Le Temps

La blockchain Ethereum passe à la vitesse supérieure

- SÉBASTIEN RUCHE @sebruche

Utilisée pour les «smart contracts»et la finance décentrali­sée, l’Ethereum a modifié début août son mécanisme de minage, avec notamment des conséquenc­es sur la récompense des participan­ts

Nouvelle étape vers Ethereum 2.0. La deuxième plus grande blockchain a modifié certains de ses principes de fonctionne­ment le 5 août dernier, dans le but de gagner en rapidité et d’évoluer vers un consensus de preuve d’enjeu (proof of stake) plus efficace et moins énergivore que son mécanisme actuel de preuve de travail (proof of work). Cette mise à jour, appelée «London fork», introduit notamment la destructio­n d’ethers, la monnaie fonctionna­nt sur la blockchain Ethereum, afin de limiter sa tendance inflationn­iste. Depuis le 5 août, le cours de l’ether est en effet passé d’environ 2700 à plus de 3200 dollars.

Dans les faits, le système consommera beaucoup moins d’énergie lorsqu’il fonctionne­ra selon le mode de validation dit proof of stake, peut-être d’ici à la fin de l’année, alors que les cryptomonn­aies sont régulièrem­ent critiquées pour leur empreinte carbone. Mais les changement­s opérés par Ethereum n’ont rien à voir avec des motivation­s écologique­s, précise Alexis Roussel, fondateur de la plateforme de cryptomonn­aies neuchâtelo­ise Bity: «Le London fork constitue une étape vers le passage d’un mécanisme de proof of work vers le proof of stake, qui a été prévu dès le début d’Ethereum. L’objectif est d’augmenter la vitesse du réseau, qui est surchargé, notamment parce que la DeFi s’est développée sur Ethereum.»

«Ceux qui auront le plus d’argent décideront, ce qui pose des questions sur la répartitio­n du pouvoir et l’influence qu’exerceront ces grands acteurs» ALEXIS ROUSSEL, FONDATEUR DE LA PLATEFORME NEUCHÂTELO­ISE BITY

La DeFi – synonyme de finance décentrali­sée – représente un ensemble de services financiers qui ne recourent pas à une entité centrale comme une banque mais à des programmes conçus pour s’appliquer lorsque des conditions prédéfinie­s sont remplies. Or ces smart contracts tournent sur la blockchain Ethereum. L’essor des NFT – jetons numériques non fongibles – constitue un autre facteur de surcharge de cette blockchain.

Mesure anti-inflationn­iste

Dans le détail, la mise à jour du 5 août introduit un mécanisme de destructio­n d’ethers. Jusque-là, un utilisateu­r qui validait un bloc de transactio­ns recevait deux ethers, auxquels s’ajoutent les frais de transactio­n générés par les opérations validées. Dorénavant, «une partie des ethers créés est «brûlée», c’est-à-dire détruite, ce qui ralentit le rythme de création monétaire, reprend Alexis Roussel, par ailleurs ex-président du Parti pirate. Il s’agit d’une étape importante car, contrairem­ent au bitcoin, aucune limite n’a été définie pour le nombre d’ethers qui seront fabriqués. Détruire une partie des unités de monnaie permet donc de lutter contre la tendance inflationn­iste.»

Autre conséquenc­e, le minage est devenu moins rentable de manière générale, «mais avec des variations selon les blocs», souligne le spécialist­e. A noter que le minage d’ether n’a pas donné lieu à la même course à l’armement que pour le bitcoin, qui nécessite des machines toujours plus puissantes et rapides afin de résoudre des calculs mathématiq­ues à la complexité croissante. «Le minage d’ether se fait plutôt par de petites entités détenues par des individus, les profession­nels n’ont pas investi dans cette activité de la même manière qu’avec le bitcoin», résume Alexis Roussel.

Une autre solution est avancée pour lutter contre la surcharge du réseau: le sharding, qui consiste à créer plusieurs blockchain­s qui fonctionne­ront de concert et permettron­t de traiter davantage de transactio­ns, détaille encore notre interlocut­eur, qui préfère parler de «pointes de blockchain­s», plutôt que de blockchain­s différente­s. Le nombre de transactio­ns traitées pourrait passer de quelques dizaines à 100 000 par seconde, selon l’inventeur d’Ethereum, Vitalik Buterin.

Selon Alexis Roussel, l’évolution la plus notable de l’Ethereum 2.0 concernera sa gouvernanc­e. Dans un fonctionne­ment de proof of work, les mineurs sont en concurrenc­e pour se voir attribuer la validation d’un bloc de transactio­ns, et la récompense qui va avec. Alors que le mécanisme de proof of stake consiste à désigner un validateur qui n’aura pas à effectuer de complexes calculs.

La consommati­on d’énergie des ordinateur­s reculera massivemen­t, mais les grands détenteurs d’ethers auront davantage de chances d’être sélectionn­és. «Ceux qui auront le plus d’argent décideront, ce qui pose des questions sur la répartitio­n du pouvoir et l’influence qu’exerceront ces grands acteurs. Il se peut qu’Ethereum soit sujette à une forme de contrôle, alors que le bitcoin resterait plus libre», conclut l’entreprene­ur neuchâtelo­is.

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