrale comme une banque mais à des programmes conçus pour s’appliquer lorsque des conditions prédéfinies sont remplies. Or ces smart contracts tournent sur la blockchain Ethereum. L’essor des NFT – jetons numériques non fongibles – constitue un autre facteur de surcharge de cette blockchain.
Mesure anti-inflationniste
Dans le détail, la mise à jour du 5 août introduit un mécanisme de destruction d’ethers. Jusque-là, un utilisateur qui validait un bloc de transactions recevait deux ethers, auxquels s’ajoutent les frais de transaction générés par les opérations validées. Dorénavant, «une partie des ethers créés est «brûlée», c’est-à-dire détruite, ce qui ralentit le rythme de création monétaire, reprend Alexis Roussel, par ailleurs ex-président du Parti pirate. Il s’agit d’une étape importante car, contrairement au bitcoin, aucune limite n’a été définie pour le nombre d’ethers qui seront fabriqués. Détruire une partie des unités de monnaie permet donc de lutter contre la tendance inflationniste.»
Autre conséquence, le minage est devenu moins rentable de manière générale, «mais avec des variations selon les blocs», souligne le spécialiste. A noter que le minage d’ether n’a pas donné lieu à la même course à l’armement que pour le bitcoin, qui nécessite des machines toujours plus puissantes et rapides afin de résoudre des calculs mathématiques à la complexité croissante. «Le minage d’ether se fait plutôt par de petites entités détenues par des individus, les professionnels n’ont pas investi dans cette activité de la même manière qu’avec le bitcoin», résume Alexis Roussel.
Une autre solution est avancée pour lutter contre la surcharge du réseau: le sharding, qui consiste à créer plusieurs blockchains qui fonctionneront de concert et permettront de traiter davantage de transactions, détaille encore notre interlocuteur, qui préfère parler de «pointes de blockchains», plutôt que de blockchains différentes. Le nombre de transactions traitées pourrait passer de quelques dizaines à 100 000 par seconde, selon l’inventeur d’Ethereum, Vitalik Buterin.
Selon Alexis Roussel, l’évolution la plus notable de l’Ethereum 2.0 concernera sa gouvernance. Dans un fonctionnement de proof of work, les mineurs sont en concurrence pour se voir attribuer la validation d’un bloc de transactions, et la récompense qui va avec. Alors que le mécanisme de proof of stake consiste à désigner un validateur qui n’aura pas à effectuer de complexes calculs.
La consommation d’énergie des ordinateurs reculera massivement, mais les grands détenteurs d’ethers auront davantage de chances d’être sélectionnés. «Ceux qui auront le plus d’argent décideront, ce qui pose des questions sur la répartition du pouvoir et l’influence qu’exerceront ces grands acteurs. Il se peut qu’Ethereum soit sujette à une forme de contrôle, alors que le bitcoin resterait plus libre», conclut l’entrepreneur neuchâtelois.
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