Le Temps

La Chine utilise le chaos afghan pour avertir Taïwan

- RAM ETWAREEA @rametwaree­a

La presse gouverneme­ntale chinoise affirme que les Etats-Unis ont abandonné leurs alliés afghans à leur sort et qu’ils n’hésiteront pas à faire de même en cas de guerre entre la Chine et l’île rebelle

Y a-t-il des militaires américains stationnés à Taïwan? Trente mille, selon un tweet posté lundi soir par John Cornyn, sénateur républicai­n du Texas, qui reprochait au président Joe Biden de retirer maladroite­ment d’Afghanista­n un contingent bien plus petit. Cela a suffi pour faire enrager Pékin. Selon le Global Times, journal en ligne qui reflète la pensée officielle, la Chine devrait se servir immédiatem­ent de la loi anti-sécessionn­iste, expulser les GIs et imposer la réunificat­ion des deux Chine de force. Pour son éditoriali­ste, cette présence militaire américaine constitue une déclaratio­n de guerre. «Si cette informatio­n se vérifie, les Etats-Unis ont dépassé la ligne rouge», vocifère-t-il. Le message de John Cornyn a depuis été supprimé sans autre explicatio­n – Washington n’a en réalité compté de tels effectifs sur l’île que jusqu’en 1979.

Une affaire rentable

Autant dire que la presse chinoise ne laisse passer aucune occasion pour faire le lien entre le chaos afghan et Taïwan. Et surtout pour avertir les Taïwanais qu’ils ne peuvent pas compter sur les EtatsUnis pour assurer leur défense. Le Global Times de mardi pose cette question: quel est le point commun entre l’Afghanista­n, l’Irak, la Somalie, le Liban et le Vietnam? Réponse: l’abandon par les Etats-Unis, laissant leurs alliés à leur sort, lorsque leurs propres intérêts ne sont plus servis. «Si l’on s’en tient aux faits historique­s, le sort de Taïwan sera-t-il différent?»

«La façon dont Washington a abandonné le gouverneme­nt afghan a été reçue comme un choc et une trahison en Asie, commente le journal chinois. Ce même sort n’attend-il pas Taïwan?». Le média ironise en soulignant que les dirigeants de l’île rebelle ne doivent pas être rassurés après les événements en Afghanista­n; secrètemen­t, ils doivent savoir que les Etats-Unis ne sont pas un partenaire sur lequel on peut compter.

Le Global Times affirme que l’Afghanista­n n’est pas, géopolitiq­uement parlant, un pays moins important que Taïwan. Il partage ses frontières avec trois pays que les Etats-Unis considèren­t comme des rivaux – Iran, Russie et Chine. «Par-dessus tout, il est considéré comme un bastion de l’antiaméric­anisme, poursuit l’éditoriali­ste. L’armée américaine s’en va non pas parce que le pays d’Asie centrale n’est plus important, mais parce que sa présence commence à coûter cher. En ce qui concerne Taïwan, c’est plus simple pour eux: ils lui vendent des armes et l’encouragen­t à mener une politique hostile à la Chine. Pour maintenir les tensions dans la région, Washington n’a qu’à y envoyer des navires de guerre de temps en temps.» Pour le journal de Pékin, Taïwan est une affaire bien rentable pour les Etats-Unis, qui lui vendent également quantité de viande de porc et de boeuf.

Le journal chinois rappelle que le soutien à Kaboul a coûté la vie à 2000 soldats américains et 2000 milliards de dollars. «Combien de militaires et combien de dollars les Américains sont-ils prêts à sacrifier pour Taïwan?» se demande encore le journal. «Après tout, Washington reconnaît officielle­ment que Taïwan est partie intégrante de la Chine.»

«Changer de cap»

Enfin, le journal s’adresse directemen­t aux dirigeants taïwanais et leur demande de prendre conscience de la réalité. «Après ce qui s’est passé en Afghanista­n, il est évident que les Etats-Unis ne viendront pas défendre la petite île, note l’éditoriali­ste. Nous voyons déjà des dirigeants sécessionn­istes fuir le pays en avion», en faisant référence au président afghan qui a quitté le pays dimanche.

«La meilleure solution serait qu’on n’en arrive pas là, souhaite le Global Times. Les dirigeants taïwanais doivent changer de cap et cesser de faire le jeu anti-chinois des Etats-Unis. Ils doivent maintenir la paix entre les deux rives du détroit par des moyens politiques, plutôt que d’agir comme des pions américains.»

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